LOREENA McKENNITT : « LOST SOULS » (QUINLAN ROAD)
Cette fois, on va radicalement changer de registre. On n’arrête pas de vous saouler avec des musiques de films et notamment de séries B et Z. Parfois, on vous assomme avec du rock progressif ou de l’électronique. Cette fois-ci on va faire dans quelque chose de plus calme. Un peu de douceur dans ce monde de brutes. Nous allons donc vous parler de musique celte avec quelques touches modernes dans le son, et plus particulièrement de Loreena McKennitt qui vient de sortir son dernier album « Lost Souls » en mai dernier. Beaucoup plus lancinant que ces précédents opus, cet album nous emporte dans des contrées musicales rappelant parfois les troubadours d’antan … pour ceux qui auraient connu ce temps-là … ils doivent être sacrément rares.
Dans le monde musical, on trouve toutes sortes de styles. Depuis le classique jusqu’au rock … fort … en passant par l’électronique, le jazz, le contemporain et bien d’autres. Et parmi tous ces « bien d’autres » on y trouve la musique du monde ou, plus justement, traditionnelle. Alors certes, quand on parle de musique du monde, on a en tête les rythmes africains ou sud-américains ou les sons très particuliers des instruments d’Orient et d’Asie. Et pourtant il n’est pas nécessaire d’aller à l’autre bout de la planète pour écouter de la musique du monde et traditionnelle. Parfois, il suffit de sortir simplement de la ville où l’on vit. En Europe il y a de nombreuses musiques qui entrent dans ce giron de la musique dite « du monde » et la musique celte (celtique n’est pas vraiment le terme exact approprié) fait partie de celle-ci. Ajoutez à cela quelques touches médiévales et vous obtenez le style des premières compositions de Loreena McKennitt. Son exploration de la musique du monde amènera la musicienne à mélanger les styles et les cultures. Son incomparable voix claire et puissante relève le tout avec une magie rare.
Depuis maintenant plus de trente ans, Loreena McKennitt nous emmène dans son univers musical très personnel. Avec « Lost Souls » elle continue son exploration en mariant deux cultures musicales très opposées, mais dont certains rythmes ont tendance à avoir les mêmes bases bien que radicalement différentes. Le renouveau du vinyle amorcé depuis plus de dix ans, nous permet en plus de profiter pleinement du son clair des instruments traditionnels qui s’imprègnent dans notre mémoire.
Née en 1957 à Morden dans la province de Manitoba au Canada, Loreena McKennitt ne se destinait pas à la musique tout d’abord. Voulant au départ être vétérinaire, elle découvre néanmoins très tôt que sa véritable passion est la musique. Elle apprend alors le piano. Son professeur se rend compte du potentiel de sa voix claire et puissante. Loreena suit des cours de chants ce qui la perfectionne dans la maitrise de son organe hors norme. Dans les années soixante-dix, elle découvre la musique celte via les productions d’Alan Stivell, très populaire au Québec. Ses origines écossaises et irlandaises la conduisent à s’intéresser plus sérieusement à la culture gaélique. Elle apprend à jouer de la Harpe celte. Elle commence à jouer dans les rues, par exemple devant le St Lawrence Market à Toronto, afin de gagner assez d’argent pour produire un album. Remarquée par certains organisateurs d’événements elle se produit au Winnipeg Folk Festival. Elle s’installe à Stratford dans l’Ontario, ou elle collabore comme compositrice et interprète au festival de la ville. Elle commence réellement en effectuant des tournées à travers le pays tout en signant la musique des films « Bayo » et « Heaven on Earth » ainsi que les documentaires « To a Safer Place » et « Goddess Remember ». C’est en 1985 qu’elle décide d’être indépendante en créant Quinlan Road, la société de production qui va gérer sa carrière et assurer la production de ses disques. C’est d’ailleurs en cette même année qu’elle sort son premier opus « Elemental » essentiellement basé sur des mélodies et rythmes celtes. L’album se vend à 100000 exemplaires. Si ça peut paraître peu pour un pays aussi grand, il n’en demeure pas moins que c’est un record pour un disque de musique celte, et premier disque d’une débutante qui plus est. Si l’album suivant « To Drive the Cold Winter Away » est inspiré par des chants traditionnels d’hiver, le troisième « Parallel Dreams » est un ensemble de reprises de chansons traditionnelles celtes et de compositions personnelles. C’est en 1991 et avec l’album « The Visit » que la renommée de Loreena McKennitt va s’internationaliser. Deux millions de cet opus s’écoule rapidement grâce surtout à la chanson « The Lady of Shalott » qui apparait dans le film « Léolo » de Jean-Claude Lauzon. Dans sa tournée promotionnelle, elle joue au festival national d’Édimbourg en Écosse. Là elle est remarquée par un musicien de renommée mondiale qui l’invite à assurer la première partie de sa tournée. Loreena McKennitt apparaît alors devant un public qui l’accueille avec ferveur. Nul doute que faire la première partie de la tournée « Tubular Bells II » de Mike Oldfield aura donné le dernier coup de pouce qui la hisse au rang de star mondiale de la musique celte aux côtés de Clannad et d’Enya. Ce statut va être confirmé avec la sortie de « The Mask and the Mirror » où Loreena McKennitt reprend des extraits de William Shakespeare (Prospero’s Speech issu de « La Tempête ») ou de William Butler Yeats (Poète et dramaturge irlandais du 19ème siècle). Sa renommée grandissante lui permet de s’offrir les studios Real World fondés par Peter Gabriel (souvenez-vous je vous en avais parlé) pour enregistrer son nouvel album « The Book of Secrets ». Pour cet opus, Loreena Mc Kennitt décide d’insuffler à sa musique jusque-là essentiellement celte, une touche arabisante avec une pointe de flamenco. Après un séjour au Maroc, la musicienne découvre des mélodies et des rythmes pas si éloignés du style celte. Si Mugar, groupe celto-berbère, avait déjà mélangé les deux cultures musicales en 1996, Lorreena McKennitt va réellement équilibrer parfaitement ces deux genres pour créer son nouvel univers musical. La chanson « Mummer’s Dance » devient le hit absolu de sa carrière. L’apport d’instruments arabes ainsi que quelques autres issus des temps médiévaux européens va largement contribuer à ce son particulier.
En 1998, un drame personnel va conduire Loreena McKennitt à se retirer du monde musical. La mort de son fiancé dans un accident de bateau avec deux autres personnes l’ayant anéantie, ses apparitions se limitent à quelques participations par-ci par-là. Seul un album live de son concert à Paris sort en 1998. C’est en 2005 qu’elle revient avec deux nouveaux titres qu’elle interprète lors du festival folk d’Elmonto. « Ancient Muse » sort l’année suivante et Loreena McKennitt s’active parallèlement dans des actions sociales notamment en créant la fondation Cook-Rees, pour le sauvetage et la sécurité nautique, en mémoire de ses proches disparus. Les bénéfices des ventes de son nouvel album sont alors entièrement reversés à cette fondation. Elle est nommée alors Colonel Honotaire du 435ème escadron de recherche et sauvetage de Winnipeg. Elle participe financièrement à plusieurs autres fondations. Durant cette période faste en actions sociales, elle effectue des voyages en Grèce, Turquie et Mongolie, ce qui lui permet de s’imprégner des musiques locales. Avec toutes ces influences, Loreena McKennitt composent ses morceaux avec l’équilibre parfait entre tous ces sons différents et ces rythmes variés. Parmi les concerts qu’elle donne, celui de l’Interceltique de Lorient marquera à jamais le public français. Plusieurs albums suivent et avec « The Wind that Shakes the Barley » elle effectue un retour aux sources en revenant à la musique celte. Avec « Lost Souls » en 2018, elle livre un album plus serein avec le mélange celte/arabe qui a fait de sa musique quelque chose d’unique.
L’album est une collection de chansons aux inspirations et aux styles variés, mais calmes. Peu de titres sont plus rythmés. Ce choix dans la sérénité musicale permet à Loreena Mc Kennitt de nous faire pleinement profiter de sa voix claire et puissante. Pourtant le fait même que les chansons soient calmes évite que sa voix devienne perçante comme c’est le cas dans certains de ses précédents disques. La harpe et le piano, ses instruments de prédilection soutiennent les mélodies envolées que sa voix incomparable met en valeur. Les parties plus orientales sont ponctuelles et s’invitent avec une pointe de flamenco permettant de voyager par-delà les cultures. Les seuls morceaux plus vifs sont instrumentaux. Si le premier est résolument celte, le second est l’image même du style celto-arabe qui est devenu l’univers musical de la chanteuse canadienne. Avec « Lost Souls » Loreena McKennitt semble s’assagir tout en continuant son exploration de la musique du monde qu’elle marie avec brio avec la musique celte. Avec le renouveau du vinyle, les derniers disques des musiciens ne sortent plus seulement en CD et sur les plateformes légales de téléchargements. Maintenant le vinyle redevient une sorte de standard et « Lost Souls » bénéficie lui aussi de ce format analogique qui permet de profiter pleinement du son clair et chaud de certains instruments acoustiques qui sont mis en valeur dans les morceaux de Loreena McKennitt. C’est également un box collector qui voit le jour avec le CD, le double vinyle ainsi que le print signé du visuel de l’album.
Loreena Mc Kennitt est devenue en très peu de temps l’une des Celtic Ladies les plus reconnues dans l’univers de la musique du monde et surtout Celte aux côtés de Moya Brennan, chanteuse de Clannad et de bien d’autres encore. Son statut de star internationale est mérité, mais il est surtout dû à une chanson « Bonnie Portmore ». Ce titre est dans les mémoires de beaucoup de monde. Quand on en fait écouter les premières mesures, on ne peut s’empêcher de se dire que l’on a déjà entendu ces complaintes musicales avec cette voix d’une contrée lointaine. C’est cette chanson qui fera de Loreena McKennit une star mondiale, car elle a été utilisée dans le film « Highlander III ». Elle a tellement marqué le public qui a vu ce film qu’elle sera réutilisée dans le quatrième volet de la saga « Highlander ».
Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.
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