JEAN-MICHEL JARRE : CINQ DECENNIES DE MUSIQUE ELECTRONIQUE
C’est le 14 septembre dernier qu’est sortie dans les bacs une compilation assez attendue de l’une des plus populaires figure de la musique électronique. Sans lui, le genre en serait peut-être resté pour un public relativement restreint. Avec lui, cette musique se démocratise en touchant le grand public grâce à des thèmes accrocheurs et des sons inhabituels pour le commun des auditeurs. Il amorce alors un genre qui aura son heure de gloire populaire dans le milieu des années soixante-dix, notamment grâce à la période disco qui a émulé le style. Quand il débuté sa carrière, la musique électronique en était à un balbutiement restée dans le très fermé cercle de la musique contemporaine et concrète. C’est avec le mouvement du rock progressif que certains sons vont alors émerger. Si Pink Floyd est reconnu comme le groupe précurseur du genre en ayant notamment provoqué quelques vocations, Tangerine Dream est cité par nombre de musiciens comme pionnier d’un genre qui n’aurait peut-être jamais vu le jour. Mais la mouvance très expérimentale de cette musique nouvelle laisse le grand public perplexe et l’arrivée sur les ondes en 1972 de « Pop Corn » va commencer à changer tout ça, c’est en 1976 avec « Oxygène IV » que la musique dite « synthétique » conquiert le monde entier entraînant dans son sillage nombre de titres que divers musiciens vont alors produire. Car il s’agit, comme vous l’aurez peut-être compris, de Jean-Michel Jarre, compositeur au multiples records et aux concerts pharaoniques. Tout d’abord expérimentateur dans le domaine de la musique contemporaine, compositeur pour des chanteurs et chanteuses de variétés, Jarre crée ensuite une musique électronique à la portée de tous avec des thèmes simples et des arrangements que tout le monde peut comprendre. Il crée des polémiques en éditant un album à exemplaire unique, il crée l’événement en étant le premier occidental à se produire en Chine populaire, il se distingue en mettant en scène des concerts spectacles géants qui allient images et musiques. Ses albums se vendent par millions d’exemplaires, et s’il a de nombreux fans ainsi que plusieurs détracteurs, sa carrière demeure une référence et fait encore aujourd’hui école pour certains artistes officiant dans le même style musical. Jean-Michel Jarre découvre alors ces étranges instruments que sont les synthétiseurs notamment lors de son passage au GRM (groupe de Recherches Musicales) et à la musique de Pierre Schaeffer dont il revendique haut et fort l’inspiration. Alors que se distinguent des compositeurs comme Walter Carlos, Klaus Schulze, Edgar Froese (Tangerine Dream) et des groupes comme Pink Floyd entre autres dans des genres très élitistes pour l’époque, Jarre s’investit dans un genre encore plus confidentiel la musique électroacoustique suivant le pas de son modèle Pierre Schaeffer, et de nombreux autres compositeurs comme Pierre Henry, Stockhausen Bernard Parmeggiani et consorts. Il changera par la suite radicalement de direction pour connaître une carrière internationale inégalée dans ce style.
Né à Lyon en 1948, Jean-Michel Jarre grandit sans connaître son illustre père, le compositeur Maurice Jarre mondialement connu pour avoir signé des musiques de films (il est l’un des rares à être trois fois oscarisé et avoir quatre Golden Globe) on lui doit notamment « Lawrence d’Arabie », « Docteur Zhivago » parmi près d’une centaine d’œuvres remarquables. Elevé à Vanves par sa mère et ses grands-parents, Jean-Michel Jarre est très influencé par son grand-père musicien et co-inventeur de la première table de mixage pour la radio française. Il étudie le piano dès huit ans mais est très vite découragé par une enseignante jugée trop stricte. Sa passion pour la musique est telle que Jean-Michel est amené par sa mère dans une boite de jazz parisienne « Le chat qui pêche » tenu par une de ses amies Mimi Ricard. C’est Le jazzman Chet Baker ainsi que deux membres de la formation de jazz New York Contemporary Five, Archie Shepp (saxophoniste) et Don Cherry (trompettiste) qui initient le jeune Jean-Michel à la musique. Plus tard Jean-Michel Jarre entre au conservatoire de Paris pour y étudier l’harmonie et le contrepoint. Il s’intéresse alors à la musique contemporaine tout en apprenant la guitare. Il joue dans des groupes de rock et de jazz comme par exemple Les Mystères IV avec qui il remporte le premier prix du Tremplin de la foire de Paris. C’est avec Les Dusbins avec qui il apparaît dans le film « Les garçons et les filles » d’Etienne Perier où le groupe interprète deux chansons (on le voit par moments en gros plan).
Après le BAC il obtient une licence en littérature comparée. Il rencontre le pionnier de la musique électroacoustique Pierre Schaeffer, ce qui va bouleverser sa vie. Jean-Michel Jarre quitte alors le conservatoire pour entrer au G.R.M. (Groupe de Recherches Musicales), organisme créé par Schaeffer et rassemblant des musiciens et chercheurs pour y étudier les musiques contemporaines et expérimentales tentant d’explorer de nouvelles voies musicales quitte à les créer. Jean-Michel s’intéresse de près à la musique électroacoustique où il devient très vite habile dans la manipulation des bandes magnétiques tout en découvrant les premiers synthétiseurs comme le VCS 3 et le Moog. Il croise le chemin d’autres grands compositeurs comme Bernard Parmeggiani et Karlheinz Stockhausen. Il commence à composer ses premières pièces. Tout d’abord « Happiness is a Sad Song » pour la MJC Saint-Exupéry de Reims et « Erosmachine » en utilisant le bruit d’une lame de ciseau frottant une corde à piano. Puis vient « La Cage » dont la composition est plus élaborée avec un assemblage de rythmes à la guitare électrique, de percussions et divers objet et instruments dont certains passages sont enregistrés à l’envers. Ces deux derniers titres sortent en 45 tours, juste après avoir quitté le GRM à cause de désaccords avec le groupe. L’une des bases du GRM est le travail collectif et le partage des voies empruntées par les divers membres. Si le disque reste dans l’indifférence totale, il permet néanmoins à Jean-Michel Jarre d’être contacté en 1971 par le chorégraphe Norbert Schmucki pour composer une partie de la musique du ballet contemporain « Aor » (la lumière en hébreu). Il fournit quelques pièces électroacoustiques qui seront utilisées en appui à la musique expérimentale d’Igor Wakhevitch. Avec cette œuvre, Jarre devient le plus jeune musicien à jouer en direct à l’Opéra de Paris en y introduisant la musique électroacoustique. Après « Aor », il est sollicité pour deux autres pièces « Le Labyrinthe » ainsi que « Dorian Gray » qui sera diffusé à la télévision. Cette diffusion va permettre à Jarre de composer le générique de l’émission unique « Sport en Fête » en 1972 et apparaît sur deux chansons du groupe français de rock progressif Triangle. Il rencontre Philippe Besombes avec qui il partage les mêmes idées quant à la musique contemporaine. Ils collaborent ensemble sur plusieurs concerts. Mais comme il faut bien vivre, Jean-Michel Jarre entame en parallèle une carrière d’auteur compositeur pour d’autres artistes. Il commence avec « Lady », une chanson pour Bill and Buster, et « Jolly Jolly » pour Blue Vamp. Ces deux titres sont remarqués par le prestidigitateur Dominque Webb qui lui demande de composer une musique électronique sur laquelle il pratique ses tours. Il en sort le 45 tours « Hypnose ». En 1973 Jean-Michel Jarre se voit confié la musique du film « Les Granges Brûlées » de Jean Chapot avec Alain Delon et Simone Signoret. C’est l’occasion pour lui de sortir son premier album qui permet également de voir surgir son premier succès, le titre « Zig Zag ». Emporté par cet élan, Jarre sort son deuxième album « Deserted Palace », album relativement expérimental à l’orgue Farfisa et au VCS 3. Cet album prévu pour être de l’illustration musicale n’est alors distribué que dans le circuit des radios télé et boites de production.
Jean-Michel Jarre utilise des pseudonymes pour sortir quelques titres en 45 tours comme par exemple Jamie Jefferson qu’il utilise pour sortir sa propre version du cultissime « Pop Corn » (Gershon Kingsley / Jean-Jacques Perrey) ou encore 1906 pour le 45 tours « Cartolina ». Il continue d’écrire et de composer pour des chanteurs et chanteuses français comme Christophe dont il signe les paroles des albums « Les paradis Perdus » et « Les Mots Bleus ». C’est d’ailleurs lors des sessions d’enregistrements qu’il rencontre Dominique Perrier et Roger Rizzitelli qui formeront plus tard Space Art et qui deviendront ses collaborateurs sur plusieurs années. En mettant en scène le spectacle de Christophe, Jean-Michel Jarre introduit la célèbre illusion du piano qui se met à voler, conçue à l’origine par Dominique Webb. Il est alors remarqué par le producteur Francis Dreyfus avec qui il signe pour ses futures compositions. Entre temps en 1975, il travaille pour Françoise Hardy (Que vas-tu faire ?, Le compte à rebours) ainsi que pour Gérard Lenorman (La Fille que j’aime, Parade, La Belle et la et La mort du cygne) puis ensuite pour Patrick Juvet en 1976 (L’enfant aux cheveux blancs, Où sont les femmes ?, et Les bleus au cœur). Mais sa maîtrise des synthétiseurs est telle que les sons sont relativement bruts est peu amples comparés à ce que l’on entend de plus en plus depuis quelques années avec notamment les productions de Tangerine Dream, Klaus Schulze et Vangelis. Il fait venir un ingénieur et musicien Michel Geiss pour lui demander quelques conseils en matière de synthèses sonores et traitement du son. Geiss lui explique non seulement ce concept mais aussi l’énorme potentiel réel de ces instruments et des multiples effets qui enrichissent le son en lui-même. Grâce à ces nouvelles techniques, Jean-Michel Jarre s’attaque çà ce qui va devenir une œuvre phare qui va bouleverser le grand public.
Alors que les gros labels ne veulent s’y risquer, c’est en 1976 chez Dreyfus Music / Disques Motors que sort « Oxygène », album entièrement instrumental et dont les morceaux (titrés simplement par un numéro) s’enchaînent sans aucun silence entre eux. Avec ce disque, Jean-Michel Jarre crée une musique à la portée de tout le monde. Là où Tangerine Dream et Klaus Schulze produisent de musiques qui s’installent et progressent lentement sur des séquences syncopées, là où Kraftwerk s’illustrent dans des morceaux qui préfigurent la musique mécanique qui lancera la techno pop, là ou Vangelis s’exprime sur de véritables pièces proches d’un opéra rock progressif, Jean-Michel Jarre crée une musique aux thèmes simples et accrocheurs sur des compostions faisant la part belle aux harmonies et autres contrepoints. Le grand public se retrouve dans la musique d’ « Oxygène ». Le 45 tours « Oxygène IV » est un succès planétaire au point d’être sélectionné pour plusieurs spots de pub et générique d’émissions télé et radio comme le célèbre « Basket » de Jean-Loup Lafont sur Europe 1. Polydor achetant les droits de distribution, les productions de Jarre atteignent le monde entier. En 1978, Michel Geiss le rejoint en tant qu’ingénieur du son. Jean-Michel Jarre sort « Equinoxe » digne prolongement stylique d’ « Oxygène » mais en plus abouti. Les deux albums sont surtout un travail autour des ambiances naturelles de la Terre comme l’eau et l’air, comme en témoignent les diverses sonorités de vents et de pluie qui semblent être omniprésents. Les sons, très étranges pour l’époque, surprennent le réalisateur allemand Peter Fleischmann qui obtient l’autorisation d’utiliser des passages d’ « Oxygène » et d’ « Equinoxe » pour pister son film « La maladie de Hambourg ». 1979 marque l’année du show man Jean-Michel Jarre. Sur le parvis de la Concorde il donne son premier concert géant en utilisant des images projetées sur les murs avoisinants en jouant sur une collection impressionnante de synthétiseurs, notamment des Korg appartenant à Francis Rimbert. Ce concert diffusé à la télévision en Eurovision entre dans le Guiness Book des records et devient la marque de fabrique de Jarre mêlant musique, images, lumières, lasers et pyrotechnique. L’arrivée des magnétoscopes dans les foyers change radicalement le monde de la diffusion. Jean-Michel Jarre fait remonter les images du concert de la Concorde et se fait filmer en studio pour effectuer quelques raccords. En 1980 sort ce qui devient la première cassette vidéo musicale.
Avec l’arrivée des premiers échantillonneurs numériques comme le Fairlight CMI, la musique électronique connaît une nouvelle direction. En 1981 Jarre sort « Les Champs Magnétiques » prolongement sans trop l’être de ses deux premiers opus. C’est en cette même qu’aboutissent deux ans de négociations avec la Chine populaire. Il va donner plusieurs concerts dans ce pays devenant le premier occidental à s’y produire. Mais il ne peut assumer ce projet seul. Il fait appel à d’anciennes connaissances Dominique Perrier et Roger Rizzitelli pour que ces derniers viennent avec lui. Au détour d’une foire exposition de musique, il assiste à une démonstration de synthétiseurs effectués par un jeune prodige, Frédérick Rousseau qu’il embarque dans l’aventure chinoise. Mais la tournée n’est pas sans complication. Des problèmes techniques plutôt bêtes apparaissent. La tension d’alimentation n’est pas la même … il faut s’adapter. De plus le premier concert demande tant d’énergie que la ville ne peut fournir et les séquenceurs tombent alors en rade. Il faut tout jouer à la main. Heureusement, la présence de Dominique Perrier et Frédérick Rousseau permet de relever ce défi. La batterie électronique de Roger Rizzitelli étant elle aussi muette, ce dernier frappe comme un fou afin que l’on puisse entendre quand même son jeu rythmique. Les autres concerts sont quant eux plutôt bien réussis et si le public est assez froids au départ (question de culture), il se lâche par la suite (ah … la magie de la musique). Des passages de cette tournée se voient éditée en double album live (le premier de JMJ) et une émission télévisée retraçant le périple est diffusée sur les petits écrans.
Une nouvelle fois, Jarre crée l’événement. En 1983, il compose une musique pour l’exposition d’art moderne « Orrimbe » dont les supermarchés sont le thème. Il utilise de nombreux enregistrements naturels de ces lieux de consommations massives. Afin d’aider financièrement de jeunes artistes contemporains, Jarre crée une nouvelle fois l’événement. Il décide d’éditer en UN SEUL EXEMPLAIRE l’album vinyle « Musiques pour Supermarchés » et le met en vente aux enchères à l’hôtel Drouot à Paris. Avec cet unique exemplaire, Jarre explique qu’il a voulu faire de la musique comme un peintre fait un tableau … comme une œuvre d’art unique. Il dénonce également par cette initiative, ce que devient l’industrie du disque, notamment que l’objet en question devient une sorte de produit de grande consommation maintenant distribué dans les grandes surfaces. Mis à prix à 50 Francs (7€50), le disque atteint la somme faramineuse de 69000 francs (un peu plus de 10000 €) devenant le disque le plus cher du monde. Juste après cette vente, l’album est diffusé sur les ondes de la radio RTL avec en introduction un JMJ qui lance « PIRATEZ-MOI !!! ».
En 1984 sort « Zoolook » prolongement de « Musiques pour Supermarchés » dont deux morceaux apparaissent ici. Avec cet album Jarre change radicalement de direction en utilisant des échantillons de voix enregistrées dans le monde entier en visitant des peuples de par la planète. Il invite de nombreux artistes hors normes comme Adrain Belew (King Crimson), Marcus Miller ou encore Laurie Anderson. Son deuxième single « Zoolookologie » est sélectionné pour servir de générique à l’émission de Michel Denisot « Zenith » pour la toute nouvelle chaîne télé Canal +, et « Ethnicolor II » pour « Histoires Courtes » d’antenne 2. En 1986, il est choisi pour participer à la célébration des 150 ans du Texas et les 25 ans de la NASA. Il propose à l’astronaute Ron McNAir, également saxophoniste amateur, d’apparaitre sur son prochain album « Rendez-Vous ». Ce morceau est prévu pour être joué en direct depuis la navette spatiale Challenger alors en orbite autour de la Terre lors du méga concert de Houston pour lequel Jean-Michel Jarre conçoit un gigantesque show de son et lumière plus impressionnant que celui de la Concorde en 1978. Malheureusement, le vaisseau explose lors de la phase de décollage. Lors du concert, « Rendez-Vous 6 » rebaptisé « Ron’s Piece » sera joué avec Kirk Whalum. Ce concert « Rendez-Vous Houston, A City in Concert » fait dans la démesure et entre dans le Guiness Book des records. C’est à Lyon que Jarre remet le couvert avec « Rendez-Vous Lyon, un concert pour le Pape » à l’occasion de la venue du Saint Père en France. On y découvre les nouvelles compositions qui nous permettent de réaliser le côté quelques peu recyclage de Jarre avec ici aussi un nouvel extrait de « Musiques pour Supermarchés » (« Rendez-Vous 5 », 2ème partie) mais également la réutilisation de la musique de la chanson de Gerard Lenormand « La Belle et la Bête » pour Rendez-Vous 2″ et « La Mort du Cygne » pour « Rendez-Vous 3 ». Des moments choisis de ces deux événements vont alors paraître sur le deuxième album live de Jarre « Houston-Lyon ».
En 1988, Jean-Michel Jarre ambitionne de faire un concert géant à Paris pour célébrer le bicentenaire de la Révolution Française. Il compose son nouvel album « Revolutions », non seulement en ce sens mais également pour mettre en avant toutes sortes de révolutions dans l’histoire de l’homme. Qu’elle soit industrielle, culturelle ou populaire, la révolution est à l’honneur dans ce disque. Rassemblant des samples de voix et des sonorités qui ont fait sa patte, Jarre livre une série de titres variés encadrant son titre phare « Revolutions », véritable débauche de séquences sur lesquelles évoluent des sons et des chants arabes. Malheureusement Jean-Michel Jarre n’est pas le seul sur les rangs pour le concert événement du 14 juillet 1989. Parmi tous les candidats, se trouve Marc Cerrone qui propose lui aussi un grand spectacle avec des artistes invités comme J.J. Jeczalyk du groupe Art of Noise. C’est ce dernier qui est choisi aux dépens de Jarre qui se console en se produisant à Londres sur les Docklands. Pour ce concert de nombreuses boules à facettes géantes étaient acheminées par camion et Ferry. L’une d’elles était tombée du véhicule qui continuait son chemin effectué de nuit. Le lendemain matin les habitants du Nord étant surpris de la présence d’une telle sphère sur le bord de la route, avait cru à un atterrissage de vaisseau extraterrestre … anecdote qui fit les beaux jours des journaux télévisés à l’époque. Lors du concert des Docklands, Jarre invite le Guitar Hero Hank Marvin du mythique groupe les Shadows afin d’interpréter en direct leur morceau commun « London Kid ». En cette même année 1989, Jarre met sur pieds une exposition qui lui est consacrée à l’Espace Photographique de la Ville de Paris, au Forum des Halles. Pour l’occasion, il enregistre plus d’une heure de musique ambiante assez plate avec une note tenue tout le long sur laquelle apparaissent quelques notes de piano et quelques sonorités discrètes à la manière de Brian Eno. Ce long morceau essentiellement créé avec le logiciel de composition automatique Atari, sera disponible en CD sur place en quantité très très limitée « Concert d’images ». Cette longue pièce ambiance sera dès lors utilisée comme musique d’attente dans tous ses concerts. Il est sollicité par les productions des documentaires de Cousteau pour les épisodes consacrés à Pallawan aux Philippines. Il compose alors le générique d’ouverture et certains morceaux issus de sa discographie pisteront les épisodes. Ce travail incite Jean-Michel Jarre à la création de l’album « En Attendant Cousteau ». Il enregistre à Trinidad des parties de Steel Drums pour le titre « Calypso » qui en est la danse traditionnelle mais également le nom du navire du Commandant Jacques-Yves Cousteau. Peu de morceaux sont composés pour ce nouvel album et seule une face de 33 tours est prête. Jarre décide alors de mettre vingt minutes de sa longue plage « Concert d’Images » sur la seconde face sous le titre « En Attendant Cousteau ». C’est près de 45 autres minutes qui apparaissent sur l’édition CD.
Onze ans après son premier concert à la Concorde, Jean-Michel Jarre revient sur la place de la Défense pour un nouveau Show. Le Guiness Book officialise un nouveau record avec 2 500 000 spectateurs contre 1 800 000 pour Houston. En 1991 Jarre propose un concert aux pieds de la pyramide de Teotihuacan au Mexique au moment même de l’éclipse totale du soleil. Ce show qui aurait dû être unique, étant donné l’événement solaire, est finalement annulé. Le navire transportant le matériel depuis l’Europe fait naufrage. Jean-Michel Jarre profite alors de la parution de la compilation « Images » pour y inclure les deux morceaux inédits composés pour l’occasion du concert mexicain, l’un d’eux « Eldorado » devient l’hymne de l’UNESCO pendant les années quatre-vingt-dix. En 1992 On lui demande un autre spectacle son et lumière à Zermatt en Suisse, fief des montres Swatch. Pour l’occasion il compose un nouveau thème « Swatch, une alarme qui Swingue » que l’on découvre lors du concert et qui devient la sonnerie de ces montres. Ce morceaux devient la base de ce qui devient « Chronologie 4 », le single de son prochain album « Chronologie ». Entre temps Jarre se rend en Afrique du Sud pour trois spectacles « Legend of the Lost City » à l’occasion de l’ouverture d’un complexe hôtelier près de Sun City.
Lassé des interfaces MIDI (système de communications et de synchronisation entre les instruments électroniques), Jarre revient à la base avec des sons plus analogiques. Il sample des passages et des sons de ses premiers travaux comme le bruit de la lame sur une corde piano issu d’ « Erosmachine », la face B de son premier 45 tours et bien d’autres retours en arrière du genre qui aboutissent à l’album « Chronologie ». Après avoir effectué des concerts pour des événements uniques, Jean-Michel Jarre se lance dans une tournée dans diverses villes d’Europe dont on retiendra les concerts de Barcelone et du Mont Saint-Michel. Malgré ces concerts au succès foudroyant, la tournée est un gouffre financier notamment à cause d’un producteur espagnol peu scrupuleux. Plusieurs sociétés partenaires de cette tournée « Europe en Concert » se retrouvent en liquidation judiciaire. Le 11 mars 1994 Jean-Michel Jarre retourne en Chine et plus précisément à Hong Kong, alors encore Britannique, pour le concert d’inauguration du grand stade de la ville et pour lequel il a été préféré à Madonna et Michael Jackson. A la demande des autorités chinoises, Jarre rejoue des morceaux composés pour ses premiers concerts en Chine notamment « Jonques de Pêcheurs au Crépuscule » titre conçu et interprété avec un orchestre chinois. L’année 1995 est celle du « concert pour la tolérance » aux pieds de la Tour Eiffel pour célébrer les 50 ans de l’UNESCO. Il invite des musiciens de tous horizons et de cultures variées. On y trouve un orchestre arabo-andalou, des chanteurs africains, Le chanteur algérien Khaled ainsi que le chanteur lyrique Richard Cross. Retransmis à la télévision, ce concert sort par la suite en Laserdisc, ancêtre analogique du DVD.
Afin de marquer les vingt ans de l’album « Oxygène », Jean-Michel Jarre fait appel à son complice Francis Rimbert pour l’aider à l’enregistrement d’ « Oxygène 7 – 13 », nouvel opus en conservant l’esprit de l’époque mais en modernisant les mélodies et les sons. Une nouvelle tournée est mise en chantier. Mais pour la première fois Jarre et ses collaborateurs ne jouent plus en plein air mais en salle, ce qui réduit considérablement les couts. La tournée « Oxygène Tour » est un succès et le spectacle géant à Moscou en est l’apogée. En 1998, Jean-Michel Jarre est passionné par le multimédia. Il en résulte l’album « Odyssey Through O2 », essentiellement composé de remixes de ses titres par les DJs du moment. La partie CDROM de l’album a la particularité de proposé un logiciel de mise en images d’ambiance JArKaos, version épurée d’ArKaos utilisé pour les visuels de ses derniers concerts. Le remix de « Rendez-Vous 4 » adroitement rebaptisé « Rendez-Vous 98 » est choisi par la FIFA pour être l’hymne officiel de la coupe du monde de Football qui se déroule en France. Ceci lui permet de rencontrer Tetsuya Komuro le prodige des synthés du groupe de J-pop électro TM Network. Ensemble ils collaborent sur deux morceaux notamment « Together Now » avec la chanteuse nippo-américaine Olivia Lufkin.
En 1999, Jarre décide d’explorer une nouvelle voie musicale et se lance dans des parties chantées. Ce qu’il ambitionne, c’est un concert géant sans précédent pour le jour du 1er janvier de l’an 2000. Le concert « les douze rêves du soleil » a lieu pendant la nuit du nouvel an aux pieds des pyramides de Gizeh. Cet événement a la particularité de se diviser en deux parties. La première de près de trois heures se déroule dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier et la seconde beaucoup plus courte au lever du soleil. On y découvre alors ses nouvelles compositions et sa nouvelle direction. On y entend Natacha Atlas ainsi que Laurie Anderson parmi d’autres personnalités. Peu après sort l’album « Métamorphoses » qui réunit ces titres entendus lors du concert d’Egypte. Dans la foulée il propose un mini concert et spectacle 3D pour l’Apple Expo à Paris. Pendant l’année 2000, Jarre retrouve Tetsuya Komuro qui lui propose de faire ensemble un concert spectacle à Okinawa pour le réveillon de l’an 2001, véritable passage au nouveau siècle et millénaire. Pour ce projet, les deux hommes sont impliqués ensemble à niveau égal et crée pour l’occasion le groupe éphémère « The Visitors ». Le concert de l’an 2001 se présente également comme un hommage à Arthur C. Clarke, auteur de la nouvelle « La Sentinelle » qui sert de base pour le film « 2001, l’Odyssée de l’Espace ». C’est d’ailleurs avec une version moderne d’ « Ainsi Parlait Zarathoustra » qui ouvre le concert et qui sera par la suite utilisé pour une publicité pendant des années à la télévision. Parmi les inédits composés par Jarre, deux seront par la suite réutilisés. On retrouve par exemple « My Name is Arthur » comme base pour le single de Pierre Palmade « J’te Flashe, J’te Love ».
Mais 2001 n’est pas une année de tout repos. Deux concerts à Athènes sont programmés à l’Acropole. Le hasard veut qu’ils aient lieu quelques jours après le concert de Vangelis au même endroit. Voyant là l’occasion de rencontrer le compositeur Grec, il compose une base pour « Akropolis », morceau devant être complété par Vangelis et Interprété ensemble lors de leurs shows respectifs. Malheureusement, le planning très chargé de l’athénien ne permettra pas cette collaboration et Jarre complètera le morceau seul. L’année suivante, Jean-Michel Jarre est invité au printemps de Bourges. Il en profite pour y interpréter des extraits d’ « Aor » (le ballet de 1971) mais également de nouveaux inédits. La prestation sera disponible via une toute nouvelle manière de vendre de la musique, la plateforme de téléchargement légale avec ITunes. Puis il se rend à Aalborg au Danemark dans un champ d’éoliennes pour un concert spectacle « Aero » véritable hymne à l’air et aux énergies propres.
Parallèlement, Jean-Michel Jarre signe un album expérimental jazzy « Session 2000 » qui reste assez inaperçu puis signe une musique d’ambiance pour les magasins parisiens de Bang & Olufsen avec « Interior Music » un CD encore une fois très très limité et uniquement donné sur place lors de l’inauguration. Il crée ensuite « Geometry of Love », un album encore une fois assez expérimental comme le rarissime « Experimental 2001 ». Après que plusieurs autres artistes aient testé le mixage 5.1 en sortant des DVDs audio ou encore des CD DTS (« On Air » d’Alan Parsons est une merveille du genre), Jean-Michel Jarre se prête au jeu en sortant « Aero », une nouvelle compilation avec deux inédits « Aero » et « Aerology » cet album en format normal et en 5.1, annonce alors le retour de Jarre en Chine populaire pour un concert géant à Pékin. Pour cet événement qui célèbre l’année de la France en Chine, le concert est conçu en deux parties. La première se déroule au cœur même de la Cité Interdite (le palais impérial), puis le musicien se déplace pour aller sur la Place Tian-Anmen pour jouer la seconde. Il enchaîne avec un concert à Gdansk en Pologne pour les 25 ans de Solidarnosc en présence de Lech Wałęsa. Plusieurs titres de ce concert seront par la suite choisis pour pister le film « Strike » qui retrace la lutte des ouvriers des chantiers navals de Gdansk. En 2006, l’UNESCO lance un cri d’alarme contre la désertification et le manque d’eau sur la planète en organisant le concert « Water for Life » au Maroc.
Ses dernières productions des années 2000 demeurent « Teo & Tea », album très technoïde puis réenregistre « Oxygène » pour le trentenaire de l’album mythique. Il faut attendre 2016 pour un retour de Jean-Michel Jarre avec un double album concept « Electronica » entièrement réalisé en collaboration avec d’autres figures de la musique électronique tant passées que récentes. On y retrouve à ses côtés M83, Air, Vince Clarke (Dépêche Mode / Erasure), Moby, Laurie Anderson, John Carpenter, Tangerine Dream, Gary Numan, Hans Zimmer ou encore Sébastiien Tellier, Yello ou Jeff Mills. On se demande d’ailleurs ce que peuvent bien faire là Cindy Lauper, ou Pete Townsend, pour ne citer que ceux-là. Quelques mois plus tard Jarre fête le quarantenaire d’ « Oxygène » en sortant un nouvel opus « Oxygène 3 » et surprend tout le monde avec un album que personne n’a vu pour avoir été vendu en quantité limité à une vitesse effarante, (je vous en parlerai plus loin). C’est en cette année 2018 qu’il nous revient en sortant « Planet Jarre » une nouvelle compilation en double CD ou quatre vinyles retraçant ses cinquante ans de carrières avec quelque inédits très attendus. Mais il ne s’arrête pas là puisqu’il nous gratifie en novembre prochain d’un tout nouvel album « Equinoxe Infinity ».
Ces cinq décennies de musiques électroniques de Jean-Michel Jarre se trouvent donc compilées en une compilation hors norme que nous décrirons dans l’article suivant … Restez à l’écoute
1989 pour célébrer la révolution française : Jarre ne sera pas choisi mais ce seront Jean-Paul Goude et Wally Badarou et non Ceronne et Jeczalik.