Quoi de plus approprié que le cinquantenaire de sa naissance pour parler de Jack Kirby, le créateur du comics dont l’éditeur français, Panini Comics consacre deux ouvrages en son hommage à l’occasion du centenaire de sa naissance.

En plus des éditions intégrales de séries phares de la Marvel, Panini Comics édite également divers albums regroupant quelques titres récents relativement marquants. Mais parfois certaines éditions sortent du lot. On voit de temps en temps émerger quelques Omnibus regroupant l’intégralité d’une série ou d’un auteur, on voit également des rééditions de mini séries qui ont marqué le lectorat. Des dates anniversaires sont également prétextes à des sorties exceptionnelles. On voit alors surgir des titres comme « Marvels », « Silver Surfer », la trilogie « Earth X » ou encore « les Éternels ».

Les dates anniversaires sont d’ailleurs les plus retenues pour ainsi lancer une édition généralement luxueuse.
Cette année 2017 marque le centenaire de la naissance de l’un des plus grands auteurs de comics : Jack Kirby.
Panini comics en profite pour éditer deux ouvrages marveliens exhaustifs consacrés sur cet auteur légendaire.
Avec l’intégrale de la série « Machine Man » et le pavé monumental très justement titré « King Size », l’éditeur italo-français (et non franco-italien) frappe un grand coup.

Si « Machine Man » regroupe tous les épisodes de la série, y compris ceux dessinés par Steve Ditko, « King Size » est en fait une compilation de ses œuvres tout au long de sa carrière chez Marvel en remontant jusqu’aux années 40 … une sorte de « Best Of ».

Mais avant de vous parler de ces deux livres, évoquons donc un peu l’œuvre de Jack Kirby … ou plutôt survolons quelque peu sa carrière, car si on devait l’explorer plus en détail, nous n’aurions pas assez de temps.

Jack Kirby de son vrai nom Jacob Kurtzberg est né le 28 août 1917 dans le Lower East Side à New York, d’une famille juive émigrée d’Autriche. Son père dû fuir le pays afin d’éviter un duel qui aurait pu lui être fatal … bonne idée qu’il a eu car sinon, il n’y aurait jamais eu de Jack Kirby … et finit par travailler comme tailleur arrivant difficilement à faire vivre une famille qui s’agrandit.
Jack, alors encore enfant est très tôt confronté à la violence des rues des quartiers pauvres où il grandit et on le retrouve régulièrement inanimé sur le pavé. Il se différencie toutefois des autres gamins par sa passion pour les comic strips comme Dick Tracy, mais également pour les romans classiques d’aventures (Alexandre Dumas et Jules Verne en tête) ainsi que pour les Pulps, petits romans de gares ou recueils de récits d’aventures dont la qualité relative est devenue néanmoins très populaire outre Atlantique.
À l’âge de 14 ans, il est reçu à l’Institut Pratt de Brooklyn pour y suivre des cours d’art alors que le pays est en proie à la grande crise économique. Mais il est contraint d’abandonner dès les débuts afin de venir en aide à sa famille, car son père vient tout juste d’être licencié. Travaillant alors comme livreur de journaux, il aide par la suite son père dans divers métiers jusqu’à ce qu’il trouve une formation et réalise ses premiers dessins publiés dans le journal d’un club de jeunes. Passionné par le dessin, Jack Kirby crée ses premiers strips sous le nom de Jack Curtiss et les propose à des journaux qui le déboutent illico. Cet échec ne le décourage pas et il entre dans les studios Fleisher qui produisent des cartoons qui deviennent célèbres dans le monde entier comme Popeye par exemple (Aux débuts des 40’s, ces mêmes studios Fleisher créeront les fameux cartoons « Superman » ainsi que les séquences de vol du premier film de l’homme d’acier « Superman and the Mole Men » – C’est Max Fleisher qui créa la technique du Rotoscope dont il a déposé le brevet en 1915).
Jack Kirby travaille alors comme intervalliste sur Popeye mais ce job de « gratte papier » très peu valorisé ne l’intéresse pas. Quand Max Fleisher décide de déménager les studios new-yorkais en Floride, Jack Kirby démissionne et se tourne vers le comics en entrant chez Lincoln Features Syndicate au début 1936. Là il dessine de nombreux Comic Strips dont « Your Health Comes First !!! » sous le nom de Jack Curtiss. En parallèle il travaille pour Will Eisner et Jerry Iger qui viennent de créer leur studio, en encrant des planches préparées par Eisner.

En 1939 Jack Kirby commence une carrière freelance et crée sa propre série « Solar Legion » pour TEM Publishing qui ne la publiera que l’année suivante.

Entre-temps, Jack Kirby travaille pour l’éditeur Fiction House où il planche sur des strips tels que « The Diary of Dr. Hayward » sous le nom de Curt Davis, « Wilton of the West » en tant que Fred Sande, une adaptation du « Comte de Monte Cristo » en signant Jack Curtiss mais également sur « Abdul Jones » en tant que Ted Grey et « Socko and the Seadog » comme Teddy.
Il signe sous le nom de Lance Kirby des histoires de « Lone Rider » utilisant ainsi pour la première fois ce qui va devenir son patronyme professionnel. Il choisira alors le prénom de Jack par la suite mais il essuie quelques remarques bien sèches de la part de certains confrères, lui reprochant ainsi de cacher ses origines juives.
Jack Kirby entre alors chez Fox Features Syndicate où il croise le chemin d’un autre auteur et dessinateur de comics Joe Simon, qui lui, est surtout issu de travaux de retouches manuelles de photographies, d’illustrations dans des journaux sportifs après un rapide passage chez Paramount. Les deux hommes s’entendent très bien et une collaboration fructueuse s’amorce qui va perdurer jusqu’à la fin des années 50 en formant le duo devenu mythique Simon & Kirby. Pendant cette période à la Fox Features Syndicate le duo va travailler sur le personnage de « Blue Beetle » sous le nom de Charles Nicholas, pseudonyme utilisé par plusieurs auteurs dont Will Eisner quand il créa ce personnage avec Charles Wojtoski.

C’est chez l’éditeur Timely Comics qu’ils vont véritablement faire leurs premières armes.
Timely Comics est l’éditeur qui deviendra dans les années 60 Marvel Comics après s’être brièvement appelé Atlas Comics dans les 50’s.
L’éditeur surfe alors sur la toute nouvelle mode initié en juin 1938 par l’éditeur « Detective Comics » (DC) filiale de Nationale Comics avec un tout nouveau type de personnage : le super héros, personnifié par « Superman » créé par Jerry Siegel et Joe Shuster.
Après avoir lancé des personnages comme « Human Torch », « Submariner », « Ka-Zar » ou encore « The Angel », Timely Comics demande au duo de leur créer de nouveaux personnages afin d’étoffer un peu leur écurie. Simon & Kirby signent alors plusieurs séries comme « Red Raven », « Comet Pierce », « Mercury », « the Vision », « Hurricane » ou « Tuk the Cave-Boy ». Mais la création qui connaît un vif succès qui est encore aujourd’hui d’actualité est Captain America qui paraît en décembre 1940 alors que le pays n’est engagé dans la seconde guerre mondiale que par l’apport matériel, aux alliés (Les USA entrent réellement en guerre en 1941).

Le n°1 de ce comics se vend à plus d’1 million d’exemplaires, ce qui à l’époque n’est pas un chiffre exceptionnel, mais démontre néanmoins que la série est alors prometteuse. La couverture représentant Captain America (9) décochant un crochet du droit à Hitler est encore à ce jour l’une des couvertures les plus mythiques de l’histoire du comics. Avec ce succès, le duo Simon & Kirby crée dans la foulée « Young Allies » (10) mettant en scène les sidekicks des super héros de l’éditeur et divers autres ados. Ainsi Toro (sidekick de Human Torch) et autres personnages créés pour l’occasion se lancent dans l’aventure menés par Bucky le sidekick du captain étoilé.
Mais des tensions naissent entre Timely Comics et le duo créatif. Joe Simon apprend que le directeur, Martin Goodman ne compte pas respecter le contrat signé avec eux en ne versant pas les sommes qui leurs sont dues. Contactés par National Comics, maison mère de DC, Joe Simon et Jack Kirby acceptent le contrat qui leur est proposé avec une paie double de celui qu’ils avaient chez Timely.

Chez National Comics le duo reprend d’abord des séries déjà en place comme « Sandman » publiée dans « Adventure Comics ». Pour celle-ci, ils recréent complètement le personnage. Mais ils en créeront de nouveaux parmi lesquelles « Manhunter », ce qui les conduit à d’autres créations dont on retiendra « Boys Commando », Kid Gang » et « The Newsboy Legion ».

La deuxième guerre mondiale va contraindre Jack Kirby à servir sous les drapeaux et sera en Normandie 10 jours après le débarquement. Il participe à la bataille de Metz, notamment aux combats de Dornot où les ¾ des GIs présents périssent. Tombé gravement malade, il est rapatrié non sans avoir été décoré de 2 médailles militaires.

Après la guerre, Jack retrouve Joe Simon, lui aussi revenu du front.
Joe signe un contrat avec Harvey Comics pour qui, le duo ainsi reformé, crée « Boy Explorers Comics », « Stuntman » et « Captain 3D », surfant ainsi sur la mode du cinéma en 3D anaglyphe qui commence à connaître un engouement aux USA notamment avec des petits films d’horreur sous la lancée de la « Créature du Lagon Noir ».

Pour info, la 3D dite anaglyphe est cette fameuse 3D créée avec des filtres rouge et cyan. Il faut alors des lunettes avec ces mêmes teintes pour pleinement bénéficier de l’effet de relief.
La situation chez Harvey Comics n’est pas brillante et c’est chez Crestwood que le duo signe « Headline, The Crime Never Pays » en réponse au comics « Crime does not Pay » diffusé à plus d’un million d’exemplaires.
Il lance un comic d’humour animalier avec « Lockjaw the Alligator » … ce nom sera repris dans les 60’s par Stan Lee et Jack Kirby pour l’énorme chien téléporteur des Inhumains.
Parallèlement, Ils font de nombreux comics de romance, créant ainsi le genre, avec « Young Romance » dont le succès immédiat va conduire le duo à lancer « Young Love » en 1949 et « Young Brides » en 1952 dont les ventes dépassent à chaque fois le million de copies.
D’autres créations viennent s’ajouter à leur palmarès avec « Boy’s Ranch » (western), « Black Magic » (paranormal), « The Strange World of Your Dreams » qui explore l’interprétation des rêves mais également « Fighting American » un nouveau super héros patriotique qui combat la menace grandissante du communisme en pleine période du mac artisme. Les rouges sont alors dépeints de manière ridicule en forçant sur la parodie et les clichés.

A cette époque Simon & Kirby fondent leur propre maison d’édition Mainline Publications et éditent leurs propres travaux tels que « Bulls Eye » (western), « Police Trap » (policier), « In Love » (romance) et « Foxhole » (guerre). Malheureusement c’est à ce moment que le comics est la cible d’une Amérique devenue soi-disant « bien-pensante » accusé alors de pervertir la jeunesse. Une commission sénatoriale est mise en place pour étudier les liens entre les comics et la hausse de la délinquance juvénile. Pour éviter une censure d’état, les éditeurs de décident de former la Comics Magazine Association of America qui délivre le devenu célèbre « Comics Code Autority ». L’éditeur EC Comics qui publie de nombreux titres d’horreur (« The Crypt of terror », « The Vault of Horror » et « The Haunt of Fear ») ou de Science-Fiction (« Weird Science » et « Weird Fantasy ») se voit contraint d’en arrêter la production ce qui entraîne la faillite de son distributeur qui se trouve justement être celui du label de Simon & Kirby. Mainline Publications est alors racheté par Charlton Comics Group et le duo continue de travailler sur leurs séries avec ce tout nouvel éditeur en rajoutant les séries crées pour Prize.
De passage chez DC Comics, Jack Kirby, alors devenu autonome, crée les « Challengers de l’Inconnu » (16) en 1957, « Green Arrow » ainsi que de nombreuses histoires courtes de Science-Fiction et de guerre pour des titres comme « House of Mystery ». Il dessine pendant cette courte période près de 600 pages ce qui le force à réfléchir sur un style très épuré afin de tenir la cadence. Son graphisme définitif commence à prendre forme.
Il dessine également le strip de SF « Sky Masters » encré par Wally Wood. Mais Kirby refuse de payer un pourcentage à Jack Schiff qui lui avait décroché ce travail. Suite à un procès en défaveur de l’artiste, des tensions tangibles naissent entre DC et lui.
Il retrouve alors son complice Joe Simon avec qui il rejoint pour un moment Harvey Comics une nouvelle fois sur le tire « The Double Life of Private Strong » mais l’un des derniers travaux de Jack Kirby exécuté avec Joe Simon est « The Fly » où l’on commence à voir le style épuré de celui qui allait devenir le « King of Comics ».
Rejoignant Atlas Comics en 1959 il travaille sur de nouvelles séries de romance (« My Own Romance »), de western (« Rawhide Kid » et « Two-Gun Kid ») et de très nombreuses histoires courtes fantastiques (« Strange Tales »). Il profite de ses travaux pour créer un super vilain chinois très fortement inspiré de Fu Manchu, « La Griffe Jaune » (Yellow Claw). Ces travaux lui font comprendre que son style doit s’épurer d’avantage.

En 1961, DC Comics a déjà relancé les super héros en recréant complètement certains d’entre eux (Green Lantern, Flash, Atom) et en remettant au goût du jour Superman, Batman et Wonder Woman les seuls personnages à avoir été publiés alors que tous les autres était tombés dans l’oubli.
Martin Goodman demande à son neveu Stanley Lieber de créer des super héros afin de relancer Atlas Comics alors en perte de vitesse. Stanley Lieber plus connu sous le nom de Stan Lee va demander à Jack Kirby de l’aider à la création de ce nouvel univers peuplé de merveilles (Marvels en anglais).
En créant Marvel Comics, Stan Lee lance une machine qui va devenir inarrêtable.
En 1961, la première création de ce duo aboutit avec « Fantastic Four » (les 4 Fantastiques). Le succès est au rendez-vous et viennent alors de nombreuses autres créations.
L’une d’elle, Spider-Man voit une version par Jack Kirby refusée par Stan. Un personnage affublé de lunettes rondes avec un pistolet lance-toile ne plait pas et c’est alors Steve Ditko qui va remporter la timbale avec sa version qui deviendra au fil des ans l’emblème de Marvel.
Si Stan Lee s’adjoint d’autres artistes pour certains titres (Bill Everett pour « Daredevil », Don Heck pour « Iron-Man », Steve Ditko pour « Dr Strange », c’est avec Jack Kirby qu’il crée « Ant-Man », « Thor », « Hulk », « Sgt Fury & his Howling Commando », « Nick Fury Agent of S.H.I.E.L.D. » et bien d’autres encore.
L’idée de créer des équipes émergent et si « X-Men » est une création nouvelle, « The Avengers » se contente de réunir des héros déjà en place. Le duo en profite pour réactualiser le super héros emblème des USA « Captain America » lors du quatrième épisode des Avengers de la même manière qu’ils font revenir « Submariner » dans les pages des 4 fantastiques ou qu’il revisite complètement « Ka-Zar » dans la série X-Men.
Toutes ces séries vont conduire à la création de personnages devenus depuis cultes comme « La Panthère Noire » (Black Panther) premier super héros noir, de « Uatu le Gardien », des « Inhumains » mais également du « Surfeur d’Argent » (Silver Surfer) parmi tant d’autres. On voit aussi des vilains emblématiques voir le jour sous leur plume avec le « Docteur Fatalis » (Dr Doom), « Loki », « Anihilus » et j’en passe.
Jack Kirby va dessiner « Fantastic Four » sur 102 épisodes et dessine en partie le numéro 108 qui est complété par John Buscema. Ce record perdurera jusqu’aux années 2000 ou Mark Bagley le détrône avec « Ultimate Spider-Man » puis très vite par Charlie Adlard avec « The Walkling Dead ».


Toutes les créations attribuées à Jack Kirby vont lui valoir le titre de « King of Comics ». C’est également cette production massive qui va amener l’artiste à finaliser son style définitif en épurant voire en schématisant et caricaturant les traits, les réduisant à leur plus simple expression. Il en profite pour créer un nouveau style d’arrière-plan en réalisant des collages d’éléments photos d’origine diverses et variées.
En 1970, suite à de gros désaccords avec Marvel, Jack Kirby passe de l’autre côté en revenant chez DC.
L’expression « de l’autre côté » n’est pas anodine car Marvel et DC étaient à cette époque voisins, de chaque côté de l’avenue qui les séparait. Çà a d’ailleurs donné suite à diverses polémiques, notamment « qui copie qui », l’exemple type étant « Swamp Thing » (DC) / « Man-Thing » (Marvel) parus à quelque semaines d’intervalle chacun. Mais çà a aussi permis le premier crossover inter compagnies de l’histoire du comics avec « Superman contre Spider-Man ». Les artistes de chaque compagnie déjeunaient ensemble et discutaient entre eux.
Accueilli par Carmine Infantino, alors éditeur chez DC, Jack Kirby se retrouve avec carte blanche pour s’exprimer à condition de reprendre une série existante.
A contre cœur, Il prend le pari de s’attaquer à « Superman’s Pal, Jimmy Olsen ». C’est dès le deuxième épisode qu’il crée un personnage devenu emblématique : Darkseid. Avec ce personnage introduit dans le DC verse, Jack se lance dans sa plus ambitieuse création avec pas moins de trois séries interconnectées. « New Gods » (les Nouveaux Dieux), « Forever People » (les Immortels) et « Mister Miracle ». Malgré le grand investissement de Kirby, les ventes ne satisfont pas les éditeurs de DC. Par conséquent, « Superman’s Pal, Jimmy Olsen » est enlevé à Kirby en avril 1972, et en octobre 1972, après 11 numéros « New Gods » et « Forever People » sont arrêtés. Seul « Mister Miracle » sera poursuivi jusqu’au no 18 de février 1974.
Mais Jack Kirby avec son style rapide et bien en place propose deux nouveaux titres avec « The Demon » et « Kamandi ». Puis c’est « Omac » qui suit très vite avec dans son sillage une nouvelle version de « Sandman » qu’il signe avec son vieux complice Joe Simon. Vers la fin de son contrat il signe une série de guerre « The Losers » ainsi qu’un épisode de « Richard Dragon, Kung Fu Fighter ».

De retour chez Marvel en 1976, il reprend « Captain America » pour plusieurs numéros. Puis il tente de faire chez Marvel ce qu’il n’a pu développer chez DC en créant « Les Eternels » (The Eternals). Mais après 19 numéros et un Annual, la série se voit confrontée à une polémique dérangeante. Le concept de revoir l’origine de l’homme sur Terre avec l’arrivée de « dieux de l’espace » tels que les « Célestes », qu’il crée pour l’occasion, irrite les communautés religieuses qui ont quelques pouvoirs grâce à des relations politiques. « Les Eternels » s’arrêtent sur une lancée qui s’annonçait prometteuse. Cette saga ayant été conçue hors continuité du reste de l’univers Marvel (le Hulk dans deux épisodes est un androïde construits par des étudiants geeks), son annulation n’a pas d’impact sur le reste des séries. C’est d’ailleurs la même polémique qui fait que « Les Eternels » s’arrête dans Straneg après seulement 4 épisodes. Ce n’est que quelques années plus tard qu’Artima reprend la série au numéro 15, zappant ainsi 10 épisodes qui restent alors inédits en France jusqu’à l’édition de l’omnibus en 2007.

Cette période amène Jack Kirby à adapter la célèbre série TV « Le Prisonnier » (The Prisoner) avec Patrick McGoohan, mais celle-ci est annulée avant même d’être éditée. Seules quelques planches sont encrées sur la totalité de celle qui constitue le premier volet (d’après ce que j’ai pu lire récemment, il est possible que ce soit édité en 2018 avec également les planches de Gil Kane). Cette expérience le conduit à adapter le film « 2001, l’Odyssée de l’Espace ». Le concept d’un monolithe responsable de l’évolution des espèces et à l’origine de l’homme le séduit et il lance une série régulière librement adaptée du concept. Il enchaîne logiquement (on verra plus tard pourquoi) sur la série « Machine Man » qui met en vedette un robot d’apparence humaine avec une intelligence artificielle et gavé de gadgets. En même temps il met en chantier une série reprenant un personnage de sa création « La Panthère Noire » (Black Panther) pour plusieurs numéros dans lesquels il narre les origines et l’ascension au trône du Wakanda de T’Challa. Par la suite il crée « Le Dinosaure Ecarlate » (Devil Dinosaur) qui ne dure pas longtemps. Enfin il travaille de nouveau avec Stan Lee pour la minisérie « Le Surfeur d’Argent » (Silver Surfer) qui va devenir une référence. En parallèle à tout cela, Jack Kirby est également sollicité (comme Gil Kane d’ailleurs) pour faire la couverture de nombreux titres comme « Invaders », « Champions », « Avengers » et bien d’autres encore. Ces quelques années passées chez Marvel se concluent définitivement en 1978 à cause de problème sérieux de droits. Jack Kirby quitte alors la maison des idées laissant derrière lui un univers entier qu’il a contribué à bâtir.

Il est alors contacté par Disney pour réaliser l’adaptation en comics de leur film de SF « Le Trou Noir » (The Black Hole) mais il décide de changer de voie et rejoint les productions Hannah & Barbera pour y commencer une nouvelle carrière dans l’animation. Il signe les story-boards de la nouvelle série Fantastic Four (inédite en France) mais il rejoint très vite Ruby Spears Prods afin de créer quelques personnages dont on retiendra « Thundarr » (Arok le Barbare en VF).

Le départ de Jack Kirby de DC et Marvel découle d’un sentiment de manque de reconnaissance de la part des éditeurs. En effet, aux USA ce sont les éditeurs qui sont propriétaires des personnages ainsi créés. Les auteurs et artistes ne sont que pigistes. Cette situation va inciter Pacific Comics à offrir à Jack Kirby d’éditer ses propres créations dont il en demeurera propriétaire. Il en découle « Captain Victory », un space opera et « Silver Star » qui explore le génie génétique. Mais la rapide faillite de l’éditeur va couper court à cet essor et Jack Kirby décide alors de prendre sa retraite.

En 1993, l’éditeur Topps Comics décide de déterrer des projets du King restés dans les tiroirs. Jack Kirby fournit le concept de base des séries « Bombast », « Captain Glory », « Nightglider » et « Satan’s Six ». Image publie de son côté « Phantom Force » entièrement dessiné par Kirby. Tous ces personnages avec ceux de Pacific Comics sont alors réunis dans un label appelé Kirbyverse. Ce projet ne perdurera pas notamment à cause du décès de l’artiste en 1994.

Depuis maintenant quelques années, ces personnages du Kirbyverse retrouvent une nouvelle vie grâce à l’éditeur Dynamite Entertainment sous l’impulsion du désormais légendaire Alex Ross.

L’œuvre de Jack Kirby est une référence pour nombre d’artistes dont certains ne cachent pas l’influence qu’il a sur eux. Pendant quelques temps, Barry Smith avait un style assez proche du King. Quand on voit les premiers travaux américains de l’espagnol José Ladronn, la ressemblance est frappante. En France c’est Reed Man qui surfe sur le style très personnel de Jack Kirby, et bien d’autres artistes ont tendance à utiliser ce style.

Cette année 2017 est le centenaire de sa naissance et les éditeurs rendent hommage à ce dessinateur de légende. En France, si Urban édite régulièrement des recueils exhaustifs de ses travaux DC Comics (New Gods & co, Kamandi, Omac et tout récemment The Losers), Panini mise sur une compilation de ses créations Timely / Atlas / Marvel dans un album géant de plus de 800 pages mais met la lumière sur une œuvre particulière « Machine Man » en regroupant l’intégralité des épisodes y compris ceux dessinés par Steve Ditko avec les épisodes de « Hulk » dessiné par Sal Buscema où le titan vert rencontre l’homme artificiel. Cet album, contrairement aux Intégrales habituellement éditées par Panini, n’est pas imprimé sur du papier glacé comptes tenus du nombre de pages. Mais l’impression est néanmoins très bonne avec une couleur bien présente et respectée. On y découvre d’emblée « Machine Man » dès le premier épisode sans que l’on n’en connaisse l’origine. Cette oubli malheureux ne peut être corrigé et je vous dirai pourquoi dans quelques minutes.

Pour la compilation géante « King Size », on a droit à plus de 800 pages concernant les créations de Jack Kirby chez Marvel dès les années 40 avec par exemple « Red Raven », « La Vision » et même quelques « Captain America » d’époque. Quelques titres des années 50 y figurent, dont « Rawhide Kid », « Yellow Claw » et bien entendu les titres phares de Marvel avec « Fantastic Four », « X-Men », « Thor », « Hulk », « Sgt Fury » et « Avengers » entre autres. On y découvre le 8ème épisode de « Amazing Spider-Man » mais également « Captain America Bicentennial », « Eternals », « Devil Dinosaur » et bien d’autres surprises dont 10 inédits en France.
Ces deux ouvrages (hors normes pour le « King Size ») est un véritable hommage à l’un des plus prolifiques dessinateurs de Comics de tous les temps.

Je vous disais donc tout à l’heure que Jack Kirby avait adapté le film en comics et en avait créé une série régulière. C’est dans le huitième épisode qu’il introduit un nouveau personnage « Mister Machine » de son vrai nom Z2P45-9-X-51 ou plus simplement X-51. Ce robot créé par le docteur Abel Stack est alors mis accidentellement en contact avec le monolithe responsable des brusques bonds de l’évolution des espèces animales donnant notamment naissance à l’homme. Ce contact donne alors à X-51 une vie propre. Celui-ci s’évade en cherchant à vivre sa propre vie tout en échappant à l’armée qui voit en lui une arme à utiliser. Sous le nom d’Aaron Stack il croise le chemin des humains.

Seulement voilà, l’origine de « Mister Machine » étant liée au monolithe du film « 2001, l’odyssée de l’espace », ces quelques épisodes narrant son origine ne peuvent plus apparaître nulle part, c’est pourquoi ils sont absents du recueil anniversaire publié en ce moment.
On peut toutefois les découvrir en VF si l’on fait quelques recherches puisque la série « 2001 » a été publiée chez Artima dans le pocket « Frankenstein ». Mais les 3 épisodes avec « Mister Machine » ont eux été édités en couleur dans les 3 premiers numéros de « Thor » nouvelle formule en 1983.

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.