2017 est une année particulière pour le milieu de la musique électronique, car elle marque le cinquantenaire de la création d’un groupe qui va contribuer à faire de ce genre musical quelque chose de véritablement iconique.
Quand il fut créé, la musique électronique en était à un balbutiement restée dans le très fermé cercle de la musique contemporaine et concrète. C’est avec le mouvement du rock progressif que certains sons vont alors émerger. Si Pink Floyd est reconnu comme le groupe précurseur du genre en ayant notamment provoqué quelques vocations, Tangerine Dream est cité par nombre de musiciens comme pionnier d’un genre qui n’aurait peut-être jamais vu le jour.
Car il s’agit comme vous l’aurez compris de Tangerine Dream, groupe allemand créé en 1967 sur les bases d’un autre.
Si son créateur et leader, Edgar Froese est parti, comme il le considérait lui-même vers « une autre adresse cosmique », sa veuve Bianca Froese-Acquaye aidée par les derniers membres restants, Thorsten Quaesching et Ulrich Schnauss, continue l’œuvre de son défunt mari.
C’est tout d’abord en finalisant le projet initié par Edgar, que Tangerine Dream sort « Quantum Gate » derniers travaux du leader charismatique. C’est à la date anniversaire du 29 septembre, date officielle de la création du groupe, que cet album sort, accompagné de la tant attendue autobiographie « Force Majeure », ainsi que deux autres disques « Light Flux » et « Sessions I ». Avec quelques autres rééditions ces dernières années, l’héritage de Tangerine Dream continue de perdurer, montrant ainsi que la musique électronique n’oublie pas l’un de ses compositeurs pionniers.

La musique électronique est omniprésente depuis de nombreuses années et a connu de maintes mutations ainsi que plusieurs évolutions, dues au progrès technologique, mais aussi, et surtout, grâce à l’imagination fertile des musiciens qui se sont engagés dans cette voie hors norme. Si pour le grand public le terme « musique électronique » se limite à la techno, le genre est beaucoup plus vaste qu’on ne l’imagine et tire son origine depuis bien plus longtemps qu’on ne le croit.
Les balbutiements de la musique électronique trouvent leur origine dès les années 1910, décennie qui voit la naissance d’un instrument révolutionnaire, le Theremin, inventé par le russe Lev Sergueïevitch Termen (connu sous le nom de Léon Theremin). Cet instrument composé de deux antennes contrôlant un oscillateur produit un son brut grâce aux mouvements des mains devant ces antennes. Pas facile à maîtriser cet appareil est néanmoins présent dans diverses prestations classiques et contemporaines et quelques musiciens se distinguent parmi lesquels on trouve la virtuose de cet instrument Lydia Kavina. Le français Jean-Michel Jarre l’utilise de temps en temps lors de ses concerts et le Britannique Tim Blake n’est pas en reste puisqu’il en joue également lors des concerts de Hawkwind.
Cette voie ouverte par le Thérémin va être empruntée par d’autres ingénieurs, notamment Homer Dudley qui va créer en 1939 un système permettant de véhiculer la voix sur un signal électrique afin d’optimiser les communications téléphoniques. Par la suite ce dispositif est modifié pour devenir un instrument de musique à part entière : le Vocodeur.
Mais l’invention qui va révolutionner les instruments de musique est sans nul doute le synthétiseur, qui se développe en parallèle aux orgues électroniques.
Dès les années 50, on observe un nouveau courant musical, la musique concrète, basée sur l’agencement de sons par collage de bandes magnétiques avec par-dessus des oscillations aux sons étranges. En développant cette musique, divers appareils voient le jour. On découvre alors ce que sont les oscillateurs, les générateurs d’enveloppes, les filtres commandés par tension, ainsi que plusieurs types de modulateurs, de filtres, de phaseurs et d’effets divers et variés. Tous ses éléments connectés ensemble, vont créer et faire évoluer des sons étranges jamais entendus jusqu’à lors.
Dans les années 50, cette musique demeure très élitiste en restant dans le giron de la musique contemporaine avec des compositeurs comme Pierre Schaeffer, Olivier Messiaen ou Pierre Henry en France (pionniers du genre), Karheinz Stockausen et Thomas Kessler en Allemagne et bien d’autres. Elle se démocratise néanmoins dès 1956 avec la musique du film « Forbidden Planet » (Planète interdite) composée par le couple américain Louis et Bébé Barron, ingénieurs et musiciens qui ont construit eux-mêmes leurs propres modules.
C’est dans les années 60 que les véritables premiers synthétiseurs apparaissent et l’on doit notamment cette émergence à Robert Moog, créateur des plus mythiques instruments électroniques. (mini Moog, Big Moog, Polymoog etc …)

Alors sortent de l’ombre quelques musiciens et on note surtout à cette époque Walter Carlos (qui par la suite deviendra Wendy Carlos) qui interprète la musique classique sur ses nouveaux instruments. Il se fait connaître du grand public en signant la musique du film de Stanley Kubrick « Clockwork Orange » (Orange Mécanique).
Cette période faste des années 60 est bouleversée par une révolution des mœurs qui se répercute sur la musique. Dès leurs débuts, les Anglais de Pink Floyd ouvrent un chemin en mélangeant le rock avec la musique contemporaine et expérimentale avec leur album « A Saucerful of Secrets ». En continuant leurs expérimentations et notamment sur scène, ils vont susciter des vocations. Leur passage en 1967 au festival d’Essen, les jeunes allemands découvrent une nouvelle façon de faire de la musique. Parmi eux, Klaus Schulze et Edgar Froese ont alors une révélation. Leur vie bascule dès cet instant et va prendre un chemin qui demeure encore à ce jour une référence du genre et surtout une véritable légende.
Si Klaus Schulze connaît une carrière solo qui fait encore école pour nombre de compositeurs évoluant dans le milieu de la musique électronique, Edgar Froese fait figure de pionnier tant son œuvre avec Tangerine Dream a ouvert de voies. Le groupe a non seulement créé un style musical, mais il l’a fait constamment muter non sans avoir fait évoluer les synthétiseurs eux-mêmes en partenariat avec certains constructeurs.
La musique de Tangerine Dream a marqué plusieurs générations. Si on peut l’entendre avec leurs nombreux albums (134) et autres singles (67), on est agréablement surpris de découvrir que leurs compositions ont été souvent utilisées par les radios et télévisions comme génériques d’émission ou encore comme musique de fond lors de reportages et autres documentaires. C’est d’ailleurs tout naturellement qu’on les retrouve sur plusieurs films dont certains sont mondialement connus. Cette œuvre magistrale est certes, un travail de groupe dans ses débuts au moins, elle est surtout issue de l’imagination d’un seul homme Edgar Froese.

C’est à Tilsit, en Prusse Orientale qu’Edgar Wilmar Froese nait le 6 juin 1944, jour du débarquement de Normandie.
À 12 ans il commence le piano et c’est à 15 ans qu’il se met à la guitare. Il entre à l’Académie des Arts de Berlin afin d’étudier la peinture et la sculpture. Très tôt il est fortement intéressé par l’art surréaliste et voue une admiration sans bornes à Salvador Dali. Après s’être amusé dans un groupe de rock pendant ses années lycée avec son copain d’école Klaus Krueger, il intègre un groupe de rock psychédélique en 1965 The Ones où il joue de la guitare. Spécialisé dans les reprises de rock The Ones se produit un peu partout en Allemagne comme par exemple au Zodiak Free Arts Lab. En 1967, The Ones est l’un des groupes qui se produit sur la scène du festival d’Essen. Edgar Froese découvre alors Pink Floyd, dont il ne connaissait que les albums. C’est la révélation. Il voit en ce groupe britannique des innovateurs qui ouvrent une voie encore inexplorée avec un mélange de rock et de musique contemporaine et expérimentale. Il ambitionne alors de créer une musique surréaliste. The Ones finit par s’exporter notamment à Paris où il joue dans divers clubs, où il croise le chemin de Jimmy Cliff ou de Johnny Hallyday. Après avoir sorti un single (le seul) avec des compositions originales « Lady Greengrass » et « Love of Mine », The Ones donne des concerts en Espagne et notamment à Cadaquès. Edgar voit là l’opportunité de rencontrer son idole. Le groupe arrive à se faire inviter par Salvador Dali pour un concert privé dans son incroyable maison construite à même la roche. Cette rencontre va bouleverser sa vision des choses. Edgar Froese explique à Dali, après lui avoir offert le buste de l’artiste qu’il a lui-même sculpté, sa volonté de faire en musique ce que le peintre catalan fait avec ses tableaux. Ce dernier est enthousiasmé par l’idée et lui donne sa bénédiction. Seulement voilà, Edgar Froese doit d’abord s’affranchir de son rôle de guitariste au sein d’un groupe de rock psychédélique qui commence à stagner. Il prend les choses en mains et les change radicalement. Il rebaptise le groupe en « Tangerine Dream » (le rêve orange) en référence aux paroles de la chanson des Beatles « Lucy in the Sky with Diamonds » où l’on peut entendre « Tangerine Trees and Marmalade Skies ».

Dès lors la direction musicale va vers la musique expérimentale pour s’approcher de la vision du nouveau leader. Charlie Prince, le chanteur de The Ones s’en va, ne voyant pas du tout d’un bon œil l’annexion de Froese. Les premiers concerts ne sont pas toujours bien perçus et des changements s’imposent et déjà des membres sont remplacés. Il faut attendre la troisième formation en 1968, soit après seulement un an d’existence pour voir Tangerine Dream commencer à s’imposer comme groupe innovateur en Allemagne. C’est à cette période qu’Edgar Froese rencontre l’anglais Steve Joliffe, flutiste et violoniste et qui donne parfois de la voix. La direction expérimentale voulue commence réellement à apparaître. En croisant le chemin du groupe Psy Free, Edgar découvre le batteur Klaus Schulze. Tous deux évoquent, autour d’une pizza, leur intérêt commun sur l’aspect surréaliste dans la musique. Klaus quitte Psy Free pour Tangerine Dream. Les concerts s’enchaînent et la reconnaissance commence à venir. Le groupe se produit lors du festival des « Bath Sessions » de 1968 juste après le départ de Steve Joliffe (qui rejoindra pour un temps Steamhammer). C’est à cette époque que le compositeur et producteur Thomas Kessler accueille de nombreux jeunes artistes dans son studio de Berlin créé en 1965. Ce musicien suisse connu pour ses recherches musicales en musique concrète décide de démocratiser le genre en donnant leur chance aux jeunes compositeurs. De nombreux groupes se croisent dans cet antre de la création sonore, et Edgar Froese voit là une opportunité pour Tangerine Dream de se développer grâce aux instruments électroacoustiques qui pullulent ici. Il croise le chemin d’un expérimentateur de génie, Conrad Schnitzler. Il l’invite dans Tangerine Dream et apprend alors l’art et la manière de faire de la musique concrète et expérimentale. La nouvelle formation s’architecture alors autour d’Edgar Froese et Conrad Schnitzler avec l’apport des percussions de Klaus Schulze. Pourtant ce dernier est lui-même un grand amateur de musique expérimentale et de collages sonores tout en jouant de divers orgues. Mais Edgar lui fait sèchement comprendre que son rôle doit se limiter à la batterie et rien d’autre. C’est donc dans le studio de Thomas Kessler qu’ils commencent à enregistrer leurs expérimentations. L’aventure commence réellement

Le premier véritable travail de Tangerine Dream s’avère être la musique du film « Underground » dont Edgar est acteur. Si la musique est encore teintée de rock, elle met en place la direction prise par le groupe qui est crédité « Edgar Froese and his tangerine Dream Band ». C’est à ce moment que le producteur Rolf Ulrich Kaiser cherche de talents émergents pour le label qu’il est en train de monter « Ohr » (oreille en allemand) et consacré à la nouvelle scène du rock germanique. En voyant les groupes se donner ainsi à fond dans les studios de Kessler, Kaiser voit là l’opportunité de créer un courant musical : la Kosmische Musik (musique cosmique vous l’aurez aisément deviné). Il voit en Tangerine Dream l’un des groupes phares qui va devenir le visage de son label. Bien que Ohr édite les albums d’autres groupes comme Guru Guru, Wallenstein, Embryo et bien d’autres encore, Edgar Froese refuse de céder le concept de Tangerine Dream pour que le label en tire le bénéfice. Le premier album « Electronic Meditation » sort avec une pochette assez surprenante ou un poupon privé de sa tête s’enchevêtre dans des câbles audio. Edgar est furieux. Comment se fait-il que la bande qui ne devait servir que de démo se retrouve sur un disque ? Il accuse Klaus Schulze et Conrad Schnitzler d’avoir fourni l’enregistrement à Rolf Ulrich Kaiser et renvoie alors aussitôt les deux musiciens. Il doit tout reprendre à zéro. Lors de ses visites au studio de Thomas Kessler il voit alors le groupe Agitation Free en train de composer. Son attention s’arrête sur le claviériste Michael Hoenig, mais surtout sur le batteur Chris Franke qui semble être également intéressé par les sons nouveaux. Edgar découvre alors que Chris a un curieux Appareil, le synthétiseur VCS3. Il voit en cet outil un générateur de sons comme jamais on en a entendu jusqu’à lors. Il invite donc le jeune Christopher Franke alors âgé de 17 ans à le rejoindre pour l’aventure Tangerine Dream. Mais au moment de demander à Michael Hoenig de faire de même, il tombe sur le jeune anglais Steve Schroyder, organiste hors norme qui arrive à faire sonner ses claviers de manière assez inhabituelle. Le nouveau trio est formé. De cette formation sortira « Alpha Centauri » un album qui n’est pas sans rappeler le style de Pink Floyd lors de « Saucerful of Secrets ». Le succès de Tangerine Dream commence vraiment à grandir, mais Steve quitte le groupe de manière précipitée, et pas très claire, après quelques concerts concluants à Berlin. De retour dans les studios, Chris présente à Edgar un autre jeune claviériste Peter Baumann qui se sent un peu inutile au sein du groupe The Ants (rien à voir avec Adam and the Ants). Lui aussi détenteur d’un Synthétiseur VCS3 il est un atout majeur surtout avec son expérience en musique classique. Mais Edgar se rend compte que la palette sonore de Tangerine Dream est assez restreinte par rapport à ce qu’il a en tête. Quand il lance avec ses comparses l’enregistrement de Zeit, il voit là l’opportunité de faire une œuvre contemporaine assez froide et linéaire avec pour message que le temps s’écoule lentement. Pour cet opus il invite un quatuor de violoncelles qui vient étoffer l’ambiance sonore. Mais lors d’une session, Edgar voit dans la pièce à côté le groupe Popol Vuh enregistrer eux-mêmes leurs morceaux. Il est subjugué par une armoire remplie de boutons et autres connexions de toutes sortes dans laquelle se fiche une kyrielle de câbles. Mais que peut bien être ce truc ? Florian Fricke, leader de Popol Vuh avait récemment racheté à George Harrison son énorme synthétiseur : le Moog 3P plus communément appelé à juste titre le Big Moog. Florian Fricke est invité illico aux sessions d’enregistrement de « Zeit ». Le trio de Tangerine Dream voit en cette énorme machine un outil incroyable qui devrait leur ouvrir des horizons inexplorés. Mais ces instruments sont très onéreux et il faut alors se produire sur scène.

Mais avant, le groupe est sollicité pour composer la musique d’un film expérimental « Vampira ». Avec ce travail, Tangerine Dream introduit la musique électronique dans l’univers cinématographique. Jusqu’à présent, le synthétiseur était cantonné à du bruitage. Seule la musique concrète de « Forbidden Planet » en 1956 ouvre les portes, mais personne ne suivit. Tangerine Dream est alors le groupe pionnier qui démocratise la musique électronique pour les bandes originales de films. Par la suite, de nombreux concerts se succèdent et le nom de Tangerine Dream gagne en popularité en même temps que celui de Klaus Schulze qui commence sa carrière solo. Lors du festival d’Ossiach, Edgar croise le chemin de Klaus. Il découvre alors que la sortie d’ « Electronic Meditation » a été orchestrée par Rolf Ulrich Kaiser. Ce dernier menait d’une main de fer son label et les groupes qui avaient eu le malheur de signer le contrat type qui leur était proposé. Edgar avait eu du nez à ce moment. En voulant garder son indépendance, il a échappé au concept de compilations forcées par Kaiser. Avec la série des « Kosmische Courriers », il mettait dans le même album les divers artistes des groupes multiples afin d’en tirer le maximum de bénéfices. Klaus Schulze commençait à réfléchir à de nouveaux labels. Alors en fin de contrat avec Ohr, il part vers de nouveaux horizons. Edgar voit là l’occasion pour lui de s’émanciper à son tour. En livrant « Atem » Tangerine Dream clôt leur aventure Ohr. Lors de multiples concerts de cette tournée, Edgar constate que la musique de Tangerine Dream est très suivie en Angleterre grâce à la programmation de l’animateur radio John Peel. En rencontrant à Londres Richard Branson, Edgar Froese décide de se joindre à lui pour l’aventure du nouveau label Virgin. Celui-ci vient de voir le jour en éditant un album de rock progressif révolutionnaire que personne ne voulait, les longues plages instrumentales faisant peur aux producteurs. « Tubular Bells » de Mike Oldfield lance une nouvelle ère. Edgar commence sa collaboration avec Virgin en produisant l’édition allemande du single de Mike Oldfield « Don Alfonso ». Mais Richard Branson lui demande de lui faire écouter les nouvelles musiques de Tangerine Dream. Seulement il se passe quelque chose de complètement inattendu. Au moment de jouer le rappel d’un concert en 1973, Edgar Froese et Chris Franke se retrouvent seuls … Peter Baumann a disparu. Son matériel est toujours sous tension sur scène. Où diable est-il ? L’inquiétude s’installe et l’hypothèse d’un enlèvement est soulevée. Deux semaines angoissantes plus tard une carte postale venant de Katmandou arrive … signée par Peter Baumann et leur disant qu’il passe d’agréables vacances. Edgar est furieux et fulmine pendant des jours. Mais il doit enregistrer pour Virgin. Alors il se lance avec Chris dans le nouvel Album « Green Desert ». Chris avait auparavant comme Peter d’ailleurs acquis le fameux Big Moog et pendant les premiers tests ce dernier découvre alors l’incroyable possibilité de cet appareil et notamment le séquenceur qui permet d’enchaîner plusieurs notes en boucles. Edgar décide alors de laisser de côté « Green Desert » pour se consacrer à son premier album solo « Aqua », enregistré dans les studios de Thomas Kessler avec le système de la tête artificielle, et qu’il présente à Richard Branson comme le style de ce que sera désormais Tangerine Dream.

En l’absence de Peter Baumann, Edgar demande alors à Klaus Schulze de le remplacer pour les quelques concerts à honorer. Entre temps Klaus avait lui aussi acquis un Big Moog en rachetant celui de Florian Fricke qui n’arrivait pas à le maîtriser. Klaus et Chris vont alors comprendre ensemble la complexité de cet instrument et vont devenir alors les tout premiers à savoir le manier. Le retour de Peter ne se fait pas sans quelques explications houleuses, mais une fois le calme revenu, l’enregistrement du premier album de Tangerine Dream chez Virgin peut commencer. Effectué aux Studios Manor en Angleterre appartenant à Branson, le trio va méduser de nombreux musiciens de passages. Tim Blake dira lors d’une interview que c’est en voyant ces pionniers allemands qu’il se lancera lui-même dans ce style cyclique avec des synthés tout aussi volumineux.
Quand Edgar amène la bande à Richard Branson il lui explique de ne pas tenir compte des premières minutes chaotiques que l’on entend. En effet quand Chris Franke lance le séquenceur, les sons partent dans tous les sens de manière totalement imprévisible. Il se démène sur plusieurs minutes alors pour essayer de rattraper cette incontrôlable cacophonie jusqu’à arriver à installer une séquence sur laquelle le trio se met à improviser. À l’écoute de cette plage de17 minutes, Richard Branson est emballé et insiste pour conserver ce début aux sons aléatoires mettant en évidence l’ambiance étrange et entièrement inédite qui s’en dégage. « Phaedra » voit le jour en 1974 et la tournée qui s’en suit est un triomphe. Tangerine Dream est alors sollicité pour assurer la partie musicale de la pièce de Théâtre « Œdipe Roi » qui est jouée au festival de Chicester. La renommée de Tangerine Dream est grandissante et le groupe se voit alors invité parmi de nombreux autres pour le festival qui a lieu à la Cathédrale de Reims en décembre 1974 aux côtés de Eno, Mike Oldfield ou encore Nico. Les concerts se passent bien et Edgar comprend alors l’influence majeure de la musique de Tangerine Dream sur la jeunesse, et notamment en France. Il s’en rend compte lors de leur concert dans la Cathédrale qui va alors rester dans les annales, non pas pour la musique, mais pour le scandale qui en a résulté. L’édifice prévu pour contenir 3000 fidèles se retrouve tout d’un coup envahi par 15000 spectateurs pour voir leur groupe favori Tangerine Dream. Entassés et fumant divers joints et consommant quelques substances hallucinogènes le public fait de la cathédrale un véritable décor de Londres dans le brouillard. Le Pape Paul VI excommunie Tangerine Dream, leur interdisant de jouer dans un quelconque lieu sain. La Cathédrale de Reims est alors exorcisée par un rituel de plusieurs jours.

La tournée finie, Tangerine Dream entame l’année 1975 dans les studios avec leurs machines. De nouvelles acquisitions viennent agrémenter leur arsenal avec notamment le nouveau Mellotron, synthétiseur particulier qui génère les sons, non pas par des oscillateurs, mais par des bandes magnétiques sur lesquelles sont enregistrés des instruments comme des flutes, des ensembles à cordes ou encore des chœurs. Peter Baumann va contacter les constructeurs afin d’étoffer la palette sonore de cet instrument. Il en résulte de nouvelles bandes magnétiques customisées sur lesquelles on peut entendre des cris de corbeaux, de l’eau qui coule, des sirènes et tout un tas de bruits industriels. De son côté, Edgar Froese tombe carrément sous le charme de ce clavier qu’il affectionne grandement au point d’enregistrer avec son deuxième album solo « Epsilon in Malaysian Pale ». Mais celui-ci devra attendre, car le nouvel album du groupe est mis en chantier. Rubycon sort et devient très vite l’un des albums les plus vendus de l’année. Son atmosphère est tel que la chaîne TV française TF1 utilise la partie séquencée pour le générique de leur toute nouvelle émission « L’avenir du futur », émission mensuelle dans laquelle un film de science-fiction est présenté suivi d’un débat scientifique en corrélation avec lui. Avec la sortie de l’album d’Edgar, 1975 marque une année faste pour Tangerine Dream, et la tournée « Ricochet » va occuper tout leur temps. Lors de leur passage à Paris, ils sont filmés par le réalisateur Francis Fehr qui tourne le film « Pauline et l’ordinateur » avec Josiane Balasko. C’est lors de leur répétition que le réalisateur va les immortaliser dans son film. La tournée va surtout être marquée par leurs remarquables concerts lors de la fête de l’humanité à Orange, ou encore à la Cathédrale anglicane de Coventry. C’est à cette époque que l’opportunité de se produire hors d’Europe se profile. L’Australie leur ouvre ses portes, mais à l’approche de la date du départ, Peter Baumann est introuvable. Aucun numéro de téléphone ne répond et personne dans son entourage n’a de nouvelle. Il est officiellement porté disparu, et la Police n’a aucune trace du musicien. Klaus Schulze étant lui-même surbooké avec sa tournée « Timewind », il ne peut remplacer Peter. Edgar est désespéré et est à deux doigts d’annuler leur voyage en Australie quand son attention est attirée par un petit article sur un jeune musicien qui travaille avec des synthétiseurs. Chris Franke reconnaît alors Michael Hoenig, qu’il connut lors des années lycées et avec qui il officiait au sein d’Agitation Free. Le nouveau trio formé part alors à l’autre bout du monde. Mais à l’arrivée, une très mauvaise surprise les attend, leur modulaire Moog a été endommagé. Ils doivent alors assurer leur premier concert australien sans séquenceur pendant que leur matériel se fait réparer en urgence. Les autres concerts se passant bien le groupe revient en Europe et se produit au Royal Albert Hall à Londres. C’est après ce concert qu’apparaît Peter Baumann. Celui-ci revenait d’Afghanistan où il avait pris des vacances. Edgar n’en revient pas, et comprend alors que l’impétueux Peter va finir par l’exaspérer. Après une période où le calme finit par revenir. Tangerine Dream se lance dans leur nouvel album. Peter connaissant des ingénieurs en électronique leur commande un nouveau type de synthé modulaire avec des mémoires, pour chacun des membres. Les gigantesques armoires Project Electronik arrivent et il faut maintenant les maîtriser. Mais ces nouvelles machines sont complexes. Peter, qui s’est mis à diriger l’élaboration du nouvel album, met beaucoup de temps à comprendre le fonctionnement des appareils. Edgar, pour se calmer, entonne quelques notes de guitares et même d’harmonica. C’est à partir de là que l’album va réellement commencer à naître. « Straosfear » arrive dans les bacs suivi de près par l’album solo de Peter Baumann « Romance 76 ». Edgar est surpris de voir un projet solo dont il n’avait pas entendu parler. La tension monte entre Peter et lui.

En 1977, Tangerine Dream est contacté par le réalisateur William Friedkin. Celui-ci, qui avait signé « L’exorciste », a toujours particulièrement soigné le choix des musiques pour ses films. C’est en utilisant « Tubular Bells » de Mike Oldfield que le cinéaste avait découvert la musique de Tangerine Dream. Il leur demande alors d’assurer la partition de son nouvel opus « Sorcerer » (le convoi de la peur). Mais cette fois, il va demander aux compositeurs de travailler AVANT que le film ne soit tourné. Il leur donne le script et quelques story-boards. Tangerine Dream livre alors plus d’une heure de musique. William Friedkin va alors diffuser ces bandes sur le plateau pendant le tournage des scènes afin d’en insuffler l’ambiance. L’album « Sorcerer » est le premier soundtrack du groupe à être édité. Cette réalisation va permettre à Edgar et ses comparses d’avoir un pied aux USA et une tournée américaine et canadienne est mise en place. Tangerine Dream conquiert le monde. Mais durant cette aventure, Edgar et Chris constatent que le comportement très électron libre de Peter va conduire le groupe à l’effondrement. Edgar demande à Peter de faire un choix. Ce dernier étant de plus en plus attiré par une aventure solo quitte alors Tangerine Dream.
Edgar croise le chemin d’un ancien copain de lycée Klaus Kruger, alors batteur occasionnel d’Iggy Pop. Les deux compères sympathisent et Klaus accepte d’assurer les parties de batterie pour Tangerine Dream. Dans le même temps Edgar retrouve Steve Joliffe, qui vient de quitter Steamhammer. Ayant de bons souvenirs de la précédente participation de Steve dans le groupe 10 ans auparavant, Edgar l’invite donc à rejoindre de nouveau l’aventure TD. Une nouvelle direction est prise et avec « Cyclone », Tangerine Dream livre un album avec des parties chantées. Si la tournée est bien suivie, l’album est un échec. Edgar attribue ce revirement aux chants de Steve et lui fait comprendre que ce n’est pas la direction à suivre. Steve s’en va et Klaus ne reste que pour assurer quelques parties sans faire officiellement partie du groupe. Edgar et Chris commencent alors l’année 1979 avec une décision drastique. Les synthétiseurs évoluent, les mœurs évoluent, donc leur musique doit également évoluer. Les morceaux vont devenir plus structurés et la sortie de « Force majeure » est un triomphe. Tangerine Dream renaît.

Au début 1980, le groupe est sollicité pour être les premiers Occidentaux à jouer à Berlin Est. C’est à ce moment qu’Edgar rencontre Johannes Schmoelling, un remarquable musicien doublé d’un ingénieur du son compétent. En lui prêtant deux synthétiseurs, il lui demande de lui fournir quelques morceaux en trois jours. Surpris du résultat il l’engage sur le champ et le concert derrière le rideau de fer est un énorme succès. C’est lors de ce concert que vont se poser les bases de l’album du nouveau trio « Tangram ». Dès lors Tangerine Dream entame un nouvel âge d’or.
Les choses se précipitent et Tangerine Dream se retrouve maintenant avec deux carrières. L’une tourne évidemment autour des albums et des tournées, mais l’autre va surtout être centrée sur les musiques de film. Le premier soundtrack qu’ils assurent est « Thief » de Michael Mann. Ce dernier, toujours à la recherche de sons étranges pour ses films comprend que Tangerine Dream est le groupe à avoir. D’autres ne s’y trompent pas non plus, car pendant la période avec Johannes Schmoelling, plusieurs B.O. vont naître par exemple « Wavelength », « Firestarter », « Flashpoint », « The park is Mine » ou encore « Risky Business » parmi tant d’autres. On notera d’ailleurs que Michael Mann fait de nouveau appel à eux pour son nouveau film « The Keep » (la forteresse noire), mais cette musique, pourtant prévue pour sortir sur un disque est brusquement au cœur d’un problème juridique. Edgar pensant séparer les musiques de film et les albums réguliers avait signé un contrat avec le label Varèse Sarabande pour les B.O. malheureusement, Virgin ne le voit pas ainsi et avec Paramount, détenteur des droits filmiques, bloque cette parution. Elle demeure encore à ce jour inédite. En parallèle Tangerine Dream enchaîne les albums et les concerts avec succès. Leurs tournées font salle comble et leurs albums sont tous dans les charts mondiaux. La musique, devenue plus structurée avec des morceaux plus courts, touche un très large public. Début 1982, Edgar lance la tournée Logos suite à la sortie du remarquable album « White Eagle ». C’est un véritable marathon live qui va épuiser les musiciens, et surtout Johannes Schmoelling qui commence à se demander s’il va continuer. La tournée s’achève fin 1983 avec un concert à Berlin en hommage à l’ami d’Edgar Froese, le réalisateur et acteur allemand Rainer Werner Fassbinder venait tout juste de décéder. L’année suivante est moins éprouvante, mais tout aussi productive. Plusieurs B.O. sont enregistrées en même temps que leur album « Hyperborea ». La musique de Tangerine Dream est devenue telle que Chris Franke a de moins en moins de présence dans les compositions. La plupart des morceaux mélodiques sont surtout dus à Johannes. Un jour Chris Franke informa Edgar que Michael Mann veut faire appel à eux pour assurer la musique d’une série TV qu’il met sur pied et mettant en vedette deux flics très différents officiant à Miami. Edgar fait sèchement comprendre à Chris que ce n’est pas à lui de dénicher des contrats. De plus, Edgar pense que cette nouvelle série, « deux flics à Miami » (Miami Vice), ne va pas avoir de succès étant donné le nombre de séries policières déjà à l’écran. Il mise sur la toute nouvelle série qui met en valeur un concept de moto bourrée de gadgets. Il pense que ce concept novateur surfant sur le succès de « Airwolf » (Supercopter) et « Knight Rider » (K2000) va être un triomphe. « Streethawk » (Tonnerre mécanique) est un échec, et Edgar dans sa déception va incriminer Chris pour ça. Il prétexte que les séquences omniprésentes dans la musique de cette B.O. en sont la cause.
Chris comprend que son avenir au sein de Tangerine Dream est plus que compromis, d’autant plus que pendant les répétitions et les balances effectuées avant les concerts, Jérôme, le fils d’Edgar assure les parties de guitare. Appréhendant son éviction, Chris commence à réfléchir à sa future carrière solo. Entre temps Johannes Schmoelling épuisés, par les travaux à répétition fait savoir à Edgar sa volonté de ralentir. Edgar lui suggère alors que quitter le groupe. Mais Tangerine Dream est appelé en urgence afin de composer en 2 semaines la musique du film « Legend » de Ridley Scott. Pourtant déjà pisté avec le remarquable score de Jerry Goldsmith, les producteurs américains préfèrent remonter le film en y rajoutant une musique plus sombre et moins optimiste. Tangerine Dream livre alors une musique assez inégale.

Après le départ de Johannes Schmoelling, Tangerine Dream se retrouve dans la même situation que pour « Force majeure ». Edgar Froese et Chris Franke se mettent au travail et l’album « Valley of the Sun » est plutôt bien parti. Mais plusieurs morceaux sont laissés de côté pour d’autres plus courts. L’arrivé de Paul Haslinger, jeune prodige autrichien va conduite à l’album « Underwater Sunlight » et à une tournée mémorable, dont un concert à l’Olympia à Paris. Les projets solos en gestations de Chris irritent Edgar de plus en plus. En 1987, après la sortie de l’album « Tyger », de la vidéo « Canyon Dreams » et de plusieurs B.O. Tangerine Dream doit assurer un concert à la porte de Brandebourg à Berlin. Chris est introuvable jusqu’à la dernière minute où il arrive avec son matériel. Edgar dit alors à sa femme Monika « Regarde bien ce concert, c’est le dernier que tu vois avec cette formation ». Edgar chasse Chris Franke qui se lance dans sa carrière en s’installant à Los Angeles. Edgar fait part de la situation à Paul et lui demande faire un choix. Paul reste et Tangerine Dream est de nouveau un duo.
C’est à cette époque que l’univers de la musique électronique change radicalement. L’apparition d’un petit ordinateur va révolutionner la manière de composer. Avec l’Atari ST et le logiciel Cubase, on peut alors composer de manière complexe et faire des morceaux changeants et très structurés. Mais cette informatique musicale est à découvrir pour Edgar et Paul. De plus le contrat avec leur label Jive Electro étant arrivé à son terme, il faut faire de nouvelles démarches. C’est là que l’ancien complice Peter Baumann entre en jeu. À la tête du label Private Music basé à Los Angeles, Peter est devenu un redoutable homme d’affaires, avec une écurie de musiciens émergeant, mais également renommés. Edgar alors parti aux USA téléphone à sa femme en oubliant un principe pourtant simple : le décalage horaire. Il la réveille en pleine nuit. Dans la conversation, il apprend qu’elle avait fait la connaissance d’une dame dans un salon de coiffure. Cette dernière lui parle alors de son fils qui compose sur des synthétiseurs et qui cherche à se faire connaître. Edgar se voit mal faire des auditions pour trouver un nouveau membre, mais téléphone néanmoins à ce prétendant sans oublier cette fois le décalage horaire. C’est la maîtrise de ce compositeur pour l’Atari ST qui va convaincre Edgar Froese d’intégrer Rafl Wadephul au groupe. Après la sortie d’ « Optical Race », et une tournée américaine, dont les premières parties sont assurées par l’ex-Police Andy Summers, Edgar remercie Ralf qui part suivre son propre chemin. Edgar et Paul Haslinger sont alors rejoints par Jérôme Froese le fils d’Edgar. En 1990, Paul décide de partir pour suivre son propre chemin en ayant fait un passage au sein du groupe français Ligtwave. Tangerine Dream est enfin une affaire familiale dont Edgar est seul maître à bord. Mais une affaire va sérieusement ébranler ses espérances. Quand Chris Franke fonde Sonic Images et sort ses albums, ses avocats lui font remarquer que les royalties de ses compositions lors de sa carrière dans Tangerine Dream n’ont toujours pas été payées. Ils attentent un procès à Tangerine Dream. Edgar est furieux. L’issue du procès lui est évidemment défavorable et il doit verser une fortune pour tous les morceaux où est crédité Chris Franke. Dès lors il vouera une haine farouche à son ancien collègue. Tout est à refaire. Ne pouvant fonder son propre label, manque de finance, il signe chez Miramar pour 5 ans. Les albums s’enchainent les B.O. aussi. La musique subit une mutation qui va devenir une sorte de rock électronique grâce aux divers musiciens occasionnels qui se succèdent. Avec les droits des anciens morceaux à partager avec entre autres Chris, Edgar décide pour la compilation « Tangents » chez Virgin de rajouter quelques sons actuels sur les morceaux qui y figurent. Ce subterfuge va lui permettre de s’affranchir de payer des royalties à ses anciens compères. Cette pratique va être utilisée à chaque fois que des archives vont être déterrées et les fans lui trouvent alors un terme : la « tangentisation ». En 1997, ayant de nouveau une situation financière saine Edgar Froese fonde Tangerine Dream International. Dès lors son groupe devient une véritable machine bien huilée. Les albums sont produits à la chaîne et les tournées deviennent de véritables shows. Dans les années 2000, Tangerine Dream International s’associe avec Eastgate Music. C’est à cette époque qu’Edgard fait la connaissance de Thorsten Quaeschning alors leader de Picture Palace Music. Il voit en lui une sorte de double, tant leurs musiques se ressemblent. Thorsten se joint à Edgar et Jérôme et cette formation va perdurer plusieurs années jusqu’à ce que Jérôme Froese décide de voler de ses propres ailes en créant LOOM avec Johannes Schmoelling.

C’est avec l’arrivée d’Ulrich Schnauss, autre star de la scène électro allemande que Tangerine Dream va continuer leur chemin couronné de succès. En 2013, Edgar veut changer quelques choses par-ci par-là et demande alors à Linda Spa et Iris Camaa de partir. Avec Thorsten, Ulrich et la violoniste japonaise Hoshiko Yamane, Tangerine Dream entame leur nouvelle ère « Quantum Years ». L’enregistrement du prochain album est en cours en parallèle à quelques concerts, dont celui de l’Olympia. C’est là qu’ils reçoivent la visite dans leur loge du musicien français Jean-Michel Jarre. Celui-ci avait annoncé publiquement qu’il travaillait sur un album collaboratif avec des personnalités ayant marqué l’univers de la musique électronique. Il devenait évident que Tangerine Dream devait faire partie de l’aventure. Jarre rend visite à Edgar dans les studios de Vienne où est basé maintenant le groupe berlinois. La conversation est fructueuse et bon enfant. L’accord est passé. Jarre fait parvenir les bases du morceau et Tangerine Dream renvoie le morceau finalisé avec leur partie. Jarre déclarera par la suite « C’est le seul morceau où je n’ai absolument rien eu à retoucher tant c’était parfait ».
Edgar ne verra pas le résultat sortir. Il décède en janvier 2015 des suites d’une embolie pulmonaire. Le maxi single « Zero gravity » de Jean-Michel Jarre et Tangerine Dream ainsi que l’album Electronica est alors dédié à la mémoire d’Edgar Froese.
Depuis c’est Bianca Froese-Acquaye qui gère la suite de Tangerine Dream avec Thorsten Quaeschning et Ulrich Schnauss. Jérôme Froese a clairement dit que Tangerine Dream était l’œuvre de son père et qu’il ne reprendrait pas la suite. La première chose est de finaliser « Quantum Gate ». De nombreux concerts hommage à Edgar Froese sont programmés et un documentaire sur Tangerine Dream est réalisé en partenariat avec Arte. Mais que sera maintenant Tangerine Dream ? Verra-t-on des archives ressurgir ? Les nouveaux albums solos des musiciens nous donnent une idée de ce que pourrait être la future musique du groupe. Mais resteront-ils ? Seul l’avenir nous le dira.

Tangerine Dream est un groupe pionnier qui a donc ouvert la voie à une kyrielle de musiciens qui reconnaissent bien volontiers l’influence du groupe allemand. Cette formation a connu depuis sa création en 1967 plusieurs changements et son histoire parfois tumultueuse est sans nul doute unique, mais est surtout l’œuvre d’un seul homme Edgar Froese. Depuis son décès, il y a eu de nombreuses rééditions, mais également quelques surprises. L’arrivée dans les bacs d’ « Alpha Centauri » avec des inédits d’époque ouvre des voies. L’édition de la B.O. de « Shy People » elle aussi agrémentée d’inédits donne bon espoir pour la suite des événements. Cette année marque le cinquantenaire de la création du groupe et en juin dernier le label Dragon’s Domain réédite la B.O. de Miracle Mile sous l’initiative de Paul Haslinger avec en prime l’intégralité du score du film en plus de la version album. Mais c’est le 29 septembre dernier, date anniversaire du groupe, que sort l’album posthume « Quantum Gate » ainsi que l’autobiographie d’Edgar Froese « Force majeure » accompagnée de divers CDs singles.

Que nous réserve l’avenir concernant Tangerine Dream ?