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Sortie Japonaise : automne 2013
Sortie Française : 25 juin 2014
Musique : Joe Hisaishi

C’est l’histoire d’un vieux couple qui habitait un petit village niché au coeur de la forêt japonaise. Le vieil homme cultivait et taillait du bambou. Le couple était assez pauvre, mais vivait heureux. Ils avaient cependant un regret : ils n’avaient jamais pu avoir d’enfant. Un jour, alors qu’il s’enfonçait dans la forêt, le vieil homme vit une pousse de bambou qui luisait d’un éclat étrange. À sa grande stupéfaction, il découvrit à l’intérieur du tronc … une petite princesse qui se transforma en bébé ! Il ramena le bébé chez lui et le montra à sa femme. Ils l’accueillirent dans leur modeste foyer comme un don du ciel. Plus tard, alors que l’enfant grandissait, le vieil homme trouva de la même manière de l’or et de beaux vêtements. Son père, voulant le meilleur pour sa fille, acheta avec cet or une belle demeure à la capitale et y aménagea avec sa femme et sa fille. Il plaça l’éducation de princesse sous la tutuelle de Dame Sagami. Un jour, cinq ministres vinrent pour demander sa main. Ne voulant pas se marier, elle confia à chacun d’entre eux une tâche presque impossible à accomplir. En effet, elle leur promit d’épouser celui qui réussirait à ramener en premier un objet de grande valeur. Ils échouèrent tous. L’empereur lui-même finit par entendre parler de cette étrange jeune femme, aussi belle qu’intelligente, mais qui refusait de se marier. Il se déplaça en personne et en tomba amoureux au premier regard. Mais elle refusa également de l’épouser. De plus, les soirs de pleine lune, le visage de Kaguya se couvrait de mélancolie. Elle finit par expliquer son étrange conduite à ses parents adoptifs, ainsi que son histoire. Kaguya était réellement une princesse, mais pas une princesse terrienne, elle était née sur la lune et devait prochainement y retourner…

Analyse :

La Princesse Kaguya est, à l’origine, le personnage principal d’un conte japonais datant du 10ème siècle, également appelé « Le Conte du coupeur de bambou ». Il s’agit du plus ancien texte narratif de l’histoire du Japon, écrit par une dame de la cour surnommée Murasaki Shikibu.

Ce qui surprend dès les premières images, c’est qu’elles sont réalisées sur des tons pastel et que leurs contours ne sont pas clairement définis. Ainsi, nous avons l’impression d’être face à une succession d’aquarelles. Avec la voix off qui introduit l’histoire par la formule traditionnelle « Il était une fois » et les images qui ressemblent à des illustrations de conte, nous retrouvons notre statut d’enfant qui écoute un conte lu par un adulte et qui nous montre les images de ce même livre pour illustrer ses propos.

Ainsi, la structure respecte bien les codes du conte et le déroulement, même s’il demeure contemplatif, est très prenant.

Pourtant, même si elle s’apparente à un conte, cette histoire est au final assez triste puisque la princesse doit malgré tout repartir sur la lune et abandonner ses parents adoptifs qu’elle aime beaucoup. Cette impression est renforcée par les émotions des personnages qui sont mises en avant tout au long de ce film et plus particulièrement à la fin lorsqu’elle repart. Nous retrouvons bien ici la patte d’Isao Takahata qui privilégie les émotions et qui n’hésite pas à les détailler de manière réaliste.

De plus, le thème de la nature cher à ce réalisateur est très présent dans ce film. En effet, il met en avant les bienfaits de vivre en accord avec la nature en nous montrant la joie de vivre des personnages et surtout de la princesse lorsqu’ils habitent à la campagne. Cette joie se transforme en tristesse lorsqu’ils vivent au palais : la princesse qui est quelqu’un de simple et qui n’aime pas les artifices se retrouve obligée de s’y plier et dépérit. En effet, la jeune fille refuse de se maquiller, de se farder ou d’épouser un homme en fonction de sa richesse ou de sa condition sociale. D’ailleurs elle ne quittera jamais les choses simples, car comme sa mère adoptive elle continuera malgré tout à cultiver un petit jardin à l’arrière de cette belle demeure et à tisser la laine. Le constat est qu’il faut profiter des choses simples et vivre en accord avec la nature. La princesse montre également qu’il vaut mieux se montrer tels que nous sommes et non le cacher pour se conformer à tout prix aux codes sociaux. En effet, pour elle, c’est en vivant en accord avec ce que nous sommes que nous serons heureux.

Pour une fois, Isao Takahata ne montre pas les ravages que provoquent les humains en rasant les forêts comme dans Pompoko, mais le respect des hommes envers la nature. En effet, les bûcherons quittent le lieu de leur labeur et n’y reviennent que 10 ans après pour laisser à la forêt le temps de se reconstruire. Il invite donc l’homme moderne à réfléchir à sa relation à la nature et à la manière de la respecter. Il nous montre qu’il est possible de vivre en accord avec elle et de lui permettre d’exister en lui permettant de se régénérer.

Cette réflexion sur la nature, ainsi que cette manière de montrer les choses de manière réaliste, se retrouve dans ses autres films d’animation (Pompoko , Le Tombeau des lucioles…). Cette manière « passive » de montrer pour dénoncer permet au spectateur d’être mis face aux problèmes et d’en voir les conséquences. Cela a donc pour but de l’amener à réfléchir sur les constats présentés et à agir pour y remédier. Cela peut cependant nous déconcerter et être somme toute assez rude pour le moral (souvenons-nous du Tombeau des lucioles où le réalisme des images et le dénouement tragique nous plongent dans la triste la plus profonde). Ici aussi la fin du conte est triste, mais la beauté de l’ensemble nous laissera tout de même une belle impression.

Isao Takahata n’a pas perdu ses talents de conteur et nous entraîne dans une histoire très belle ponctuée par la magnifique musique de Joe Hisaishi. C’est donc un film d’animation touchant qu’il serait dommage de rater ( pensez toutefois à vous munir de mouchoirs !).