Comment peut-on parler d’une franchise dont le premier film a non seulement été un succès, mais a été à l’origine d’un genre qui a fait école et qui perdure toujours ? Comment peut-on parler d’un nouveau film de cette franchise surtout quand son légendaire créateur est de retour dans le staff ? Comment peut-on évoquer une musique qui a marqué toute une génération et qui reste dans la mémoire collective à tel point qu’elle devient une sorte d’hymne ? C’est dans cet état d’esprit que je me suis retrouvé quand j’ai commencé à m’intéresser la nouvelle bande originale d’ « Halloween », le nouveau film sorti en cette année 2018, qui marque le quarantenaire d’une saga culte. Car culte est le mot qui définit la série de films « Halloween » et surtout le tout premier volet « La Nuit des Masques » conçu et réalisé par John Carpenter qui en signe également la musique, comme pour la plupart de ses réalisations. Avec « Halloween » John Carpenter met en vedette LE tueur en série ultime en la personne de Michael Myers, psychopathe forcené armé d’un couteau devenu aussi célèbre que son dangereux propriétaire … et je rappelle que Psychopathe ne veut pas dire « Pyschologue chez Panzani » … Mais non seulement, le réalisateur crée un genre qui va terrifier toute une génération, mais il compose aussi un thème musical tellement simple et efficace qu’il en devient lui aussi un véritable hymne à la devenue mondialement célèbre fête de fin octobre.

Vous l’aurez compris on va de nouveau vous parler de John Carpenter le musicien. Et oui, il EST musicien. Il l’est depuis toujours et même avant de se lancer dans le cinéma. Nous vous avons parlé de lui l’année dernière pour la compilation « Anthologie », les rééditions vinyles de « Christine » et « Los Angeles 2013 » ainsi que ses albums « Lost Themes » 1 et 2. On vous a parlé de lui récemment pour la réédition en double vinyle de la B.O. complète des « Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin ». Mais l’événement majeur est bien évidemment son retour à la musique de film pour le nouveau volet de « Halloween », sa création majeure tant filmique que musicale. John Carpenter ne fait pas que réaliser ses films il en compose la musique de la plupart d’entre-eux. Rares sont ceux qui réalisent que ses talents musicaux n’ont rien à envier à ses pairs compositeurs. Sa musique se reconnait de par son minimalisme dans les arrangements, et les sons utilisés. On identifie tout de suite ses morceaux dès que l’on entend une séquence lente de basse parfois bien lourde. On reconnaît tout de suite les sons de ses synthétiseurs et l’ambiance que ceux-ci génèrent. John Carpenter a non seulement un univers cinématographique, mais aussi une patte musicale propre. C’est avec cette identité sonore qu’il va composer, alors seul à cette époque, ce qui devient LE thème majeur de la fête d’Halloween à travers son film culte.

Quand en 1978, Carpenter tourne « La nuit des masques », titre français d’ « Halloween », il crée un personnage terrifiant, tueur psychopathe évadé d’un asile psychiatrique qui se lance dans une série de meurtres au couteau dans sa ville natale où il avait déjà perpétré d’horribles crimes des années plus tôt. Avec la présence de Donald Pleasance, le film prend une ampleur plus conséquente et il devient vite viscéral dès les premiers hurlements de la toute nouvelle débutante Jamie Lee Curtis, fille de Tony Curtis et Janet Leigh. Avec ces inoubliables hurlements, l’actrice entre dans le panthéon des « scream queens », club très fermé des actrices devenues célèbres par les hurlements poussés lors d’une action dans un film … généralement d’horreur … la première étant Faye Wray dans le « King Kong » de 1933. Jamie Lee Curtis va totalement renouveler l’emploi des cris stridents dans « Halloween ». Donc un tueur en série psychopathe à l’apparence terrifiante, une scream queen, un psychiatre emblématique et une musique simple et angoissante … des ingrédients chocs et efficaces pour faire un film d’horreur culte. Et c’est justement ce qu’il devient très vite … Culte. Et la musique n’est pas en reste car le disque original est un album assez compliqué à dénicher. Seules les conventions de disques permettent de trouver cette perle rare signée par John Carpenter sur très peu de synthétiseurs analogiques et un piano.

Alors je vous ai déjà longuement parlé de John Carpenter il y a près d’un an, je ne vais donc pas vous refaire sa bio détaillée, mais on peut toutefois évoquer quelques points sur John Carpenter, le compositeur.

John Howard Carpenter, né à Carthage dans l’état de New York en 1948, découvre le cinéma dès l’âge de 4 ans en accompagnant sa mère dans les salles obscures. Carpenter apprécie beaucoup cette première expérience, à tel point qu’il décide, dès lors, de passer son temps libre d’adolescent au cinéma. Très vite il se passionne pour les films fantastiques, de SF et de western. En 1971, John Carpenter sort diplômé de l’Université de la Californie du Sud (USC) avec sous le bras son film de fin d’étude « Dark Star » réalisé avec son ami Dan O’Bannon. Avec ce film, il montre qu’il est réalisateur mais aussi compositeur puisque la musique est de lui. Il tourne « Assaut » (Assault on precinct 13). Très fortement inspiré de « Rio Bravo » de Howard Hawks, ce film amorce la carrière de John Carpenter qui livre un film nerveux mais également une musique qui va marquer de manière indélébile l’univers de la musique de film. En utilisant les deux synthétiseurs qu’il a à sa disposition, John Carpenter compose une musique minimaliste avec des sons basiques et des notes simples. C’est en 1978, John Carpenter marque le monde filmique avec « Halloween » qui va marquer le public de plusieurs façons notamment avec la musique. Il se lance par la suite dans la réalisation de « The Fog ». Ici aussi, Il décide d’en composer la musique. Il réutilise les mêmes ingrédients qui ont fait de la B.O. d’ « Halloween » quelque chose d’unique. En rencontrant le musicien Alan Howarth, John Carpenter va étoffer sa palette sonore et son style musical. Une association fructueuse commence et avec la musique de « New York 1997 », le duo signe un chef d’œuvre électronique teinté parfois un peu rock ce qui permet au public de découvrir que le cinéaste gratte un peu de la guitare. Les deux hommes vont alors travailler ensemble sur les films suivants comme « Christine » par exemple. L’apparition des synthétiseurs numériques va révolutionner leur manière de composer. Fini les quelques notes qui tournent en bouclent, bienvenue aux compositions plus complexes et aux sons numériques et autres samples. Avec « Jack Burton … » le nouveau son est là. Pourtant avec « Le Prince des Ténèbres » ils reviennent à des compositions plus ambiantes et angoissantes tout en ayant ces sons numériques qui en changent complètement la perception. Howarth partant pour ses propres projets, Carpenter va collaborer avec plusieurs autres musiciens pour ses films suivants, enrichissant ainsi son répertoire et sa palette sonore qui aboutit tout naturellement à la compilation « Anthology ». Mais John Carpenter est de retour ! Avec le nouveau film « Halloween » sorti ce mois-ci, il décide d’en composer la musique avec son fils Cody et son filleul Daniel Davies.

« Halloween » version 2018 ne se veut ni une suite à tous les films précédents, ni une suite aux réalisations de Rob Zombie, ni un reboot. Non, quand il est finalement mis en chantier avec la participation de John Carpenter lui-même en tant que producteur délégué, il est clairement annoncé qu’il était la suite directe du tout premier film, ignorant alors tous les autres, ce qui est dommage car on aurait alors pu revoir Danielle Harris qui fut la gamine dans les volet 4 et 5 de la franchise. Avec le créateur du premier opus aux commandes de ce nouveau film réalisé par David Gordon Green, l’atmosphère originale est de retour et il est annoncé que cet épisode serait le plus terrifiant de la saga. Pour ce qui est de la musique, John Carpenter s’emploie à composer la bande originale avec son fils Cody et son filleul Daniel Davies avec qui il collabore maintenant depuis quelques années. Avec ce défi, le trio va alors livrer une musique très fidèle à l’esprit original. Carpenter & Co conservent les thèmes originaux et insufflent quelques nouvelles compositions qui viennent moderniser l’ambiance. C’est en se remémorant un exercice de gamme que son père lui apprit que John Carpenter composa en 1978 les huit notes rapides et simples qui font le thème d’ « Halloween ». Ce thème emblématique ne pouvait ne pas figurer dans cette nouvelle B.O. Mais il faut se rappeler que d’autres parties de la musique d’ « Halloween » avait marqué le public en 1978, notamment les notes calmes aux pianos ainsi que la note brutale (au piano également) qui martèle de manière lentement angoissante les oreilles des spectateurs pendant que la tension monte dans le film. Et bien ces mouvements devenu célèbres sont de nouveau présents avec un arrangement identique mais avec quelques différences dans le son et notamment une certaines richesse due à l’apport de quelques rares sons supplémentaires. Des moments plus calmes mais tout aussi pesants s’insèrent entre des morceaux plus bruts mais tout en étant dans l’esprit original d’ « Halloween ». Si finalement, cette nouvelle bande originale est sans véritable surprise, elle n’en demeure pas moins efficace dans le film et les nouvelles compositions apportent une touche d’originalité à l’ensemble. Un retour aux sources de John Carpenter qui nous montre qu’il peut toujours assurer dans l’art de la musique de film et dans la maîtrise des synthétiseurs. Jean-Michel Jarre ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisque John Carpenter fait partie des invités sur son Album « Electronica » en 2016.

Alors avec un tel événement que constitue le retour de Michael Myers dans « Halloween », l’édition de la B.O. ne pouvait ne pas suivre. C’est avec le label Sacred Bones Records, que les producteurs s’associent pour l’édition en CD et Vinyle de la musique de ce nouveau film. S’il n’y a pas de réelle originalité dans le produit fini du CD, on a néanmoins l’agréable surprise de voir le LP sur un vinyle orange, rappelant la couleur des citrouilles qui foisonnent lors de la nuit de la fête emblématique. Si cette édition couleur est très vite épuisée, le traditionnel vinyle noir est quant à lui bien disponible encore à l’heure actuelle. On peut le voir, comme le CD, chez la plupart des disquaires en France et bien évidemment sur toutes les plateformes de ventes sur internet et notamment le site du label lui-même www.sacredbonesrecords.com.

Le premier film « Halloween, la nuit des masques » a marqué toute une génération. Plusieurs choses y ont contribuées comme notamment la présence de Donald Pleasance, la musique originale de John Carpenter et les cris stridents de terreur de Jamie Lee Curtis. Mais les hurlements de l’actrice ne sont pas les seuls à être à l’origine d’un tel succès. C’est surtout le tueur lui-même qui est une figure emblématique de la franchise. Non seulement Michael Myers en impose de par sa stature impressionnante, mais ce qui met le public mal à l’aise, c’est le masque livide qu’il porte. Quand John Carpenter réfléchit à l’aspect de son tueur, il cherche à reproduire une inexpressivité proche du visage de la mort. Si au début, un masque de clown est envisagé, l’idée est très vite abandonnée. Tommy Lee Wallace achète alors un masque d’Halloween représentant le visage de William Shatner en James T. Kirk, le légendaire capitaine de l’Enterprise dans la série « Star Trek ». Wallace va alors élargir les yeux et rajouter des cheveux bruns plus longs et en bataille. Mais le trait de génie est l’utilisation de la peinture blanche qui recouvre entièrement le masque, accentuant ainsi l’inexpressivité tant recherchée.

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.