NIGHWISH : « Decades 1996 – 2015 » (Nuclear Blast Records)
Dans l’univers du rock, on trouve une quantité démentielle de genres et le Hard Rock fait partie de ceux qui sont les plus plébiscités par le grand public avec des groupes comme Led Zeppelin ou AC/DC par exemple. Plus tard le Heavy Metal fait son apparition caractérisée par un son de guitare très strident, mais moins saturé pendant les soli et plus lourd lors des rythmiques. On voit alors surgir des groupes comme Metallica ou encore Iron Maiden parmi tant d’autres. Mais le Heavy Metal a aussi des sous-genres, et parmi ces nombreuses déclinaisons, on trouve une catégorie très particulière, car alliant des styles musicaux très différents que l’on n’aurait jamais cru possible de voir (ou plutôt d’entendre) cohabiter aussi harmonieusement. Le genre « Heavy Metal Symphonique » fait partie du sous-genre le plus intéressant, tant le mélange entre guitare saturée et orchestre philharmonique est minutieusement dosé. Ajoutez à cela une voix puissante qu’elle soit masculine ou féminine et vous obtenez de véritables chefs-d’œuvre musicaux.
Depuis quelques semaines, Nightwish revient dans les bacs des disquaires, non pas avec un nouvel album (« Endless Form Most Beautiful » date pourtant de 2015), mais avec une compilation afin de fêter dignement les vingt années d’une carrière productive. Mais comme on ne fait jamais rien comme les autres dans ce groupe de Finlande, la compilation est loin d’être conventionnelle. Depuis 1996, le groupe n’a cessé d’étonner en donnant à sa musique de nouvelles barrières à franchir. Chaque album relève encore plus haut le niveau. Avec l’arrivée de véritables orchestres et chœurs, les morceaux deviennent de plus en plus complexes et se rapprochent parfois d’une véritable musique de film. Certains titres se voient étalés au-delà de dix minutes et deviennent de véritables symphonies heavy métal en plusieurs mouvements avec des paroles qui ont du poids. Certes, il y a beaucoup de chansons plus conventionnelles afin de fidéliser un plus large public, mais ce qui fait la « patte Nightwish » demeure ce savant mélange entre Guitares/Basse/Batteries et Piano/Synthétiseurs et surtout Orchestre/Chœurs, le tout soutenu par une impressionnante voix féminine avec parfois une puissante voix masculine.
C’est autour d’un feu de camp avec des amis que Tuomas Holopainen émet l’idée de fonder un groupe de rock folk acoustique dont les chansons seraient conçues pour être interprétées dans ces mêmes types de soirées. Il y invite des musiciens rencontrés quelques jours auparavant ainsi que la jeune Tarja Turunen. À ce moment Tuomas n’a absolument aucune idée de la voix de la chanteuse issue des grandes écoles lyriques de Finlande comme l’Académie Sibelius. Lors des premiers enregistrements, il comprend très vite que l’art lyrique avec la voix de soprano de Tarja va emmener le groupe vers quelque chose de totalement différent. En remplaçant la guitare acoustique par une électrique, Tuomas Holopainen mène la formation originaire de Kitee en Finlande dans des contrées musicales beaucoup plus ambitieuses. Lui-même issu de grandes écoles de musique tombe sous le charme du Heavy Metal après avoir assisté à un concert de Metallica. Dès lors le groupe, depuis baptisé Nightwish, titre de leur première chanson, devient un groupe hors norme de Heavy Metal avec l’apport de piano et de synthétiseurs qui donne à la musique un léger air de symphonie surtout avec la voix d’opéra de Tarja. Dès le premier album, c’est la consécration dans leur pays. Il faut toutefois attendre 1998 avec l’album « Oceanborn » pour que Nightwish devienne des stars en Europe puis dans le monde entier avec « Wishmaster » en 2000. Mais le goût très prononcé de Tuomas Holopainen pour la musique symphonique de film et l’intérêt de Tarja pour l’art lyrique va conduire à une mutation dans les compositions.
Tuomas commence à y inclure des parties orchestrales et Tarja suggère d’y ajouter des chœurs. Avec « Century Child », on commence à voir la direction artistique unique que Nightwish s’apprête à prendre. L’ouverture de l’album donne le ton du métal symphonique et la reprise du « Fantôme de l’opéra » d’Andrew Lloyd Weber démontre que le groupe mise sur un répertoire de plus en plus lyrique. De plus, l’ambition artistique est telle que le morceau qui clôture le disque « The Beauty of the Beast » s’étale sur dix minutes et en trois mouvements dont une bonne partie instrumentale, chose jamais exploitée jusqu’à lors. Avec « Once » en 2005, le style Nightwish est bien installé avec un équilibre parfait entre le Heavy Metal et l’opéra et les symphonies. Des chansons courtes puissantes encadrent alors deux magistrales pièces « Creek Mary’s Blood » et « Ghost Love Score ». C’est avec, cette première chanson que Nightwish montre un côté engagé. Les paroles qui sonnent puissamment mettent en évidence le génocide et la spoliation des Indiens d’Amérique par les Européens. Ce sont de véritables enregistrements d’orchestres qui viennent soutenir la musique somptueuse qui constitue l’album « Once ». Après une tournée mondiale triomphale dont certains concerts sont effectués avec un authentique orchestre philharmonique, une scission s’opère. Tuomas Holopainen et Tarja Turunen ont de très violents désaccords et la chanteuse se voit alors chassée du groupe mené par le compositeur. En 2007 c’est avec Anette Olzon que Nightwish revient. En sortant leur nouvel album « Dark Passion Play », Tuomas Holopainen montre au public que la musique de Nightwish peut très bien s’exprimer avec une voix plus conventionnelle faisant taire toutes les spéculations de la part des fans et surtout des journalistes qui voyaient alors Simone Simon, la cantatrice du groupe Epica venir pousser de la voix. Lors de la présentation de l’album à la presse, ceux-ci sont conquis par l’ouverture de quatorze minutes qui montre alors l’ambition du groupe. Tuomas déclare alors qu’il montre ici qu’il désire composer pour des films et qu’il en a la capacité. Quand il lance le projet « Imaginaerum » il monte encore d’un cran la barre et livre un véritable album concept. Il décide de faire tourner un clip pour chaque titre. Mais le réalisateur lui fait remarquer qu’avec à peine un peu plus d’argent, c’est un véritable film cinéma qu’ils peuvent faire. En lançant la production de ce film, Tuomas Holopainen en profite pour réarranger tous les morceaux afin d’en faire une musique orchestrale de film. Le triomphe est au rendez-vous et la tournée qui suit voit le film projeté derrière le groupe qui interprète les titres sur scène avec parfois un orchestre et des cœurs. En 2015 le public se pose cette question : après un tel niveau avec « Imaginaerum », comment Nightwish va faire pour assurer encore leur statut de groupe numéro un dans ce style ? La réponse vient avec « Endless Form Most Beautiful » album concept qui puise son inspiration dans l’origine des espèces de Charles Darwin. Si cet album met en avant la science, il est en totale opposition au précédent qui mettait en valeur l’imaginaire et le fantastique. Mais le chef d’œuvre d’ « Endless Form Most Beautiful » demeure sans conteste le dernier morceau « The Greatest Show on Earth » (le plus grand show sur Terre) basé sur les travaux et les théories du biologiste Richard Dawkins qui tient d’ailleurs le rôle du narrateur dans le titre. Composé en quatre mouvements, le morceau s’étale sur vingt-quatre minutes qui subliment la symbiose du Heavy Metal avec l’art lyrique et symphonique.
Après vingt ans de créations étonnantes et de succès mérité, Nightwish est de retour avec une compilation qui revient sur ces deux décennies. Mais avec ce groupe finnois, rien n’est fait comme les autres. Là où tout le monde conçoit une compilation en assemblant les singles et les titres les plus connus, Tuomas Holopainen sélectionne surtout les plus somptueuses pièces mettant ainsi en avant la véritable identité musicale de Nightwish. Le double CD s’ouvre non sur une chanson connue, mais sur … « The Greatest Show on Earth », le chef d’œuvre dans son intégralité. Si l’on retrouve néanmoins des singles comme « Wish i had an Angel », « Nemo », « Amaranth » ou encore « Elan », on a le plaisir d’écouter des titres plus complexe comme « The Poet and the Pendulum » (14 minutes), « Ghost Love Score » (10 minutes) ou encore « Dead Boy’s Poem ».
« Decades 1996 – 2015 » est l’une des compilations les mieux conçues pour faire connaître Nightwish à quiconque veut découvrir le métal symphonique.
Il faut savoir que le succès mondial de Nightwish est venu quelque peu sur le tard. Si le groupe était très connu en Europe, il restait toutefois uniquement dans le public spécialisé du genre. Quand Evanescence se fait connaître, c’est grâce à « Bring me to Life » et « My Immortal » deux titres qui apparaissent dans le film « Daredevil ». Cette incursion dans le milieu cinématographique propulse alors Evanescence vers la consécration mondiale. Tuomas Holopainen comprend alors que pour que Nightwish sorte du lot, ils doivent apparaître également dans le milieu filmique. C’est alors avec « Alone in the Dark », adaptation sur grand écran du célèbre jeu vidéo que Nightwish se hisse au rang des stars mondiales puisque le titre « Wish i Had an Angel » (que je vous ai passé samedi dernier) y figure.
Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.
Laisser un commentaire