KLAUS SCHULZE WAHNFRIED : TRANCE APPEAL / DRUMS N’ BALLS (Universal Music)
Ces dernières semaines ont été plutôt fastes concernant la musique électronique avec la réédition pour la toute première fois en vinyle d’albums uniquement disponible qu’en CD d’un des pionniers du genre. Quand il débuté sa carrière, la musique électronique en était à un balbutiement resté dans le très fermé cercle de la musique contemporaine et concrète. C’est avec le mouvement du rock progressif que certains sons vont alors émerger. Si Pink Floyd est reconnu comme le groupe précurseur du genre en ayant notamment provoqué quelques vocations, Tangerine Dream est cité par nombre de musiciens comme pionnier d’un genre qui n’aurait peut-être jamais vu le jour. Avec ce groupe un musicien hors norme ca émerger très vite et connaître une carrière unique en son genre. Car il s’agit comme vous l’aurez peut-être compris de Klaus Schulze, l’un des rares compositeurs à avoir maîtrisé le Big Moog, énorme synthétiseur modulaire. Si Klaus Schulze est surtout connu pour sa remarquable carrière solo, il a pourtant été membre de certains groupes légendaires du rock progressif allemand et a même créé son propre groupe conceptuel où il invite régulièrement des musiciens d’horizons divers. C’est d’ailleurs deux albums issus de ce concept qui se voient réédités ainsi en vinyle pour la toute première fois avec « Trance Appeal » et « Drums n’ Balls » deux disques datant des années quatre-vingt-dix. Avec les rééditions prochaines en vinyle des volumes « La vie électronique » (là aussi uniquement parus en CD) et l’arrivée en mai prochain de son tout nouvel album (nous y reviendrons quand il sera là) « Silhouettes » en CD, MAIS ÉGALEMENT en LP, Klaus Schulze continue son chemin, montrant ainsi que la musique électronique n’oublie pas l’un de ses compositeurs pionniers.
La musique électronique est omniprésente depuis de nombreuses années et a connu de maintes mutations ainsi que plusieurs évolutions, dues au progrès technologique, mais aussi, et surtout, grâce à l’imagination fertile des musiciens qui se sont engagés dans cette voie hors norme. Si pour le grand public le terme « musique électronique » se limite à la techno, le genre est beaucoup plus vaste qu’on ne l’imagine et tire son origine depuis bien plus longtemps qu’on ne le croit. Les balbutiements de la musique électronique trouvent son origine dès les années 1910, décennie qui voit la naissance d’un instrument révolutionnaire, le Theremin, inventé par le russe Lev Sergueïevitch Termen (connu sous le nom de Léon Theremin). Cet instrument composé de deux antennes contrôlant un oscillateur produit un son brut grâce aux mouvements des mains devant ces antennes. Pas facile à maîtriser cet appareil est néanmoins présent dans diverses prestations classiques et contemporaines et quelques musiciens se distinguent parmi lesquels on trouve la virtuose de cet instrument Lydia Kavina. Le français Jean-Michel Jarre l’utilise de temps en temps lors de ses concerts et le Britannique Tim Blake n’est pas en reste puisqu’il en joue également lors des concerts de Hawkwind. Cette voie ouverte par le Thérémin va être empruntée par d’autres ingénieurs, notamment Homer Dudley qui va créer en 1939 un système permettant de véhiculer la voix sur un signal électrique afin d’optimiser les communications téléphoniques. Par la suite ce dispositif est modifié pour devenir un instrument de musique à part entière : le Vocodeur. Mais l’invention qui va révolutionner les instruments de musique est sans nul doute le synthétiseur, qui se développe en parallèle aux orgues électroniques. Dès les années 50, on observe un nouveau courant musical, la musique concrète, basée sur l’agencement de sons par collage de bandes magnétiques avec par-dessus des oscillations aux sons étranges. En développant cette musique, divers appareils voient le jour. On découvre alors ce que sont les oscillateurs, les générateurs d’enveloppes, les filtres commandés par tension, ainsi que plusieurs types de modulateurs, de filtres, de phaseurs et d’effets divers et variés. Tous ses éléments connectés ensemble, vont créer et faire évoluer des sons étranges jamais entendus jusqu’à lors.
Dans les années 50 cette musique demeure très élitiste en restant dans le giron de la musique contemporaine avec des compositeurs comme Pierre Schaeffer, Olivier Messiaen ou Pierre Henry en France (pionniers du genre), Karheinz Stockausen et Thomas Kessler en Allemagne et bien d’autres. Elle se démocratise néanmoins dès 1956 avec la musique du film « Forbidden Planet » (Planète Interdite) composée par le couple américain Louis et Bébé Barron, ingénieurs et musiciens qui ont construit eux-mêmes leurs propres modules.
C’est dans les années 60 que les véritables premiers synthétiseurs apparaissent et l’on doit notamment cette émergence à Robert Moog, créateur des plus mythiques instruments électroniques. (mini Moog, Big Moog, Polymoog etc …)
Alors sortent de l’ombre quelques musiciens et on note surtout à cette époque Walter Carlos (qui par la suite deviendra Wendy Carlos) qui interprète la musique classique sur ses nouveaux instruments. Il se fait connaître du grand public en signant la musique du film de Stanley Kubrick « Clockwork Orange » (Orange Mécanique).
Cette période faste des années 60 est bouleversée par une révolution des mœurs qui se répercute sur la musique. Dès leurs débuts, les anglais de Pink Floyd ouvrent un chemin en mélangeant le rock avec la musique contemporaine et expérimentale avec leur album « A Saucerful of Secrets ». En continuant leurs expérimentations et notamment sur scène, ils vont susciter des vocations. Leur passage en 1967 au festival d’Essen, les jeunes allemands découvrent une nouvelle façon de faire de la musique. Parmi eux, Edgar Froese et Klaus Schulze ont alors une révélation. Leur vie bascule dès cet instant et va prendre un chemin qui demeure encore à ce jour une référence du genre et surtout une véritable légende. Si Klaus Schulze connaît une carrière solo qui fait encore école pour nombre de compositeurs évoluant dans le milieu de la musique électronique, Edgar Froese fait figure de pionnier tant son œuvre avec Tangerine Dream a ouvert de voies. Le groupe a non seulement créé un style musical, mais il l’a fait constamment muter non sans avoir fait évoluer les synthétiseurs eux-mêmes en partenariat avec certains constructeurs. Nous vous invitons à relire l’article consacré à ce groupe légendaire.
Né à Berlin en août 1947, Klaus Schulze pratique la guitare classique dès l’âge de quatre ans. Plus tard il joue du Skiffle (musique folklorique, d’influence jazz, country et blues. Il a pour particularité d’incorporer des instruments bricolés à partir d’accessoires domestiques) à la basse et intègre en 1963 son premier groupe de rock en tant que guitariste The Barons. Tout en faisant des études de Philologie (l’étude d’un langage à partir de documents écrits), il se consacre également à l’étude de composition de musique moderne à l’université de Berlin-Ouest où il se penche sur les œuvres de Ligeti Dahlhaus ou encore Winkel. Entre temps il se met à la batterie et se lance en 1967 avec le Psy Free dans une toute nouvelle direction en jouant du rock psychédélique et totalement expérimental où il officie à la batterie dans un style très libre. Mais son intérêt pour les expérimentations sonores et la musique contemporaine va l’amener à se plonger dans une nouvelle direction encore vierge. Avec des orgues et les tout premiers synthétiseurs, il enregistre une série qu’il intitule « Orgel Studien » (études à l’orgue) où il défriche alors un genre musical entre musique concrète et rock psychédélique. En 1968 il est contacté par un jeune musicien qu’il a entrevu lors du festival d’Essen où Pink Floyd se produisait, Edgar Froese. Celui-ci était assez mécontent des résultats obtenus avec son groupe expérimental Tangerine Dream. Lors d’une conversation autour d’une pizza les deux hommes finissent par s’entendre et Klaus Schulze intègre Tangerine Dream en tant que batteur, aux côté de Steve Joliffe, flutiste surprenant, Conrad Schnitzler, contrebassiste et expérimentateur de génie et bien évidemment le leader Edgar Froese. Plusieurs concerts s’enchaînent notamment en première partie de Jimi Hendrix au Palais des Sports de Berlin-Ouest. Parallèlement ils enregistrent plusieurs bandes qu’Edgar réserve pour s’en servir de démo pour une éventuelle maison de disques. Il signe alors chez Ohr, tout nouveau label berlinois fondé par Rolf Ulrich Kaiser. Lors du festival d’Essen de 1969, Klaus remplace au pied levé le batteur d’Amon Duul II et en profite pour montrer à Edgar Froese que lui aussi est un chercheur de sons et un expérimentateur. Le leader de Tangerine Dream lui reprocha lors d’utiliser des bandes magnétiques aux sons étranges et lui rappelle qu’il est batteur et que si des expérimentations doivent être faites, c’est à lui de les effectuer. Mais ce désaccord va se creuser quand le premier LP de Tangerine Dream sort « Electronic Meditation ». Edgar est furieux et reproche aux autres membres d’avoir fourni à Kaiser les bandes qui ne devaient servir que de démo.
Klaus quitte Tangerine Dream après avoir rencontré un certain Manuel Goettsching. Ce dernier qui fréquente régulièrement les studios de Thomas Kessler offciait comme guitariste dans le groupe Steeple Chase Blues Band avec entre autres Harmut Enke. Klaus convainc les deux hommes de créer un tout nouveau groupe, dont la vocation, et d’explorer une sorte de Space Rock qui donnera la part belle aux recherches sonores et autres bizarreries. Ash Ra Tempel commence en 1970 avec un album remarquable qui mélange rock expérimental sur la première face et musique contemporaine électronique sur la seconde. Mais Klaus est un peu frustré, car il est toujours cantonné à la batterie malgré une certaine liberté dans les sons électroniques qu’il apporte néanmoins. Il travaille alors seul sur un projet qu’il a en tête depuis les « Orgel Studien ». Il enregistre un orchestre sur lequel il rajoute ses parties d’orgues et de batteries. Sort alors en 1972 son premier album solo « Irrlicht » (feu follet). L’album annonce un renouveau dans la musique électronique expérimentale aux côtés des albums de Tangerine Dream qui commence eux aussi à installer un style très particulier. C’est à cette époque que le patron du label Ohr, Rolf Urlich Kaiser lance une série d’albums réunissant pratiquement tous les musiciens de son écurie pour les albums estampillés « Kosmische Kourriers ». Si Edgar Froese a la bonne idée de ne pas impliquer son groupe, il n’en est pas de même pour les autres. Ainsi Klaus Schulze se voit embarqué avec Ash Ra Tempel comme également Wallenstein et bien d’autres dans un projet totalement inégal et quelque peu chaotique. Plusieurs albums sortent et servent alors pour promouvoir ce que Kaiser appelle la Kosmische Musik, ce que les musiciens dénient alors. Seul le double album concept « Tarot » sort du lot. Après un deuxième album avec Ash Ra Tempel « Join Inn », Klaus Schulze s’affranchit et vole maintenant de ses propres ailes. Avec la sortie de Cyborg en 1973 essentiellement composé autour du synthé EMS Synthi A, il confirme son statut de pionnier de la musique électronique au même titre que ses collègues de Tangerine Dream. D’ailleurs, Edgar fait appel à lui afin d’assurer des concerts du groupe. En effet, Peter Baumann ayant fugué pour passer des vacances fortuites à Katmandu, il faut un troisième membre qui maîtrise les synthétiseurs pour le remplacer le temps que le fugueur ne revienne. Pendant ces concerts, Klaus découvre alors que Chris Franke est curieusement équipé avec une énorme armoire bardée de boutons et de câbles en tous genres. C’est alors la révélation. Klaus Schulze se promet d’avoir lui aussi ce synthétiseur aux possibilités immenses le « Big Moog ». Avec « Picture Music », Klaus Schulze entame une véritable carrière solo autonome. Arrivé en fin de contrat avec Ohr, il quitte ce label sans regret, mais constate que ces années passées lui ont été plutôt défavorables. Où sont passés les droits de ses musiques ? Il attente un procès Et conseille à Edgar Froese de faire de même. Ce dernier ayant depuis peu rejoint le tout jeune label Virgin conseille à Klaus de signer. Le premier album qui y est produit est « Blackdance » où Klaus démontre sa maîtrise grandissante des synthétiseurs et autres séquenceurs.
Il continue alors son chemin enchaînant albums et concerts. Ses disques sont primés par l’Académie Charles Cros, par exemple « Timewind » (l’air du temps), qui a la particularité d’avoir été enregistré d’une traite en une seule nuit sur un magnéto quatre pistes dont étaient défectueuses. C’est à ce moment qu’il croise Florian Fricke, leader de Popol Vuh. Ce dernier possède un Big Moog qu’il avait directement acheté au concepteur en personne Robert Moog. Mais la complexité de l’appareil et la récente direction plus acoustique de Popol Vuh conduisent Florian Fricke à revendre le monstre électronique. Klaus Schulze maintenant heureux possesseur du Graal des synthés modulaires se lance dans une exploration sonore hors norme privilégiant les sons les plus évolutifs et les séquences kilométriques syncopées.
C’est « Moondawn » qui inaugure ce nouvel univers sonore. Parallèlement il croise le chemin de Michael Hoenig qui vient tout juste de terminer le remplacement au pied levé de Peter Baumann qui s’était mis en tête de fuguer une deuxième fois Tangerine Dream. Klaus et Michael crée alors le duo « Timewind » et font quelques concerts. Seulement le côté calculateur de Michael Hoenig qui préfère que les morceaux soient préparés et répétés est totalement incompatible avec le style de Klaus Schulze qui met plus l’improvisation en avant. L’aventure s’arrête avant d’avoir réellement pu commencer. Mais une autre rencontre va permettre à Klaus Schulze de tenter un autre genre de travail : producteur. Il assiste à un concert d’un groupe de rock progressif japonais Far East Family Band mené par Fumio Miyashita et où se distinguent deux prodiges, Masnaori Takahashi aux claviers et Stomu Yamash’ta aux percussions diverses. Ce dernier étant très envahissant finit par prendre un peu les rênes du groupe et voit grâce à Klaus Schulze l’opportunité de conquérir l’Europe. Ils enregistrent deux albums que Klaus produit « Nipponjin » et « Parallel World ». Pendant les sessions, Masanori Takahashi est fasciné par tous ces synthétiseurs que le maître allemand a à sa disposition. Klaus lui fait alors une démonstration des possibilités énormes de ses machines ce qui va considérablement changer la vie de Masanori Takahashi qui va débuter une carrière solo mémorable en utilisant le surnom que tous ses amis lui donnent Kitaro. Mais ce travail avec Far east Family Band va déboucher sur quelque chose de plutôt ambitieux. Stomu Yamash’ta comprenant que sa présence envahissante dans le groupe japonais devient malvenue s’en va reprendre une carrière solo déjà bien remplie. Mais les rencontres qu’il a faites tout au long de ses périples européens vont l’amener à créer un concept dont il sera seul maître d’œuvre flattant ainsi son égo grandissant. Il met donc sur pied Stomu Yamash’ta’s GO. Il y invite alors les musiciens déjà bien connus qu’il a rencontrés, Steve Winwood, Al Di Meola, Michael Shrieve et Klaus Schulze. Après un album et une série de concerts, le constat est clair. Les horizons musicaux totalement différents des artistes impliqués ont du mal à cohabiter. Le concert mémorable de Paris est surtout un succès dû à l’ouverture improvisée de 30 minutes de Klaus Schulze seul avant que les autres musiciens ne le rejoignent. Si cette expérience (qui conduite à un deuxième album « Go Too) est un échec relatif, il donne néanmoins l’idée à Klaus Schulze de créer un concept similaire, mais avec la particularité de s’architecturer autour de sa musique laissant la part d’improvisation des invités s’exprimer librement.
C’est surtout sa rencontre avec le batteur et percussionniste Michael Schrieve qui va déclencher cette idée qui commence vraiment à grandir. Mais il doit d’abord assurer l’enregistrement de plusieurs albums et enchaîner des concerts. En enregistrant Dune, il invite Arthur Brown pour des parties vocales sur la deuxième face du disque. Dès lors, Klaus Schulze met sur pied son projet collaboratif. Il invite Arthur Brown ainsi que Michael Shrieve (ex-batteur de Carlos Santana pendant des années) et enregistre avec eux des sessions autour de séquences typiques de son cru. Il prend alors le nom de Richard Wahnfried, en hommage à Richard Wagner qui donna le nom de Wahnfried à sa villa à Beyreuth. Le premier album « Time Actor » est bien accueilli par le public, mais surtout par les fans de Schulze. Cette bonne expérience va inciter Klaus à continuer de temps en temps dans cette voie. C’est également à ce moment qu’il crée le label Innovative Communication qui a la vocation d’éditer des albums de musique électronique de musiciens alors en quête de label. Klaus Schulze va de ce fait lancé la carrière de nombre de musiciens et de groupes tout en continuant à sortie ses propres albums et à composer pour le cinéma par exemple « Barracuda le projet Lucifer », petit film horrifique surfant sur le succès des « Dents de la mer » et de « Piranha ». Quand il produit le premier album de rainer Bloss, Klaus Schulze voit en ce musicien quelqu’un de particulièrement doué. Ensemble il font un bout de chemin avec la sortie de l’album « Audentity », mais surtout avec la tournée triomphale en Pologne en 1983, peu de temps avant que Tangerine Dream ne fasse leur mémorable concert de Varsovie. Parallèlement Klaus retrouve Michael Schrieve qui lui présente alors un célèbre guitar hero américain avec qui il travaille depuis des années. Cette rencontre historique va déboucher sur l’enregistrement de ce qui devient la première face de « Tonwelle », deuxième album de Richard Wahnfried avec Klaus Schulze évidemment, Michael Schrieve et le guitar hero en question qui ne peut utiliser son nom pour cause de contrat. Il prend alors le nom de Karl Wahnfried, réduisant ainsi son prénom réel (Carlos Santana).
Les années quatre-vingt se déroulent de manière assez faste et Klaus Schulze sort de nombreux albums solos ainsi que des opus de Richard Wahnfried tout en continuant à produire des artistes d’horizons divers même s’il a revendu Innovative Communication pour fonder l’éphémère label Inteam. Il collabore avec rainer Bloss au projet d’album du peintre surréaliste autrichien Ernst Fuchs. Quand l’album « Aphrica » sort, le peintre affirem alors à la télévision allemande qu’il a tout fait sur ce disque y compris la composition des morceaux. Cette déclaration va conduire à la destruction du disque et peu d’exemplaires subsistent encore aujourd’hui. Cette mésaventure n’arrête pas Klaus Schulze dans ses projets collaboratifs et produit l’album « Breathtaking Blue » du groupe Alphaville. Il invite ses amis Rainer Bloss, Michael Shreive et Manuel Goettschning pour y apparaître et se permet même de faire sonner ses synthés sur les quelques minutes finales d’un morceau. Dans le milieu des années quatre-vingt, les synthétiseurs subissent une mutation avec l’arrivée des sons numériques et des échantillonneurs. Klaus Schulze suit le pas et sort « En=Trance », véritable album de démonstration des synthés Roland D50, D10 et de l’échantillonneur S50. Sa musique va changer avec des sons plus naturels tout en conservant les ondes électroniques qui ont fait son succès. Plus les albums s’enchaînent et plus les samples de voix, d’orchestres et d’opéra s’empilent. Il faut attendre le milieu des années 90 et sa rencontre avec Pete Namlook pour que Klaus Schulze retrouve un peu ce qui a fait sa légende. Avec Namlook il se lance dans une série de collaboration fructueuse qui s’étale sur 11 albums « The Dark Side of the Moog ».
Revenant ainsi aux sons plus bruts et analogiques, Klaus Schulze revient aux bases tout en modernisant les séquences et les rythmes. La techno étant passée par là entre temps, Klaus insuffle parfois des séquences similaires dans ses nouvelles compositions. C’est surtout avec les nouveaux albums de Wahnfried que ses sons vont s’exprimer avec « Trancelations » surtout où il invite le chanteur d’Alphaville Marion Gold dans ce projet. Mais avec toutes ces années de productions musicales, Klaus Schulze fait le point et décide de sortir des archives en une série limitée de box de 10 CDs avec « Silver Edition » tout d’abord, puis « Historic Edition » ensuite, mais surtout avec le set de 25 Cds « Jubilee Edition ». Avec ces nombreux CDs, on replonge dans le passé parfois lointain de Klaus Schulze qui nous offre alors des sessions inédites et des Lives restés dans les cartons. Il continue de composer et sort plusieurs albums et notamment un box « Contemporary Works », plutôt axé sur des musiques de ballet et autres recherches contemporaines. Dans les années 2000, sa forme et vacillante et il se retrouve par deux fois en très mauvaise santé. Il faut attendre la fin des années 2000 pour retrouver un nouvel album de Klaus Schulze « Monnlake » qui sonne son retour en annonçant notamment le début d’une collaboration que beaucoup auraient cru improbable. Avec Lisa Gerrard, l’inoubliable voix de Dead Can Dance, Klaus Schulze produit un album où ses séquences légendaires soutiennent la voix remarquable de la chanteuse. Plusieurs concerts du duo s’enchainent et certains finissent même par sortir en CD et DVD. Ces dernières années sont par contre plutôt calmes pour Klaus Schulze dont la santé lui joue parfois des tours. Mais le label SPV avec le soutien du manager Klaus Dieter Mueller entame une campagne de réédition de tous les albums de Klaus Schulze en y rajoutant des inédits d’époque afin de remplir les 80 minutes que permet le format CD. Cette campagne est tout de suite suivie par « La vie électronique » qui voit la réédition des trois box « Silver, Historic et Jubilee Edition », mais dans l’ordre chronologique des morceaux cette fois. Le format Vinyle revenant en force certains albums sont alors réédités. Mais le plus intéressant est l’édition de sans format analogique de disque qui n’étaient alors disponible quand CD.
C’est le cas de deux albums de Wahnfried des années 90 « Trance Appeal » et « Drums And Balls ». Avec le premier, Klaus Schulze s’adjoint Jörg Schaff. Tous deux offrent une musique sonnante expérimentale avec des sons apparaissant de manière incongrue, mais bienvenue tout en enchaînant des séquences qu’eux seuls maîtrisent à la perfection. Parfois quelques samples d’orchestres et de voix s’invitent comme pour ponctuer certains passages ou pour faire des transitions à la volée entre les divers mouvements. Avec « Drums n’ Balls », Klaus est secondé par Venus Dupont. Ici les séquences sont plus actuelles voire une peu trance et la voix qui apparaît est alors bien mise en valeur par les séquences et les solis incomparables du maître allemand des synthés.
Universal Music mise sur ces deux albums pour une édition en double vinyle. N’ayant jamais été pressés dans ce format, on découvre ces opus avec un son analogique plus clair par moment essentiellement dû à un tout nouveau master spécialement exécuté pour l’occasion. Ces disques sont à redécouvrir d’urgence tant le son plus fin dans les aigus est plus prenant. « Trance Appeal » et « Drums n’ Balls » ne sont pas les seuls albums à avoir droit s à une réédition en vinyle, car le label One Way Static commence de son côté l’édition dans ce format de la série « La vie électronique » dont le premier volume sort ce mois-ci. Si on rajoute le tout nouvel album solo de Klaus Schulze en mai prochain (en CD comme en Vinyle), on est rassuré quant à la productivité certes plus espacée de Klaus Schulze.
La musique de Klaus Schulze est très reconnaissable ne serait-ce de par la longueur des morceaux. Le musicien installe un climat qui évolue pour aller crescendo avec l’apparition de séquence puis de solis au style propre pour s’envoler avant d’atterrir pour se conclure sur de longues plages aériennes. En fait un schéma qui n’est pas très adapté à la musique de film. Et pourtant Klaus Schulze a signé plusieurs B.O. avec « Barracuda, le projet Lucifer », « Montclare, le rendez-vous de l’horreur », « Havlandet », mais surtout « Schizophrenia ». C’est d’ailleurs cette B.O., sortie à l’époque en vinyle « Angst » qui va titiller les oreilles de Michael Mann. Le réalisateur qui a déjà collaboré avec Tangerine Dream pour ses films « le Solitaire » et surtout « la forteresse noire » va demander à Klaus Schulze d’utiliser l’ouverture de l’album, le glaçant morceau « Freeze » pour pister une scène de son tout nouveau film « le sixième sens ». « Freeze » apparaît lors de la scène où le héros Will Graham, interprété par le futur expert William Petersen, rend visite à Hannibal Lecter alors emprisonné.
Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.
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