ZOMBI 3 ORIGINAL SOUNDTRACK : STEFANO MAINETTI (WRWFWW Records)
C’est avec une musique plutôt rythmée que s’ouvre « Zombi 3 », Film d’horreur italien de 1988 de Lucio Fulci et mettant en scène une multitude de morts vivants quelque peu bancals et surtout sur-vitaminés. On va vous parler d’un score resté jusqu’à lors inédit en vinyle et qui vient tout juste de voir cette injustice corrigée depuis quelques jours. Si la musique de « Zombi 2 » (toujours de Fulci) était signée par Fabio Frizzi en 1979 en surfant sur le modèle du soundtrack de Goblin pour le « Zombie » de George Romero, celle de « Zombi 3 » est confiée à Stefano Mainetti avec un cahier des charges similaire, mais qui ne sera finalement pas très suivi. La musique de film est une suite de morceaux instrumentaux spécialement composée pour coller à l’image mettant en valeur les scènes qui défilent. Toute production cinématographique et télévisuelle demande une ambiance sonore et la musique a donc une importance capitale. C’est tout aussi valable pour les films d’horreur qui demandent une ambiance particulière afin de maintenir le spectateur dans un état d’angoisse et parfois pour certains films … de révulsion. En effet, un film de ce genre ne peut pas se retrouver avec une musique légère sauf dans les rares scènes qui le permettent. Les passages brutaux ou angoissants doivent être accompagnés d’une musique soudaine, brutale ou angoissante.
C’est avec « Psychose » et avec ces fameuses notes courtes de violon répétées en cadences que ce genre musical va se créer et va faire école. Ce même type de thème est présent dans « Amityville », mais également dans « l’Emprise » où une brutale guitare saturée remplace le son plus clair de violon pour le même genre de note répétée lors de la scène où l’invisible fantôme s’attaque à l’héroïne. Ce sont également de longs étirements d’ensemble à corde qui mettent en place les ambiances plus atmosphériques et angoissantes afin de faire monter la tension, qui vont contribuer à créer un style musical bien à part. Rajouter à cela, des ondulations stridentes et modulées et vous obtenez un univers sonore dont les codes vont devenir la base de toute bonne musique de film d’angoisse et d’horreur. Mais dans les années 70, un changement s’opère dans la musique de film. Ce qui restait quelque peu élitiste dans les 50’s, devient plus présent dans les 70’s. L’apparition des synthétiseurs va permettre à certains musiciens d’émerger de l’ombre.
Initié par le couple Louis et Bebe Barron, la musique électronique entre dans le panthéon de la B.O. en 1956 avec le score très « musique concrète » de « Forbidden Planet » (Planète Interdite). Dès lors le public découvre une nouvelle forme musicale avec des sons jusqu’à lors totalement inconnus. Plus tard dans les 70’s c’est Gil Mellé qui récidive avec « Andromeda Strain » (le mystère Andromède) en livrant, ici aussi, une musique concrète teintée d’influences jazzy alors que de son côté Walter Carlos (devenu entre-temps Wendy Carlos) choisit la voie plus classique avec « Clockwork Orange » (Orange mécanique). Si la musique électronique de film restait alors trop intellectualisée, elle s’ouvre au grand public grâce notamment à un certain John Carpenter avec tout d’abord « Assault on Precinct 13 » (assaut), mais surtout avec un thème qui fait frémir à l’époque « Halloween ». Mais c’est surtout avec l’italo-allemand Giorgio Moroder que l’intérêt du grand public pour la musique synthétique de film va prendre une ampleur considérable. Des premières mesures des séquences de « Chase » issu de la B.O. de « Midnight Express » on peut comprendre l’engouement du public d’époque. L’arrivée de Tangerine Dream dans ce milieu avec « Sorcerer » (le convoi de la peur) va encore plus émuler le genre d’autant plus que le groupe allemand avait déjà signé quelques autres B.O. pour des films expérimentaux comme « Vampira » par exemple.
Dès lors les productions cinématographiques vont commencer à miser sur une musique qui finalement revient moins chère à enregistrer puisqu’on s’affranchit d’un orchestre. Alors on découvre de nouveaux compositeurs comme Howard Shore (Videodrome), Ryuichi Sakamoto (Furyo), Vangelis (Les Chariots de Feu, Blade Runner), Goblin (Suspiria, Phenomena, Zombi), Fabio Frizzi (L’au-delà, Frayeurs), Claudio Simonetti (Demons, Conquest, Atomic Cyborg), Harold Faltermeyer (Tango & Cash, Running Man, Flic de Beverly Hills 1 et 2 – je vous en avais parlé) et de nombreux autres encore.
Quand en 1978, George Romero décide de réaliser une suite à son cultissime « La nuit des Morts Vivants », dix ans se sont écoulés, et le cinéma a bien évolué. Le genre fantastique et horreur est un peu plus brut qu’à l’époque de son premier film de zombies datant de 1968. Depuis des productions de genre ont un peu fait évoluer le style d’images, montrant un peu plus quelques effets horrifiques. Et l’ambiance gothique des studios Hammer installe une atmosphère qui fait encore école par moments. Mais avec « Dawn of the Dead », Romero veut aller plus loin en montrant délibérément des plans brutalement gores et viscéralement violents. Les talents de prestidigitateur de Tom Savini vont contribuer à faire de « Dawn of the Dead » un film culte, car étant l’un des premiers à ne pas faire visuellement dans la dentelle. Mais pour la musique, le réalisateur a tendance à n’utiliser que des morceaux disponibles dans des bandes et des disques d’illustrations musicales ce qui lui permet de pister son film à moindres frais. Seulement le résultat n’est pas toujours très heureux. C’est le producteur de la version internationale Dario Argento qui va lui imposer Le groupe italien Goblin pour assurer le score du film rebaptisé alors tout simplement « Zombie », mot court qui s’avère bien efficace. La musique de « Zombie » pose les bases qui vont être suivies par la suite pour tous les films du même genre, surtout en Italie. Un an après la sortie de Romero, le producteur italien Ugo Tucci lance le projet « Zombi 2 », présenté alors comme la suite. Dirigé par Lucio Fulci, le film se voit bénéficier de la musique de Fabio Frizzi qui signe alors des morceaux très proches de ceux de Goblin comme l’exige son cahier des charges. Connu en France sous le titre « L’enfer des zombies », le film est un petit chef-d’œuvre de série B aux effets gores très réussis (l’énucléation par une grosse écharde de porte par exemple). Il faut attendre neuf ans pour que Franco Gaudenzi lance la production de « Zombi 3 » en faisant appel au même réalisateur Lucio Fulci. Par contre la musique est alors confiée à un autre compositeur italien qui commence à se tailler une bonne réputation Stefano Mainetti.
Né en 1957 à Rome, Stefano Mainetti obtient l’équivalent du BAC dans la section musique et sort major de promo avec un Master de musique dans la spécialité « musique de film ». Il commence sa carrière en signant des musiques additionnelles pour le cinéma, mais aussi pour le théâtre et la télévision. Son premier travail en tant que compositeur est la B.O. de « Voglia di guardare » film érotique de Joe D’Amato. Puis il signe plusieurs autres musiques, notamment pour Bruno Mattei comme « Strike Commando 2 » (Section d’assaut 2) l’un des multiples nanars italiens des années 80 surfant sur le succès de Rambo. De nombreuses autres B.O. suivent et notamment pour des productions américaines avec « The Shooter », mais surtout avec « Silent Trigger » (tireur en péril avec Dolph Ludgren) et « Tale of the Mummy » (La Malédiction de la momie) pour lesquels il obtient le prix de la musique de film au Fantafestival. Dans années 2000, il compose la musique de « The World of Promise » série radiophonique sur la Bible qui se voit éditée en … 70 CDs et avec les voix de Jim Caviezel (Persons of Interest), mais surtout des stars internationales comme Richard Dreyfuss, Michael York, Jon Voight, Max von Sydow, Malcolm McDowell, Stacy Keach, Terence Stamp, Louis Gossett, Jr et près de 600 autres acteurs. Peu après il est nominé aux Classic Brit Awards pour l’album « Alma Mater » où il dirige le Royal Philarmonic Orchestra. En 2017 Stefano Mainetti est l’auteur de « Rendering Revolution », un projet qui réunit plusieurs formes d’art autour d’une composition musicale et présenté au MAXXI, musée national d’art à Rome. Ce projet est alors primé par le conservatoire de Santa Cecilia pour son exceptionnelle symbiose entre l’art et la science.
Je ne vais pas vous parler des films, mais on peut toutefois avouer qu’il est loin d’égaler le précédent opus « Zombi 2 » et encore plus loin du chef d’œuvre de Romero. Bien qu’il soit crédité « réalisée par Lucio Fulci », ce dernier n’a tourné qu’une partie du film, mais lâche l’affaire à cause de sévères dissensions avec la production. Mais son départ ne se fait pas sans conséquence. Nombre de techniciens des effets spéciaux le suivent et le film se retrouve alors avec un effectif réduit. Tourné aux Philippines, le producteur Franco Gaudenzi demande à Bruno Mattei, qui vient d’achever le tournage de « Strike Commando 2 » dans ce même pays, de reprendre le projet. De nombreuses directions vont changer et le résultat final est loin d’être digne d’un vrai film de zombies (la tête zombifiée dans le frigo qui saute à la gorge de quelqu’un … faudra qu’on nous explique comment elle peut se mouvoir et donc … bondir de la sorte).
Si dans le film de Romero la musique est un équilibre entre les bandes anciennes d’illustration sonore et de rock progressif grâce à Goblin, celle du second est entièrement commandée par la production. Fabio Frizzi signe pour « Zombi 2 » une suite électronique qui est très proche du style installé par le groupe mené par le Synthétiste Claudio Simonetti. Quand le troisième film est mis en chantier, c’est à Stefano Mainetti que l’on confie la partition à écrire. Avec au départ un cahier des charges précis, le compositeur va néanmoins s’en éloigner en ce qui concerne le thème principal. Conservant pourtant le rythme lent de basse qui est supposé illustrer la marche nonchalante des morts vivants, Mainetti va installer ses propres notes et sa propre approche musicale.
Il faut toutefois noter que comme on est alors en 1988, les synthétiseurs ont grandement changé. Exit les sons chauds analogiques qui ont fait l’ambiance glauque de certains passages dans les premiers films. Ici le son plus froid et parfois kitsch des synthétiseurs numériques a tendance à faire un peu bon marché sur certains morceaux, notamment quand ils sont animés par une boite à rythmes programmée de manière assez basique. Heureusement Stefano Mainetti a dû surement écouter John Carpenter, car certains passages calme et angoissant ont tendance à être quelque peu inspiré du compositeur d’Halloween. En effet, on peut reconnaître l’influence de la musique du « Prince des Ténèbres » sorti un an auparavant dans la B.O. de « Zombi 3 » sur quelques morceaux ambiants. Malgré cette sonorité numérique, la B.O. de « Zombi 3 » est une pièce unique que beaucoup attendait en vinyle depuis trente ans. Car quand le film est sorti en 1988, la musique n’a, quant à elle, pu voir le jour qu’en CD. À cette époque, les labels commençaient à ne miser que sur ce format et notamment pour les musiques de film qui n’étaient pas très lucratives comparées aux variétés et aux divers mouvements musico-commerciaux.
Heureusement, depuis maintenant une quinzaine d’années, des petits labels ont fait leur apparition en se démarquant des grosses majors. Ce sont des éditeurs comme Intrada, Death Waltz Records, La La Land Records, Waxwork Records, Mondo, qui font revivre le marché de la B.O. aux côtés des valeurs sures comme Milan, Varèse Sarabande ou encore Silva Screen. on voit surgir des B.O. complètes voire inédites comme « Planet of the Apes » de Jerry Goldsmith, « Conan the Barbarian » de Basil Poledouris, ou encore l’intégrale de « Battlestar Galactica » et de « Buck Rogers in the 25th Century » de Stu Philips. On nous régale avec la réédition en vinyle de plusieurs John Carpenter comme l’intégrale de « Escape From New York » ou encore « The Fog ». On trouve également de nombreuses B.O. de films italiens de séries Z, ce qui est plutôt surprenant comme choix, mais on s’en plaindra pas.
Pour la B.O. de « Zombi 3 », c’est le label obscur WRWTFWW qui nous livre l’édition en vinyle. Si ce nom est assez imprononçable, il s’agit d’un sigle qui veut dire « We release whatever the fuck we want » (on édite tout ce que l’on veut, putain !). Avec un nom comme celui-là, on peut s’attendre à de l’inattendu. Sous label de l’éditeur suisse Mental groove Records, WRWTFWW nous livre depuis 2013 quelques pépites, parfois inédites en vinyle, comme « La France Interdite » d’André Geroget ou encore « Dark Star » de John Carpenter ou plus récemment « Ghost in the Shell » de Kenji Kawai sans oublier les inédits de musique concrète de Bernard Parmeggiani. C’est donc il y a quelques semaines que le label nous livre pour la première fois en vinyle la musique de « Zombi 3 » de Stefano Mainetti décliné en plusieurs couleurs dont la verte arbore un OBI en japonais avec même un logo VHS.
Avec « Zombi 3 » la production avait voulu relancer un peu le genre de film de morts vivants qui commençait à décroitre. Aux débuts des années 80 Lucio Fulci qui était à l’origine prévu pour tourner le film avait d’abord signé le précédent volet « Zombi 2 », mais surtout plusieurs pépites horrifiques comme « Frayeurs », « La maison près du cimetière », « »L’éventreur de New York » ou encore « L’au-delà » ou « Aenigma ». En parallèle il réalise quelques autres séries B voire Z comme notamment « Conquest » qui surfe sur le succès de « Conan », mais il s’essaie aussi à la SF futuriste avec « 2072, les mercenaires du futur ». Avec ce film il met un pied avec aux USA avec une coproduction outre-Atlantique. Ainsi quelques acteurs américains en perte de vitesse dans leur carrière viennent s’amuser dans ce nanar sympa aux rythmes d’une musique électronique de Riz Ortolani. Si l’on retrouve Jared Martin, star de l’éphémère série de SF « Le voyage extraordinaire » (fantastic Journey) et que l’on peut voir dans Dallas, on a l’agréable surprise de voir un certain Fred Williamson, ex grande star des films de Blaxploitation révélés dans le film de Robert Altman « M.A.S.H. » et qui se consacre surtout à une carrière dans des séries B. On le retrouve par exemple dans « Opération Hong Kong », « Les Guerriers du Bronx », « Les Nouveaux Barbares » ou encore « Black Cobra 1 & 2 »
Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.
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