STRANGER THINGS ORIGINAL SOUNDTRACK : KYLE DIXON & MICHAEL STEIN (Lakeshore Records)
Cette semaine je vais de nouveau vous parler de musique.
Encore une fois je ne vous parlerai pas de rock, d’electro et encore moins de chanson populaire ou commerciale. Non une fois encore je vais de nouveau vous parler de B.O. … entendez par là « Bande Originale », et plus précisément donc de celle de « Stranger Things ».
Alors j’attire une nouvelle fois votre attention sur ce que c’est que la bande originale … LA VRAIE !!!
On constate depuis le début des années 90, que pour beaucoup de gens et surtout le grand public, la B.O. est une compilation de chansons dont certaines apparaissent à peine quelques secondes dans un film ou alors sont utilisées comme générique de fin. Parfois même elles n’apparaissent nullement et font partie de la compilation en question simplement pour remplir un CD et vendre … et c’est tout.
Ce regrettable phénomène provoqué par les grosses majors et les grands distributeurs qui suivent comme des moutons (FNAC en tête) a pour effet de torpiller le marché de la B.O. et seuls les connaisseurs continuent à suivre ce courant musical unique.
Ce matraquage commercial a pour effet de tuer à petit feu le véritable marché de la B.O. dont de nombreuses pépites ne demandent qu’à émerger.
Alors, je rappelle que … la B.O., la VRAIE est une suite de morceaux instrumentaux spécialement composée pour coller à l’image soutenant ainsi l’émotion, l’action ou la contemplation.
Il y a de nombreux compositeurs qui se sont taillé une réputation et construit une carrière dans ce genre musical.
Je vous avais cité Jerry Goldsmith, James Horner, Hans Zimmer, Michel Legrand, Vladimir Cosma, Alexandre Desplat ou encore Ennio Morricone, John Williams (et j’en passe …)
Toute production cinématographique et télévisuelle demande une ambiance sonore et la musique a une importance capitale.
C’est d’ailleurs le cas des séries télé.
En effet, une série télé est, au même titre qu’un film, une réalisation à part entière qui demande là aussi une ambiance sonore et une musique originale spécialement composée.
Alors dans les années 70 et 80 certaines séries ont, en France, été affublées de Chansons originales françaises en lieu et place du générique instrumental original.
Ces chansons sont pour certaines restées dans la mémoire collective et pour beaucoup de gens le générique de « Starsky et Hutch » fait partie de ce qu’il entonne en premier.
S’il y a des éditions de bandes originales de films, il n’y a pas de raison de ne pas faire de même pour les séries.
En effet, si l’on cherche bien, on peut trouver de nombreuses éditions CD de séries télé et surtout des séries américaines.
Depuis quelques années le label Intrada nous gratifie d’éditions impressionnantes de diverses séries anciennes comme récentes.
Si l’on peut trouver par exemple la musique de la nouvelle version de « Battlestar Galactica » par Bear Mccreary, on trouve également l’intégrale des musiques de la série d’origine de 1978 de Stu Philips en quatre volumes de double CD.
La La Land records emboite le pas avec notamment la réédition il y a quelque temps de l’intégralité du score d’Harold Faltermeyer pour les deux premiers « Flic de Beverly Hills », mais également de quatre coffrets luxueux de 4 CD chacun sur la B.O. de X-Files.
Et, très très récemment, un autre coffret du même genre a été édité pour la musique des « Mystères de l’Ouest » et de « Star Trek » (la série des 60’s)
Mais l’édition de B.O. de séries récentes est assujettie au succès de cette même série.
Quand « Stranger Things » arrive sur Netflix l’année dernière, le public est sous le charme de cette production et notamment de la musique. Il n’en fallut pas moins alors pour décider de l’éditer dans la foulée tout d’abord sur les plateformes de téléchargement puis en CD, mais aussi (et surtout) en vinyle.
Je ne vais pas vous parler de la série, car ce n’est pas le sujet, mais on peut néanmoins mettre en évidence l’atmosphère très 80’s qu’elle dégage … et pour cause.
L’action se situe en 1983, et les références n’y manquent pas. On peut y voir des clins d’œil à des films tels que « Alien », « E.T. », « Commando », et surtout « Goonies » entre autres. On y voit des références évidentes à « Evil Dead » avec le poster dans la chambre d’un des enfants, ou encore à « The Thing » puisqu’un extrait de ce film de John Carpenter est montré.
Mais les références ne s’arrêtent pas à la décennie où se déroule l’intrigue ni aux clins d’œil visuels qui foisonnent … non. La musique est aussi de la partie. Et si la musique d’ambiance électronique est très inspirée des productions d’époque comme celle de Tangerine Dream ou de John Carpenter, on peut entendre des chansons qui ont marqué ces belles années.
Ainsi il n’est pas étonnant d’entendre « Africa » de Toto, « Waiting for a Girl » de Foreigner, « Atmosphère » de Joy Division, mais aussi et surtout « Should i stay or should i go » de Clash.
Quand la série « Stranger Things » a été mise en chantier, il parut évident que les références aux années 80 devaient être solides jusqu’à la musique d’ambiance … la bande originale.
A cette époque beaucoup de films et de séries avaient comme musique des instrumentaux essentiellement issue de groupes ou de compositeurs qui travaillaient avec des synthétiseurs.
Souvenez-vous de « K2000 ». La plupart des musiques composées par Stu Philips sonnent électronique. Sylvester Levay a fait de la B.O. de « Supercopter » quelque chose d’emblématique. Et que dire du travail de Tangerine Dream sur « Tonnerre Mécanique » où les séquences hyper nerveuses et cycliques soutenaient l’action de manière effrénée.
Les films cinéma ont aussi connu cette période synthétique avec par exemple « Le convoi de la peur » de William Friedkin dont la musique et composée par Tangerine Dream. Ce travail va d’ailleurs permettre au groupe allemand de signer de nombreuses B.O. dans les 80’s avec « Le Soldat », « Risky Business » (le premier film avec Tom Cruise), « Firestarter » (d’après Stephen King et avec une très jeune Drew Barrymore) et bien d’autres dont l’incroyable « Forteresse Noire » de Michael Mann.
De son côté John Carpenter prend le pari de signer ses propres B.O. avec là aussi une maitrise des synthétiseurs au service d’une musique minimaliste qui colle avec les scènes souvent angoissantes de ses films. Si l’on se souvient de « Fog », du « Prince des ténèbres » ou encore de « New York 1997 » sa plus marquante de ses compositions demeurera à jamais le thème d’ « Halloween ».
Dans un registre plus classique, le grec Vangelis sera oscarisé pour la musique des « Chariots de feu » ce qui le conduira à créer de nombreuses compositions pour le cinéma comme « 1492 », « Lune de Fiel », « Missing », « Le Bounty », « Antarctica », mais surtout on retiendra « Blade Runner », dont l’ambiance sonore est telle que pour le prochain volet, le musicien Jóhann Jóhannsson s’en est sérieusement imprégné afin de livrer un score qui rend hommage au compositeur athénien.
Ce sont ses trois influences majeures qui vont être les plus évidentes pour la composition de la musique de « Stranger Things ».
Kyle Dixon et Michael Stein vont alors revoir en profondeur ce que la musique électronique des années 80 avait amené dans le processus de bande originale en s’inspirant parfois de manière presque plagiaire du travail de Tangerine Dream, de John Carpenter et même de certains aspects de la musique de Vangelis.
Kyle Dixon et Michael Stein ont été contactés dès le début de la mise en route de la série pour composer la B.O. par les réalisateurs les Duffer Brothers fans du groupe SURVIVE dont les deux musiciens sont la clé de voute.
SURVIVE est une formation de musique électronique qui marie aussi bien les styles actuels que les ambiances d’antan. C’est surtout ce son très personnel qui séduit les frères Duffer qui voient là l’occasion de créer quelque chose de très 80’s.
Car ce qui caractérise le son de SURVIVE, c’est l’emploi de synthétiseurs analogiques dont le son très chaud et parfois granuleux est typique d’une époque que beaucoup ont cru révolue quand les synthés numériques ont fait leur apparition.
Depuis maintenant quelques années les musiciens reviennent à ces synthés d’autrefois non seulement parce que le son est particulier, mais également parce que l’on peut en modifier la nature même en direct en jouant sur un paramètre bien précis.
Kyle Dixon et Michael Stein vont créer pour Stranger Things une musique typique aux sons analogiques reconnaissables grâce à une collection de synthétiseurs dont certains sont mythiques. En trouvant sur Internet des photos de leur studio, vous verrez leur matériel et certains d’entre vous reconnaîtront un mini Moog, un module Oberheim, un Prophet 5 divers autres modulaires et claviers et même un ARP 2600.
Ce synthé mythique est au centre de sons que tout le monde connaît pour les avoir entendus au moins une fois dans vie. l’ARP 2600 est cette machine qui a créé les sons de R2D2, de l’Arche d’Alliance dans le premier Indiana Jones ainsi que du vaisseau d’Albator et de plein d’autres choses disséminées par-ci par-là. Il est présent au milieu d’autres synthés ARP lors de la scène du dialogue musical dans Rencontre du Troisième Type.
La musique de « Stranger Things » est une suite de petits morceaux électroniques relativement minimalistes parfois ambiants, mais également séquencés minutieusement composés pour coller aux scènes de la série.
Il y a un côté angoissant à la John Carpenter, un côté vif à la Tangerine Dream, mais aussi un côté brut à la Goblin ou encore un côté léger à la Vangelis.
Le travail du son et de la composition de Kyle Dixon et Michael Stein est remarquablement fignolé avec un souci d’authenticité ce qui nous plonge dans un style très 80’s comme ce fut voulu.
Le succès de la série est tel que la production décide d’éditer la musique dans la foulée. En effet, les fans étant sous le charme de cette B.O. teintée de nostalgie demandent alors de pouvoir l’écouter en boucle.
D’abord disponible sur les plateformes légales de téléchargement, le soundtrack sort en CD. Mais seulement, on en reste pas là, car ce sont deux volumes qui regroupent l’intégralité du score de Dixon et Stein.
Mais après que deux CDs aient été édités, ce sont deux doubles vinyles qui voient le jour trois mois plus tard pour les amoureux du bon vieux son analogique.
Si les CD, se retrouvent avec quelques goodies comme des tatouages temporaires comme on en a connu quand on était gosse, les vinyles sont déclinés en diverses couleurs.
Alors vous me direz, mais pourquoi parler d’albums sortis en octobre et novembre 2016 ?
Et bien tout simplement parce qu’ils se sont épuisés tellement vite que le label Lakeshore décide de les rééditer … mais uniquement en vinyle cette fois.
Oui, car si les CD se trouvent encore relativement facilement … par exemple on en trouve à la FNAC ou chez Gibert, les vinyles sont quant à eux assez peu disponibles.
En ce moment donc, Lakeshore remet sur le marché une nouvelle édition avec un tout nouveau design.
De plus, afin d’être sûr de pouvoir en vendre (ce qui pourtant ne fait aucun doute) le label y insère quelques goodies comme plusieurs prints par exemple.
De plus avec la nouvelle saison disponible depuis fin octobre 2017, Lakeshore sort dans la foulée la B.O. de cette dernière en CD, mais aussi en double LP.
L’inspiration très 80’s sur la musique n’a pas seulement été pour les compositeurs Kyle Dixon et Michael Stein, car la production a décidé que, en plus d’utiliser des chansons d’époque pour pister les épisodes de « Stranger Things », il fallait alors aussi utiliser des morceaux des compositeurs qui ont inspiré les musiciens de SURVIVE.
Ainsi on peut entendre des morceaux issus des albums « Green Desert », « Exit » ou encore « Poland » de Tangeirne Dream, mais également un morceau de l’album « Oceanic » de Vangelis, mais aussi un extrait de la B.O. de « New York 1997 » de John Carpenter.
Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.
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