BLACK PANTHER : Ludwig Göransson (Marvel Music / Hollywood Records)
Depuis maintenant dix ans le monde cinématographique est bouleversé par une vague hors norme de films au concept d’interconnexion jamais réalisé jusqu’à lors que l’on a appelé depuis « univers partagé ». En effet avec Marvel Studios, un nouveau genre de films apparaît en mettant en scène leur écurie très fourni de super héros en tous genres. Avec « Iron-Man » et « L’Incroyable Hulk » en 2008, l’équipe de Marvel Studios met en place les premières pierres de ce qui va devenir un univers cinématographique unique jamais tenté. Les films mettent en valeur des héros chacun de leur côté pour finalement tous se retrouver dans un film unique estampillé « Avengers ». Le succès de la phase 1 ayant été fulgurant, Marvel continue et cherche même à insérer d’autres héros dans les films qui s’enchaînent. Après Iron-Man, Hulk, Thor et Captain America, on voit apparaître la Veuve Noire, le Faucon, War Machine, Bucky, Œil de Faucon, Vision, Vif Argent et la Sorcière Rouge. Mais Marvel voit encore plus grand et le rachat des studios par la maison mère Disney (qui possède déjà Marvel Comics, rappelons-le) va permettre d’élargir considérablement ce que l’on appelle communément le Marvel Cinematic Universe. De nouveaux films voient le jour et de nouveaux héros arrivent. Avec « Les Gardiens de la Galaxie », Marvel amène l’immensité cosmique où l’on retrouve le corps des Nova, les doyens de l’univers, les Célestes et surtout Thanos. Avec Ant-Man, on explore le sub-espace et avec Doctor Strange la magie entre chez Marvel. Les négociations avec Columbia permettent la réintégration de Spider-Man dans le MCU, sans oublier de le revoir complètement suite au semi-fiasco des deux derniers films de Mark Webb. On attend ce que les X-Men vont devenir maintenant que Disney a racheté la Fox. Mais c’est avec « Captain America Civil War » que Marvel Studios tente un coup de poker en introduisant un nouveau héros, Black Panther, souverain d’un pays d’Afrique noire. Les réactions enthousiastes du public confirment alors la réalisation d’un film consacré au super-héros wankandais. De lourds moyens sont engagés pour créer ce pays fictif qui oscille entre tradition tribale et haute technologie. Que ce soit dans la création même de la culture wakandaise ou dans l’ambiance sonore, un soin très particulier a été mis en place. Pour la musique on fait appel à un jeune compositeur qui a déjà plusieurs fois fait ses preuves Ludwig Göransson qui va livrer une ambiance mélangeant orchestre, synthétiseurs et percussions variées.
On ne va pas vous parler du film mais on peut toutefois évoquer que T’Challa, revenant au Wakanda, suite aux événements de « Captain America Civil War » doit prendre la succession du trône royal après le meurtre de son père, le souverain Panthère précédent. Sa légitimité gagnée lors d’un combat rituel face au roi des Jabaris, T’Challa voit l’opportunité de capturer le redoutable Ulysse Klaw s’offrir à lui. Ce dernier ayant dérobé un ancien artefact wakandais se rend en Corée pour le revendre. Le vibranium, métal extrêmement rare qui constitue l’objet est la convoitise de toutes les grandes puissances du monde. Le seul échantillon connu est celui qui est réuni dans le bouclier de Captain America. Le terroriste à peine capturé par Black Panther s’échappe grâce à Killmonger qui semble être originaire du Wankanda. Celui-ci livre la tête de Klaw afin d’entrer dans le pays et défier le roi panthère qui perd sa couronne dans le combat rituel. Killmonger reprenant le trône du Wakanda cherche alors à renverser ce qu’il appelle « la suprématie blanche », lui qui a connu les ghettos de Harlem. T’challa va devoir reconquérir non seulement ses pouvoirs de Black Panther, mais également son trône wakandais afin de renverser Killmonger et ainsi d’arrêter ce qui pourrait devenir une troisième guerre mondiale qui révèlerait au monde que son pays est une nation technologie très en avance grâce à une montagne entière de vibranium.
En misant sur « Black Panther », Marvel Studios tente un véritable coup de poker. La très enthousiaste réception du public pour le super héros dans « Civil War » africain était telle que la mise en chantier d’un film entièrement consacrée à ce personnage devenait nécessaire. Mais avec un tel projet, vient la difficile conception du pays imaginaire du Wakanda. Situé en Afrique Noire, ce pays est sensé vivre en autarcie, complètement retiré du monde que ce soit tant culturellement que technologiquement. Car si vu de l’extérieur, le Wakanda est un pays du tiers monde peuplé de bergers et autre chasseurs armés de sagaies, sa véritable nature est masquée par un champ de force inexpugnable. Wakanda City est une mégalopole High Tech futuriste digne des plus grands films d’anticipation. Mais la difficulté est de retranscrire une culture tribale africaine totalement imaginaire. Le réalisateur Ryan Coogler va grâce à une équipe efficace créer une culture unique en utilisant les codes culturels de plusieurs tribus africaines tels que les masaïs ou les zoulous et bien d’autres encore. Les rituels sont fortement inspirés de ces tribus ainsi que les vêtements traditionnels dont le résultat wakandais est surtout issu d’un mélange des différentes tenues traditionnelles et codes de couleurs. Si visuellement le résultat est une réussite totale, il faut également que la partie son et surtout la musique soit à la hauteur. En choisissant un jeune compositeur, le pari est risqué. Mais Ludwig Göransson a plus d’une corde à son arc et son travail sur « Black Panther » résulte d’un savant mélange entre une orchestration aérienne, des séquences électroniques légères et des percussion variées issue de la musique du monde.
Né en 1984 à Linköping en Suède, Ludwig Göransson se voit offert une guitare électrique pour son septième anniversaire. Il passe de nombreuses années à créer de petites compositions et entre au Royal College of Music de Stockholm. C’est quand il a 17 ans qu’il voit alors l’un de ses compositions « 5 Minutes to Christmas » être interprétée par l’orchestre symphonique de Norrköping. Son intérêt pour l’art en général va le mener dans la section jazz du Royal College of Music. Il intègre le quintet « The Fabulous Five ». En 2007 il déménage à Los Angeles pour étudier la musique de films à la prestigieuse Université de Californie de Sud (je l’ai évoqué de nombreuses fois avec plusieurs autres compositeurs). C’est d’ailleurs dans cette université que Ludwig rencontre celui qui réalisera plus tard « Black Panther » Ryan Coogler. A peine diplômé de l’université, Ludwig Göransson travaille très vite, notamment en assistant Theodore Shapiro en tant qu’arrangeur et programmeur des synthétiseurs pour la musique du film « Tonnerre sous les tropique ». Parallèlement à de nombreuses productions pour divers groupes pop, Ludwig signe plusieurs bandes originales pour la télévision et le cinéma comme « 30 minutes maximum», «Stretch », « Creed », « Agents presque secrets » ou encore « Deathwish ». C’est avec Ryan Coogler, pour qui il a déjà fait la musique de « Fruitvale Station », qu’il travaille pour la bande originale de « Black Panther », le nouveau défi de Marvel Studios.
Le défi est énorme pour Ludwig Göransson. Il faut créer une ambiance musicale qui doit demeurer une bande originale et ainsi soutenir les images du film mais aussi être une identité propre au pays imaginaire du Wakanda. Si pour la partie purement soundtrack, l’orchestre a une présence limite obligatoire, le reste est nettement plus compliqué à mettre en place. Certes on retrouve quelques partie où des séquences légères électroniques s’installent discrètement, mais ce n’est pas ce qui doit être le visage sonore du Wakanda. Ludwig Göransson va alors utiliser toute une gamme de percussions afin de donner par moments le ton africain à l’ensemble de sa musique. Mais au lieu de n’employer que des percussions africaines, il va rajouter plusieurs instruments japonais ce qui donne un son très particulier aux ensembles de percussions qui devient l’ossature sonore de la bande originale. Cet équilibre culturel grâce au mélange d’instruments venus de pays complètement différents offre alors un ambiance unique qui rythme les scènes d’actions du film. Le passage du combat rituel essentiellement basé sur une musique percussive est l’exemple type du son obtenu avec cet équilibre parfait. L’orchestre vient alors installer des thèmes parfois lancinant mais également aérien ce qui soutient bien le côté félin du personnage principal. Seules quelques séquences électroniques discrètes viennent parfois s’immiscer au milieu de quelques ambiances synthétiques pour souligner le visage high tech de Wakanda City. Avec cette bande originale, Ludwig Göransson montre qu’il maîtrise non seulement l’art de la musique de film mais également celui de la musique du monde.
A sa sortie, le film reçoit l’un des plus grand succès du cinéma. L’avènement d’un super héros noir africain attire les foules. Le pari de Marvel / Disney est gagné. Le personnage est entré dans le panthéon marvellien et son identité musicale est très bien mise valeur. Si dans les bacs des disquaires, on ne trouve que l’album regroupant plusieurs chansons entendues dans le film ainsi que d’autres dont on se demande bien ce qu’elles font là, la véritable bande originale de Ludwig Göransson n’est disponible alors qu’en plateforme légale de téléchargement. Il faut attendre juillet pour qu’un vinyle soit édité chez Hollywood Records sous licence Marvel Music. Mais seules quelques musiques apparaissent. En effet, éditée sur un seul disque, la bande originale ne contient alors que les meilleurs passages. On a toutefois le plaisir de profiter pleinement de l’ambiance unique de cette musique qui allie orchestre, ambiance électronique légère et percussions nippo-africaine. Un bel objet qui demeure parmi les plus prisés par les fans marvelliens.
« Black Panther » est un film qui a réuni beaucoup de monde tant derrière la caméra que devant. Chadwick Boseman livre une prestation juste avec un travail remarquable sur l’accent africain qu’il prend pour parfaire son personnage. Mais on remarque alors de nombreuses guest stars à ses côtés. Ayant déjà incarné un super héros Marvel, Maichel B. Jordan voit là l’occasion de faire oublier sa version de la Torche Humaine dans le pitoyable « Fantastic Four » qui a abattu tout un public. Danai Gurira prend une place importante dans ce film, elle qui est devenue en peu de temps l’un des personnages phares de la série çà succès « Walking Dead ». Et que dire de la présence de Forest Whitaker et d’Angela Basset dans « Black Panther » ? Leur présence en impose ne serait-ce que par leur expérience et leur filmographie. Mais on a le plaisir de retrouver deux figures connues de la trilogie « Le Hobbit » avec Martin Freeman alias Bilbon (et l’inoubliable Docteur Watson de la série britannique « Sherlock ») dans un rôle clé et Andy Sirkis qui fut Gollum sans oublier une carrière filmique impressionnante.
Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.
Laisser un commentaire