Parfois les B.O. deviennent aussi culte que leurs films et l’ouverture avec des séquences plutôt calmes qui en lancent d’autres, beaucoup plus endiablées, sonne dans la mémoire de tous les amateurs de films d’action pur et dur et de nanars improbables. Dès ces premières mesures, on identifie tout de suite la musique du film « Commando » avec Arnold Swartzenegger. Et si ce film est classé dans les nanars de luxe, il est devenu culte de par son exagération limite caricaturale, ses répliques inoubliables, sa surenchère d’action et son nombre record de morts. Les films d’action de cette trempe ne demandent guère de dialogues ni de scénarios haut de gamme. La recette est simple. Un héros survitaminé, quelqu’un à sauver, une mission basique, des armes en tous genres des véhicules improbables sans oublier des cascades impossibles et des punchlines loufoques et hop on tourne. Depuis que « Rambo » (First Blood) a bouleversé le box-office américain en 1982, un certain code du genre film d’action a germé. Alors on voit surgir nombre de copies avec plus ou moins de succès. Les films d’action vont conquérir un certain public notamment dans les années quatre-vingt révélant ainsi de nombreux acteurs comme Sylvester Stallone, Dolph Lundgren, Bruce Willis, Kurt Russell, Arnold Schwarteznegger et bien d’autres. Des productions beaucoup plus modestes vont voir le jour et notamment avec la mode des Ninjas américains qui s’installe doucement à cette époque donnant la part belle à quelques comédiens tels que Reb Brown, Gary Daniels, Olivier Grunner ou Michael Dudikoff pour ne citer que ceux-là. De leur côté, les Italiens, devenus entre-temps les maîtres du nanar de tous styles, emboitent le pas et nous livrent une kyrielle de sous-produits du genre avec de jeunes inconnus bodybuildés (rappelez-vous la chronique sur « les guerriers du Bronx« ) . Heureusement les Américains produisent parmi de nombreux films low cost, plusieurs pépites du genre avec un suspense poignant et un rythme effréné. Çà ne les empêche pas de réaliser quelques longs métrages sympas avec un budget moyen, voire restreint, et un scénario écrit sur un timbre-poste. « Commando » fait partie de ceux-là. En engageant Arnold Schwartzenegger pour porter sur ses larges épaules le film à lui tout seul, les producteurs misent alors sur la notoriété grandissante de celui qui campa quelque temps plus tôt un « Conan » des plus convaincants et surtout un impressionnant « Terminator ». Pour l’ambiance sonore et surtout musicale, on fait appel à James Horner qui a déjà une carrière assez remplie et néanmoins teintée de controverses. En travaillant sur « Commando », le compositeur va se lancer dans une aventure des plus dingues en reprenant un style qu’il avait établi pour « 48 heures » avec des sons électroniques, des steel drums avec à peine quelques parties orchestrales. La musique qu’il livre finit par devenir aussi culte que le film lui-même.

« Commando » est un film d’action brut avec peu de dialogues et rythmé par des combats convenus, des fusillades ininterrompues, des cascades hallucinantes et des répliques inattendues. John Matrix (Arnold Schwartzenegger), ancien membre des forces spéciales, rompu à toutes les techniques de combats et de guérilla n’a pas le temps de profiter de sa retraite méritée que sa fille Jenny (Alyssa Milano) se fait enlevée par des mercenaires menés par son ancien collègue Bennett (Vernon Wells) à la solde de l’ex-président du Val Verde le général Arius (Dan Hedaya). Celui-ci lui rendra sa fille s’il s’acquitte d’une mission simple : tuer l’actuel président du pays d’Amérique latine pour reprendre sa place de dictateur. Matrix va alors profiter du temps de vol pour rallier ce pays pour s’échapper pour retrouver et sauver sa fille. Il croise alors Cindy, jeune hôtesse de l’air (Rae Dawn Chong), qui a le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Comme vous pouvez le constater, le scénario tient en quelques lignes. Mais qu’à cela ne tienne, cette base succincte suffit largement pour mettre en chantier un film d’action. Et de l’action, il y en a … il n’y a même pratiquement que ça. Les moments calmes sont plutôt courts et l’assaut final du héros seul sur la base envahie de mercenaires demeure parmi les moments d’anthologie tant il y a de la démesure dans les combats, fusillades et autres joyeusetés du genre pendant près de vingt minutes haletantes. Ce qui fait de « Commando » un film inoubliable parfaitement calibré pour les soirées pop-corn, c’est sans nul doute les actions totalement impossibles que l’on voit défiler à l’écran. Le jour où on pourra sauter du train d’atterrissage d’un avion de ligne qui est en train de décoller pour atterrir mollement sur un lit de roseaux dans un marais n’est pas encore prêt d’exister. L’autre aspect culte de ce film réside dans les répliques qui ont tendance à faire mouche tant elles sont caricaturales à souhait. Le dialogue … très court … entre Matrix et Cooke (Bill Duke) pendant qu’il se tape dessus fait partie des plus caricaturaux : Cooke lance un « Tu as peur, mon salaud ? Et bien tu devrais, car le béret vert que tu as devant toi va te buter la gueule. » Et à cela, Matrix réplique « J’avale deux bérets verts à mon petit déjeuner … et justement j’ai très Faim ! » et pendant que les coups reprennent Cindy qui se planquent lâchant alors un « Mais c’est pas vrai de voir des machos pareils ! ». Autre moment où les dialogues qui fusent mettent en évidence la répartie de la jeune hôtesse de l’air est quand elle demande à Matrix « Vous pouvez me dire ce qu’il se passe ? » il lui répond alors « Oui, un vieux copain de l’armée veut me tuer » et elle rétorque alors « Çà, çà se comprend. Moi je ne vous connais que depuis cinq minutes et si je pouvais, je vous tuerais ». Allez une petite dernière pour la route : Au moment de prendre l’hydravion, Cindy s’exclame « Mais ce n’est pas un avion, çà ! C’est un canoé avec des ailes ! » « Et bien montez et commencez à pagayer ! ».

Avec de telles répliques et des scènes d’action à outrance il fallait une musique qui colle au rythme incessant du film. Avec James Horner, les producteurs font un choix sûr. Ce compositeur aux talents multiples a déjà à son actif de nombreuses B.O. allant de « Wolfen » à « Star trek, la colère de Khan » en passant par « la foire des ténèbres » sans oublier « Krull » ou « Brainstorm ». Ayant déjà officié sur un film policier d’action, Horner va reprendre le style qu’il avait utilisé alors. Les ingrédients qui ont fait de la musique de « 48 heures » ayant fait mouche pour ce film avec Nick Nolte et Eddy Murphy, il devient évident qu’ils seront tout à fait adaptés pour « Commando ».

Né à Los Angeles en 1953, James Horner commence le piano à cinq ans puis le violon peu de temps après. S’il étudie la musique à Londres au Royal College of Music, il revient vite aux USA pour continuer ses études en Arizona, puis sort diplômé en musique à l’Université de Sud-Californie. Il continue alors à la célèbre Université de Californie à Los Angeles (UCLA) pour y décrocher un doctorat. Il fait alors plusieurs musiques pour l’American Film Institute, organisation essentiellement concentrée sur la préservation des films et autres productions télévisées tout en produisant quelques documentaires et en enseignant l’art de la musique de film. James Horner commence alors à enseigner la musique théorique à l’UCLA mais se tourne très vite à la musique de film. Ses premiers travaux sont commandés par Roger Corman pour les films « Les monstres de la mer » (Humanoids from the Deep) mais surtout « Les mercenaires de l’espace » (Battle beyond the stars). C’est surtout avec ce dernier que James Horner va se faire remarquer, notamment par Oliver Stone qui lui confie la musique de « La main du Cauchemar » (The Hand), puis viennent les scores de « La ferme de la terreur » (Deadly Blessing) de Wes Craven, « Wolfen » et « Star Trek la colère de Khan ». Avec « 48 heures » de Walter Hill, James Horner change de style. Essentiellement orchestrale jusqu’à présent, sa musique devient électronique et nerveuse afin de coller à l’image de ce film policier d’action. Mais il revient très à son style habituel et on lui doit des B.O. pour « Krull », « Star Trek III », « Cocoon », « Natty Gann » ou « le nom de la Rose ». A cette époque, une controverse surgit. James Horner est accusé de plagiat. Certaines de ses musiques de film semblent calquées sur des grands classiques et parfois même sur les travaux de ses collègues comme Jerry Goldsmith. Ce genre de copiage semblait être une volonté des producteurs quand Horner débutait sa carrière. L’exemple type est le thème de « Willow » qui ressemble étrangement au début du premier mouvement de la « symphonie n°3 » de Robert Schumann. On peut également entendre de nombreux autres emprunts dont les sources ne sont pas créditées au générique. On lui reproche aussi de répéter à l’infini les techniques de base comme l’utilisation des quatre mêmes notes pour représenter le danger et surnommées « Danger Motif » et issues d’une des symphonies de Sergueï Rachmaninov. Ces notes utilisées à outrance inondent la musique de « Willow », « Troie », « En pleine tempête », « Avatar » ou « Titanic ». Sa carrière continue pourtant malgré ces quelques détractions et son nom est associé à des B.O. comme « Danger immédiat », « Jeu de Guerre », « Rocketeer », « L’affaire Pélican », « Braveheart », « Apollo 13 », « Jumanji », « La rançon », « The Amazing Spider-Man ». Le dernier travail de James Horner, « Les Sept Mercenaires » sort en 2016, plusieurs mois après son décès lors du crash de l’un de ses multiples avions privés qu’il pilotait.

Pour Commando, James Horner reprend la recette qui a fait de la B.O. de « 48 heures » quelque chose d’inoubliable et surtout de bien rythmé. Avec les synthétiseurs, Horner mise sur des séquences nerveuses de plus en plus endiablées avec un soutien par des notes de steel drums qui tournent en boucle le tout ponctué d’un thème simple qui apparaît avec un saxophone semblant venir d’on ne sait où. La présence discrète d’un Shakuachi (flute de bois du Japon) accentue le côté exotique de l’ensemble. Ce sont les mêmes séquences que l’on entend tout au long du film. Mais la variation des sons utilisés et l’arrangement entre elles empêchent une impression de monotonie. Quelques passages orchestraux s’insèrent dans de très rares moments calmes du film. On se surprend de découvrir quelques morceaux plus ambiants avec une longue note étirée sur laquelle se superposent de petites séquences monocordes censées illustrer une certaine tension. L’ensemble est une véritable avalanche de rythmes et de séquences qui donnent la part belle aux synthétiseurs.

Si le film est sorti en 1985, la musique quant à elle ne voit pas le jour sur un disque. Entre temps devenus culte, le film conquiert nombre de fans qui se le regardent continuellement histoire de se détendre les neurones. La musique en devient tout aussi légendaire et les copies pirates issues directement des enregistrements de la bande-son du film (avec les explosions et autres coups de feu, etc …) qui foisonnent amènent le label américain Varèse Sarabande à éditer en CD en 2003 cette B.O. indispensable. Mais en 2011, c’est La La Land Records qui prend l’initiative de presser un tout nouveau CD avec la quasi-intégralité du score de James Horner. Ce n’est que le mois dernier que l’édition vinyle voit le jour. Le tout jeune label Real Gone Records obtient le droit d’éditer le score de « Commando » sur deux disques en s’associant avec 20th Century Fox qui leur fournit alors le master analogique original, gage de qualité dans le son du produit fini.

La B.O. de Commando est essentiellement électronique, ça on le constate aisément dès les premières notes. Mais il faut savoir que ce n’est pas James Horner qui pianote sur les synthétiseurs. En effet parmi plusieurs musiciens qui se lâchent ouvertement sur cette musique endiablée se distingue Michael Boddicker. Ce musicien et producteur est un grand spécialiste des synthétiseurs et a signé de rares B.O. par exemple « Les Aventures de Buckaroo Banzai dans la 8ème dimension » ou « FX2 », ainsi que de nombreuses musiques additionnelles pour plusieurs grosses productions comme les parties électroniques de « Galactica » ou encore plusieurs thèmes qui remplacent les originaux prévus dans « La mouche » entre autres. Mais on le retrouve en tant que producteur, musicien et/ou ingénieur du son pour de grandes stars de la pop parmi lesquelles Yellow Magic Orchestra (avec Ryuichi Sakamoto), Isao Tomita, Earth Wind and Fire et … Michael Jackson.

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.