On va profiter de la sortie en salle du Film « Black Panther » pour faire la lumière sur certaines parutions comics chez Panini. En effet à chaque fois qu’un film Marvel sort, l’éditeur italo-français surfe sur l’événement cinématographique pour sortir une série de livres concernant le super héros mis en valeur sur grand écran.
Quand Panini reprend la licence Marvel France, il continue l’édition des titres kiosque tout en y insufflant sa vision des choses. Mais une nouvelle politique arrive et l’on voit apparaître de nouveaux titres en librairies et notamment le concept d’intégrales qui réunit les douze numéros d’un titre qui constituent une année de parution américaine. Depuis maintenant presque 20 ans, ces recueils exhaustifs envahissent les rayons des libraires. Après les Intégrales « X-Men » et « Spider-Man » on voit fleurir au cours des ans d’autres titres de la maison des idées. C’est surtout en suivant l’actualité cinématographique ou télévisuelle que certains titres apparaissent.
Ainsi on voit alors « Iron-Man », « Captain America », « Thor », « Avengers », « Docteur Strange » et même « Fantastic Four ». Quand les « Gardiens de la Galaxie » arrivent sur les écrans, Panini en profite pour faire découvrir l’équipe originale que les plus anciens ont vue dans la revue Titans, l’une des publications du légendaire éditeur lyonnais … LUG. L’arrivée d’ « Iron Fist » et des « Defenders », sur Netflix permet à Panini de lancer aussi l’intégrale de ces titres. C’est donc avec la sortie en salle de « Black Panther » que Panini décide de sortir plusieurs livres sur le super héros noir. Si l’on trouve des mini séries récentes ainsi qu’une compilation des meilleurs moments du personnage tout au long des ans, on a aussi la surprise de découvrir un tome plutôt fin sur le prologue du long métrage. C’est assez intéressant et met la lumière sur certains points, mais il est préférable de le lire APRÈS le film, car çà peut spoiler certains passages. Mais là où Panini fait fort, c’est en déterrant deux pépites historiques de « Black Panther » avec deux tomes regroupant des séries des années soixante-dix. Tout d’abord avec « l’Intégrale 1966 – 1975 », mais aussi avec « Le monde va disparaître ». Bien que Panini ait sorti le tome de Jack Kirby en premier, il faut savoir que chronologiquement c’est celui dessiné par Rich Buckler et Billy Graham qui est antérieur. « L’intégrale 1966 – 1975 » regroupe, certes, la première apparition de Black Panther dans les pages de « Fantastic Four » n° 52, mais surtout ses aventures en solo issues du titre US « Jungle Action ». Par contre le tome « le monde va disparaître » est quant à lui directement la série régulière « Black Panther » initiée par Jack Kirby himself.

Je ne vous parlerai pas de Jack Kirby lui-même et je vous invite pour cela de vous plonger dans l’article paru il y a quelques mois où un survol de sa carrière a été évoqué . Rappelons toutefois que Jack Kirby est l’un des artistes de comics les plus connus au monde. Il a, avec Stan Lee, créé de nombreux personnages qui ont marqué nombre de lecteurs. Pour Marvel Comics, il crée « Fantastic Four », « Avengers », « X-Men », « Ant-Man », « Thor », « Black Panther », « Les Éternels », « Machine Man » et j’en passe. C’est dès les années quarante en fait qu’il sévit avec Joe Simon en créant plusieurs personnages, dont le plus emblématique, « Captain America », avec une couverture mythique pour le premier numéro où l’on peut voir le héros étoilé asséner un direct à Adolf Hitler. Chez DC Comics en 1970, il crée de nouveaux héros comme « Le Démon », « O.M.A.C. », « Kamandi », mais il signe un chef d’œuvre avec la création d’un univers entier qu’il décline en trois séries, « Fourth World », (Le Quatrième Monde). Pour nombre de fans et de lecteurs, ainsi que des artistes de la profession, le « King of Comics ».

Rich Buckler, né en 1949 à Detroit dans le Michigan, commence sa carrière dans le comics dès son adolescence en signa les 4 pages de « Freedom Fighters: Washington Attacks Trenton » dans le numéro 10 de « Flash Gordon » de novembre 1967. Puis en 1971 et 1972, il est sollicité par DC Comics pour l’histoire « Rose and the Thorn » de la série « Superman’s Girlfriend, Lois Lane ». Puis il signe chez Marvel où on lui demande d’assurer les premiers épisodes de « Black Panther » pour le titre « Jungle Action » qui sera classé en 2010 dans le top 10 de Comics Bullpin. Son trait réaliste rappelant par moment John Buscema ou Neal Adams, le conduit à remplacer justement Big John Buscema sur la série phare de l’éditeur « Fantastic Four » sur laquelle il officie pendant deux ans. Quand il quitte « Fantastic Four » en 1974, c’est une période où Marvel Comics cherche à créer de nouveaux personnages avec des auteurs … tout aussi nouveaux. C’est alors que Rich Buckler crée Deathlok, le cyborg pour les pages « Astonishing Tales ». Il met alors en place un univers post apocalyptique plutôt proche pour l’époque puisque l’action se déroule en … 1990. Afin d’assurer le travail en temps et en heure, il engage un assistant pour assurer certains encrages. Ainsi débute un certain … George Perez. Par la suite il travaille pour Marvel comme pour DC, notamment avec les comics strips de « Hulk » pour un journal ou encore la minisérie « Superman Versus Shazam » que l’on a connus en format géant tabloïde en France chez Sagedition. Souvenez-vous des albums géants « Superman contre … ». On an connu « Superman contre … Spider-Man » (c’était le premier), « Mohamed Ali » (Neal Adams), « Wonder-Woman », « Flash » (format normal) et donc … « Shazam ». C’est chez DC que Rich Buckler crée avec Roy Thomas en 1981 « All Star Squadron », groupe de super héros de la seconde guerre mondiale en réponse aux « Invaders » de Marvel. Il travaille sur de nombreux titres par la suite, mais il est accusé de plagiat dans les années quatre-vingt par le « Comics Journal ». En effet, Rich Buckler rend très souvent hommage aux artistes qui l’ont inspiré en réutilisant des poses voire des scènes entières pour certaines de ses couvertures. Ces hommages appelés « Swipe » sont des hommages aux artistes originaux et la mention du nom de ceux-ci apparaissant alors sur les dessins de Buckler, l’affaire restera sans suite. Depuis de nombreux artistes utilisent ce procédé pour rendre hommage aux artistes ou alors pour faire une référence à un titre ancien. De retour chez Marvel il dessine l’un des runs les plus mémorables sur « Spectacular Spider-Man » avec la mort de Jean DeWolff. Dans les années 2000/2010 il collabore avec Soison Publication sur les livres « How to Draw Comic Books », « How to Become a Comic Book Artist » et « How to Draw Super Heroes ». Après un long combat contre le cancer, Rich Buckler décède en mai 2017.

Né en 1935, Billy Graham fut un dessinateur africain naturalisé américain influencé par des artistes comme Al Williamson, Frank Frazetta, Burne Hogarth et George Tuska. Il débute en 1969 dans les pages de « Vampirella » chez Warren Publishing avec Don Glut pour « Death Boat ». Puis il signe des épisodes de « Vampirella » et des histoires parues dans « Creepy ». Ses prouesses artistiques lui valent d’être promu directeur artistique par James Warren en personne. En 1972, il quitte Warren Publishing pour rejoindre Marvel Comics qui cherche à créer de nouveaux personnages. A cette époque, un phénomène cinématographique commence à prendre de l’ampleur, la Blaxploitation. Ces films mettant essentiellement en vedettes des acteurs et actrices noirs finissent par toucher un large public alors en quête de nouvelles tendances. Marvel voit là l’occasion de créer des séries où des personnages afro-américains seraient en premier plan. Ainsi on voit apparaître « Black Panther », « Black Goliath » et « Luke Cage, Héros à louer ». C’est sur dernier titre que Billy Graham va travailler en tant que concepteur avec George Tuska. Si il ne dessine pas la série, il succède à Rich Buckler sur le titre « Black Panther » pour les pages de « Jungle Action ». L’un de ses travaux deviendra une référence avec l’histoire où le roi du Wakanda se retrouve face au Ku Klux Klan. Pour « Éclipse Magazine », Billy Graham dessine « Sabre » créé par Don Mc Gregor avec qui il travailla sur « Black Panther » puis il continuent ensemble sur des histoires courtes en noir et blanc pour le magazine plus adulte « Monsters Unleashed », l’un des multiples titres grand format en noir et blanc de Marvel. Après plusieurs titres chez Marvel, Billy Graham prend sa retraite.

Avec des artistes de ce calibre, le roi du Wakanda est mis en valeur. « L’intégrale 1966 – 1974 » se focalise sur le travail de Rich Buckler et Billy Graham avec les scénarios de Don McGregor. Dès les premières pages, c’est l’action qui prime avec une panthère en colère qui doit faire face à Éric Killmonger qui conteste la légitimité du trône à T’Challa. L’action omniprésente est rehaussée par les décors de jungles donnant ainsi à cette saga un côté exotique qui fait son charme. Les dessins de Rich Buckler sont incroyablement fins et précis avec une science du cadrage qui n’est pas sans rappeler certains plans cinéma. L’histoire se déroule sur plusieurs épisodes et la Panthère Noire se retrouve alors confrontée à plus d’ennemis qu’il ne l’escomptait avec Venimos, Salamander K’Ruel et Le Baron Macabre.
« Le monde va disparaître » est quant à lui complètement différent. Si l’on découvre comment T’Challa accède au trône du Wakanda grâce à un combat rituel contre son propre père, on suit alors le roi du Wakanda … hors du Wakanda. En effet, Jack Kirby transforme tout d’abord le roi en un aventurier qui parcourt le monde avec quelques comparses pour retrouver un artéfact ayant appartenu au roi Salomon. Très dynamique, comme seul Kirby sait la faire, cette aventure est l’image même des délires créatifs du king of comics. La deuxième partie du tome voit alors T’Challa, de retour en son royaume pour faire face à des conflits internes qu’il doit régler face notamment à Kiber le Cruel.

Comme à l’accoutumée, les intégrales Panini sont imprimées sur du papier glacé ce qui rend les couleurs plus claquantes. Une qualité devenue depuis près de vingt ans une certaine marque de fabrique chez l’éditeur. Ainsi les pages spectaculaires de « Jungle Action » s’en trouvent magnifiées. Pour le tome de Jack Kirby, c’est différent. N’étant pas sous le label des intégrales, le papier est plus convenu et les couleurs, si elles sont certes belles sont légèrement plus ternes. Heureusement l’intérêt de ces parutions réside dans le seul fait de l’ancienneté des séries. Datant des années soixante-dix, « Jungle Action » et « Black Panther » n’ont jamais été réédités depuis leur première parution en France chez Arédit-Artima dans le Comics Pocket « L’Inattendu » où l’intégralité de ces pages était imprimée en noir et blanc. La réédition Panini de ces derniers jours nous permet de redécouvrir en couleur et au format ces pages que les plus anciens d’entre nous n’ont connu qu’en format de poche et en noir et blanc.

Le film « Black Panther » est devenu en quelques jours l’un des films qui réconcilient les fans avec les studios Marvel. Avec des films comme « Les gardiens de la galaxie » et plus récemment « Thor Ragnarok » la firme tendait à mettre trop d’humour dans ses productions. Certains fans commençaient à se demander s’ils allaient continuer à suivre les studios dans leur démarche. Avec « Blalck Panther », on revient aux bases avec juste ce qu’il faut d’humour dans un film d’action avec un fond dramatique. Certaines scènes ne sont pas sans rappeler les films d’espionnage comme les James Bond et une bonne partie du film est consacrée à la succession du trône et à sa légitimité. L’un des points forts de ce film est la garde rapprochée du roi T’Challa entièrement constituée de femmes aguerries. L’une d’elles Okoye est interprétée par Danai Gurira qui passe ainsi d’adaptation de comics en adaptation de comics puisque c’est elle qui a l’un des rôles principaux de la série « The Walking Dead » en incarnant une impressionnante Michonne.

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.