On va se pencher sur la B.O. du montage film d’une série culte britannique de science-fiction « Cosmos 1999 » qui a fait les beaux jours de TF1 au milieu des années 70 dans l’émission « Samedi est à vous ».
C’est d’une vraie B.O. que l’on va évoquer avec des morceaux instrumentaux et non une compilation de chansons comme il en pullule çà et là dans les bacs des disquaires.
La B.O., la VRAIE est une suite de morceaux instrumentaux spécialement composée pour coller à l’image soutenant ainsi l’émotion, l’action ou la contemplation. Il y a de nombreux compositeurs qui se sont taillé une réputation et construit une carrière dans ce genre musical. Rappelons quelques noms prestigieux comme Jerry Goldsmith, James Horner, Hans Zimmer, Michel Legrand, Vladimir Cosma, Alexandre Desplat ou encore John Williams (et j’en passe …)
Toute production cinématographique et télévisuelle se doit d’avoir une ambiance sonore propre et la musique a une importance capitale. Et ce qui est valable pour les films l’est aussi pour les séries télé. En effet, une série télé est, au même titre qu’un film, une réalisation à part entière qui demande là aussi une ambiance sonore et une musique originale spécialement composée. On trouve de nombreuses éditions de bandes originales de films, et il n’y a pas de raison qu’il n’y en ait pas pour les séries. Heureusement, si l’on cherche bien, on peut trouver de nombreuses éditions CD de séries télé et surtout des séries américaines. Ce sont des labels comme Intrada qui nous gratifient d’éditions impressionnantes de diverses séries anciennes comme récentes. Ainsi on trouve par exemple la musique de la nouvelle version de « Battlestar Galactica » par Bear Mccreary ainsi que l’intégrale des musiques de la série d’origine de 1978 de Stu Philips en quatre volumes de double CD.
La La Land records emboite le pas avec notamment la réédition il y a quelque temps de l’intégralité du score d’Harold Faltermeyer pour les deux premiers « Flic de Beverly Hills », mais également de quatre coffrets luxueux de 4 CD chacun sur la B.O. de X-Files. Et, très très récemment, un autre coffret du même genre a été édité pour la musique des « Mystères de l’Ouest » et de « Star Trek » (la série des 60’s)

Mais il arrive que certains labels déterrent des archives encore jusque-là inédites. Avec Death Waltz Records et son sous-label Mondo on a la curieuse surprise de trouver des pépites filmiques très souvent issues de films italiens et notamment les séries Z dont les soundtracks n’avaient jamais vu le jour. Avec « Space 1999 » le label nous prend à contre-pied, nous faisant découvrir qu’en Italie « Cosmos 1999 » n’était pas gratifié de sa musique d’origine, mais d’une spécialement composée.

Je ne vais pas vous parler de la série, car ce n’est pas le sujet, mais on peut néanmoins mettre en évidence l’aspect space opera qui la caractérise quelque peu. Créé par Gerry et Sylvia Anderson, « Cosmos 1999 » est à cette époque la série la plus chère de l’histoire. Les créateurs s’étaient déjà illustrés avec une série de SF précédente « UFO Alerte Spatiale » qui déjà était d’une réalisation soignée. Ces deux séries sont alors avec Star Trek, ce qu’il se fait de mieux en SF à la télévision avec des maquettes détaillées filmées avec minutie pour simuler de manière réaliste leurs vols dans l’espace. C’est avec l’expérience acquise avec leurs séries antérieures que Gerry et Sylvia Anderson réussissent cet exploit. En effet ce couple nous avait déjà agréablement impressionnés avec des séries comme « Supercar », « Fusée XL5 », « Stingray » et surtout « Thunderbirds » (les sentinelles de l’air) toutes réalisées avec des marionnettes et d’impressionnantes maquettes de vaisseaux futuristes des plus surprenants.

Mais dans les années 70 il y avait un certain phénomène qui s’installait. Parfois des épisodes de séries sont remontés afin d’en faire des téléfilms. Par exemple la série « La planète des singes » s’est vu avec 10 épisodes remontés pour en faire 5 téléfilms. Cette série avait été diffusée en France avec seulement 10 épisodes sur les 14 originalement. Le montage téléfilms nous a permis alors d’en découvrir trois inédits. D’autres séries ont été traitées ainsi et le pilote de « L’incroyable Hulk » avait été remonté en France avec l’épisode « 747 » (inédit à la TV française) pour en faire un film exploité au cinéma. La série « Spider-Man » avec Nicholas Hammond avait elle aussi eu droit à ce type de montage pour créer deux téléfilms en plus du pilote et a été par la suite exploitée en salles en France et en Belgique (pour le troisième film).

Le succès de la série « Cosmos 1999 » permet alors à la production de créer quatre téléfilms en remontant deux épisodes à chaque fois.
Pour la musique la production fait appel à Barry Gray qui travailla déjà pour les séries « UFO », « Thunderbirds » et les autres créations du couple Anderson. Le générique à l’ouverture marquante reste alors dans la tête des téléspectateurs.
Seulement en Italie le montage film se voient quant à eux dépossédés de cette B.O. pourtant iconique. On fait alors appel à la star italienne Ennio Morricone pour composer une nouvelle partition pour cette version. Le compositeur va alors livrer une musique très variée avec une bonne influence free jazz/électro, mais également des parties de musique contemporaine expérimentale avec parfois une incursion dans la musique concrète.

Né en 1928 à Rome, Ennio Morricone est un enfant de la balle. Fils du trompettiste de jazz Mario Morricone, il est alors initié très tôt à la musique par son père qui l’inscrit à l’Académie Nationale de Sainte-Cécile de Rome. Élève du célèbre Goffredo Petrassi, Ennio Morricone obtient un diplôme de trompette en 1946 ainsi que ceux de Composition, d’instrumentation et de direction musicale aux alentours de 1954. C’est à cette époque qu’il rencontre Bruno Nicolai avec qui il se lie d’amitié. Ce dernier deviendra comme lui un compositeur de musique de film reconnu. C’est en 1953 qu’il débute dans la musique classique, mais aussi et surtout en musique expérimentale et contemporaine. C’est cette même année qu’il réalise ses premiers arrangements pour une série d’émissions radio.
Il compose sa première œuvre, mais il ne peut en tirer assez de bénéfice pour pouvoir en vivre et il est alors embauché à la RAI (chaîne télévisée nationale italienne) en 1958. Il démissionne après … son premier jour de travail. Il se tourne vers la chanson et les arrangements pour diverses émissions TV et son travail est alors remarqué. En 1961 il signe sa première musique de film avec « Il Federale » (mission ultrasecrète) de Luciano Salce.
Dès lors sa carrière en tant que compositeur de musiques de film fera figure de légende.
Mais en 1964, Ennio Morricone entame une voie parallèle en intégrant la formation « Gruppo di Improvvisazione di Nueva Consonanza ». Avec ses camarades, il s’exprime dans l’art de la musique contemporaine expérimentale et notamment la musique concrète et électroacoustique. Sous le nom « Il Gruppo », ils sortent sept disques sur le prestigieux label Deutsche Gramophon, spécialisé dans la musique classique et contemporaine. Avec l’album « The Feed-Back », la formation livre un équilibre entre le free jazz avec la musique dite « d’avant-garde » avec une pointe de funk par moment. Les DJ et autres rappeurs citent cet album comme étant le plus recherché pour le sampler à outrance. Ennio Morricone a un rôle prépondérant dans la formation en y apportant son expérience dans la direction tout en se perfectionnant dans l’art de la musique électronique expérimentale. Leur vision très personnelle fait école et influence alors d’autres formations de musique d’avant-garde comme les Anglais du Evan Parker Electro-Acoustic Ensemble ou encore les suisses de Voice Crack ou encore John Zorn.
Cette expérience dans la musique expérimentale va conduire Ennio Morricone à varier son style dans la composition des musiques de films qui s’enchaînent à un rythme effréné.
Sa carrière est auréolée de chefs d’œuvre incontournables et notamment dans le western italien avec par exemple le célébrissime « Il était une fois dans l’ouest » ou encore « Mon nom est personne » il officie dans de nombreux genres comme le policier avec « Le serpent » ou encore la science-fiction avec « L’humanoïde » (j’y reviendrai plus tard) ou encore le fantastique en signant la B.O. de « The Thing », légendaire film de John Carpenter.
L’un des thèmes les plus connus en France est sans nul doute « Chi Mai » du film « Le professionnel » avec Jean-Paul Belmondo. Le générique de ce film a été pendant de très nombreuses années réutilisé pour la pub d’aliments pour chien « Royal Canin ». D’autres titres de Morricone sont alors pillés pour illustrer de nombreux reportages, documentaires et autres pubs. En 1971, l’ORTF utilise le thème de « A l’aube du cinquième jour » comme générique de l’émission « Italiques ».
Auteur de musiques pour Bernardo Bertolucci, Pier Paolo Pasolini, Dario Argento ou Marco Bellocchio, il acquiert une renommée internationale et la reconnaissance quasi immédiate de ses pairs, surtout avec Sergio Leone et la partition de « Pour une poignée de dollars ». Il réitère avec succès sa collaboration avec Leone, pour des classiques comme « Le Bon, la Brute et le Truand » ou « Il était une fois dans l’Ouest » qui obtiennent un triomphe discographique sans précédent, ou encore avec « Il était une fois la révolution ». Morricone poursuit également son travail dans des domaines de plus en plus divers, touchant à tous les genres.
Infatigable travailleur, il est à la tête de centaines de musiques de films et de dizaines de récompenses par exemple six Oscar, trois César, six British Academy Films awards, neuf Golden Globe ou encore six Grammy. On peut également le voir en concert quand il se lance dans des tournées où il dirige lui-même les orchestres, il y en a eu une il y a deux ans.

Pour la version italienne de « Cosmos 1999 », Ennio Morricone compose une musique qui fait la part belle au free jazz électro, mais également à la musique expérimentale utilisant ainsi son expérience au sein du Gruppo di Improvvisazione di Nueva Consonanza. Si des parties étranges demeurent orchestrales, on y trouve aussi des pièces purement électroniques relativement minimalistes.
Assez inégale, la musique demeure équilibrée et est très représentative du style Morricone de l’époque (fin 70’s). Néanmoins le thème final est beaucoup plus proche de son inimitable patte personnelle avec une musique lancinante sur laquelle des voix légères s’installent comme en apesanteur.
Mais si la musiqufile:///home/seb/Bureau/ddd/CM199_FIG05.jpg
e s’écoute sans aucun problème, elle demeure toutefois totalement hors sujet quand elle est appliquée aux images des films « Cosmos 1999 ». Ce côté free jazz est malheureusement inadapté pour les scènes de science-fiction telles que celle de la série britannique. Et si les parties électroacoustiques sont plutôt bien perçues, le thème final n’est absolument pas aussi marquant que le générique original resté dans la mémoire collective.
Mais écoutée à part, la B.O. de « Cosmos 1999 » par Ennio Morricone est un petit bijou de diversité sonore et stylique.

Mais si le nom de Ennio Morricone à cette époque est déjà l’un des noms les plus prisés dans le monde de la musique de film, sa partition pour « Cosmos 1999 » n’est pas éditée. Il faut attendre 2016 pour qu’un petit label Penta Music se décide à déterrer les enregistrements d’époque. Avec un CD à la couv plutôt banale, la B.O. de Morricone sort enfin de l’ombre nous permettant alors de découvrir son travail sur ce titre. Ce sont 18 pistes qui s’enchaînent agréablement en alternant très judicieusement les styles très différents des divers morceaux.
Mais c’est il y a quelques mois que cette B.O. se voit attribuer une édition double vinyle grâce au label Death Waltz Records. Ce label spécialisé dans les B.O. de films les plus improbables devient depuis quelques années l’un des éditeurs à suivre tant il nous livre de pépites musico-filmiques telles que de magnifiques rééditions de quelques John Carpenter, mais également des titres comme « Zombi 2 », « L’au-delà » et « City of the Living Dead » de Fabio Frizzi, « The Living Dead at the Manchester Morgue » de Giuliano Sorgini, « La maison près du cimetière » et « Les Guerriers du Bronx » de Walter Rizzati, « l’Éventreur de New York » de Fracesco de Masi, « La maison de Diable » de Jeff Grace ou encore « les nouveaux barbares » de Claudio Simonetti sans oublier le surprenant « Cannibal Hollcaust » de Riz Ortolani. De très nombreux classiques du cinéma bis foisonnent dans ce label qui n’est pas près de s’arrêter comme en témoigne la présence de la B.O. de « Twi Peaks » par Angelo Badalamenti.
Avec « Cosmos 1999 », Death Waltz Recordings nous livre un double vinyle 180 grammes de qualité comme à accoutumée.

Le montage en version film de certains épisodes de « Cosmos 1999 » date de la fin des années 70, et quand les Italiens demandent à Ennio Morricone de faire une nouvelle musique, celui-ci était dans une période faste et signait parfois des B.O. pour de nombreux films italiens de séries Z. jusqu’au milieu des années 80, son nom est associé à des films de qualité assez médiocres. Si Dino de Laurentiis fait appel à lui pour la partition de « Red Sonja » avec Brigitte Nielsen et Arnold Schwartznegger (connu en France sous le titre de Kalidor), d’autres producteurs italiens, qui se lancent dans le genre « fille barbare » avec « Hundra », font également appel à lui. Morricone s’auto caricaturera en utilisant les mêmes orchestrations et en variant peu les thèmes … mais avec nettement moins de moyens.
De nombreuses musiques de film plutôt bas de gamme lui sont attribuées comme par exemple « L’Humanoïde » en 1979. Ce film est l’une des multiples tentatives italiennes pour faire du « Star Wars ». Très médiocre tant dans la qualité des images que dans le jeu des acteurs, ce film met en scène deux des stars féminines du cinéma bis de l’époque, Barbara Bach et Corinne Cléry, mais également en tête d’affiche un certain Richard Kiel. Ce géant est très facilement repérable avec une impressionnante stature et un visage volumineux et carré. Cet acteur hors norme a été vu dans de nombreux films notamment dans « L’ouragan vient de Navaronne », mais surtout il a été l’un des méchants les plus emblématiques de la franchise James Bond puisqu’il fait face à Roger Moore dans « L’espion qui m’aimait » (où il croisait déjà Barbara Bach) et « Monraker » en incarnant le phénoménal Requin (Jaws)

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.