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Date de sortie 23 octobre 2013 (1h30min)
Réalisé par Alfonso Cuarón
Avec Sandra Bullock, George Clooney, Ed Harris
Genre Science fiction

Le docteur Ryan Stone (Sandra Bullock), experte en ingénierie médicale, vit son premier voyage spatial à bord d’une navette, accompagné de tout un équipage, dont l’astronaute chevronné Matt Kowalsky (Georges Clooney). Lors d’une réparation de routine sur une station spatiale, la moitié de cette dernière et la navette sont pulvérisées. Les deux astronautes sont alors en dérive dans l’Espace…

Alfonso Cuarón est un cinéaste talentueux. Il n’y a qu’à regarder « Les fils de l’homme » pour s’en rendre compte : maîtrise de la mise en scène avec des décors apocalyptiques plus vrais que nature, un scénario diablement original et une utilisation de la caméra audacieuse avec des plans séquences aussi longs que vertigineux. Son génie transparait à chacun de ses plans, qu’il amène avec une grande pertinence. Dire que son « Gravity » était attendu serait un euphémisme, tant il a suscité un vif intérêt de la part de la critique, des spectateurs, des cinéastes et même de la NASA qui affirme que c’est l’un des premiers films aussi réaliste sur le thème de l’Espace. Buzz Aldrin, l’un des trois premiers hommes ayant marchés sur la lune en 1969, s’est dit impressionné par le film de Cuarón et a déclaré avoir retrouvé les sensations exactes d’apesanteur. Tout le monde a été subjugué par le charme de ce film. Pourquoi ? Nous allons tenter de le savoir !

Alfonso Cuarón a voulu apporter de la nouveauté dans le cinéma de genre : le film sur l’Espace. Son parti pris à lui ? L’hyper-réalisme. Le scénario est le reflet de cette prise de position personnelle. L’histoire du film ne prétend aucunement rivaliser avec les poids lourds du genre, que sont « 2001 : Odyssée de L’espace » de Stanley Kubrick et « Solaris » de Andreï Tarkovski. Ces deux longs métrages ont su amener une réflexion philosophique et métaphysique sur l’Homme : son but, son existence, ses envies, sa domination de l’inconnu, etc. « Gravity » se détache clairement de ces films, en donnant à voir un scénario minimaliste au possible, se débarrassant de tout symbole amenant une quelconque réflexion métaphysique. Cuarón décide plutôt de réduire son scénario à une idée simple, et à faire de la psychologie de l’héroine le centre du film. Ainsi, le film se présente rapidement comme un huis-clos ouvert. Bien que l’oxymore parait surprenant, il résume assez bien l’atmosphère de « Gravity ». Sandra Bullock dérive dans l’espace, en état de choc. Elle est enfermée dans sa combinaison, qui est à la fois sa seule protection contre l’environnement hostile spatial et son cercueil. Durant la majorité du film, le spectateur se sent comme enfermé dans cette combinaison, et devient proche du personnage de Sandra Bullock, parfois jusqu’à la sensation de malaise. Même si l’espace est infini, la seule survie pour le personnage est sa combinaison, qui est aussi le seul lien qu’elle ait avec l’Humanité. La grande force de Cuarón est cette réduction de l’environnement du personnage pour le réduire à sa plus simple expression, sa combinaison du personnage, pour se rapprocher de ce dernier et donner à voir un film qui ne s’occupe plus de l’immensément grand, mais plutôt de l’immensément petit. Le personnage de Ryan est en état de choc et doit faire face au phénomène de résilience (NDLR : phénomène psychologique qui permet à une personne de prendre conscience de son traumatisme après un choc et de pouvoir le surmonter afin de se reconstruire). Dès lors, la lutte de la jeune femme devient le centre du film, et le réalisateur traite plus volontiers de la psychologie humaine face à l’immensité spatiale, plutôt que de donner une réflexion métaphysique personnelle. De part son parti pris, Cuarón dépasse les codes communément admis dans le genre.

Ce scénario est accompagné par la mise en scène de Cuarón, qui intensifie l’hyper-réalisme. Dès l’introduction du film, le décor est planté. Le réalisateur nous gratifie d’un plan séquence impeccable, très immersif avec une caméra qui retrace à merveille l’apesanteur spatiale avec des mouvements très lents, d’une durée de quinze minutes. Vous avez bien lu, quinze minutes ! Cuarón nous avait habitués à des plans séquences incroyables dans « Les fils de l’Homme », mais le réalisateur pousse la réalisation encore plus loin. Avec cette longue introduction, le spectateur a la sensation d’être réellement dans l’Espace, de flotter et de ne plus avoir le contrôle de ses déplacements. C’est une sensation unique, qui est à la fois grisante et dérangeante mais terriblement immersive. On rentre directement dans le film, surtout que l’absence de générique participe à cette immersion. Dès l’introduction, Cuarón démontre qu’il a beaucoup travaillé l’ambiance de son film et qu’il maîtrise parfaitement son sujet. Autant de génie donne le vertige !

D’ailleurs, le ton est donné pour tout le reste du film : le spectateur sera aussi mal à l’aise que l’héroine et n’aura aucun répit. L’ambiance anxiogène du film se pose rapidement comme une condition nécessaire au déroulement du film. Des surprises attendent le spectateur, et ses nerfs seront mis à rude épreuve durant ce voyage spatial bluffant. Le rythme du film est incroyablement mené. Les une heure trentes passeront à la vitesse de la lumière, tant l’intrigue, aussi minimaliste soit-elle, est très prenante, grâce à l’univers que Cuarón met en scène magistralement.

Quant à la musique, elle sait rester discrète. Dans l’Espace, aucun son n’est produit car le vide étouffe tout bruit. La difficulté pour Steven Price, compositeur de la BO du film, est de rendre ce vide tout en le comblant. Certains passages du film sont privés de musique, pour rendre l’ambiance spatiale unique encore plus palpable. La musique de Steven Price intervient parfois très discrètement, lors de certaines scènes. Les instruments savent rester neutres et très discrets, pour ne pas s’imposer face au silence déstabilisant. La musique est beaucoup plus présente, à mesure que le film évolue, pour nous amener vers le final. Alfonso Cuarón utilise parfaitement, et intelligemment, la composition de Steven Price pour donner encore plus de corps à son film.

Mais il ne faut pas oublier le casting, qui est à l’image de l’intrigue : minimaliste. Sandra Bullock, qui n’était connu du public que pour son rôle dans le film d’action « Speed » de Jan De Bont ou des rôles dans des comédies américaines peu subtiles. Ici, Bullock signe clairement son premier grand film. Sa prestation est tout simplement à couper le souffle. Elle arrive à rendre crédible l’état de choc, et à intérioriser certains sentiments. Son interprétation est stupéfiante, et rend hommage à cet actrice au talent insoupçonné. Le second acteur du film, Georges Clooney, reste au second plan. Il apporte une petite bouffée d’oxygène, de la légèreté, des temps de respiration nécessaire au spectateur afin d’éviter l’étouffement. Sa prestation reste honorable, sans pour autant être sa meilleure. Son rôle secondaire se fait évincer rapidement par celui de Sandra Bullock.

« Gravity » d’Alfonso Cuarón est un chef d’œuvre, car il repousse les codes du genre et apporte de la nouveauté avec sa mise en scène de génie et son hyper-réalisme bluffant. « Gravity » vous prend aux tripes de la première à la dernière minute, et ne vous lâche jamais. En sortant de la salle, vous aurez besoin d’un sas de décompression pour revenir tranquillement sur la Terre ferme, après ce voyage spatial mouvementé, haletant mais inoubliable.

Ze info en plus : Alfonso Cuarón a mis 4 ans pour réaliser « Gravity », le tournage ayant débuté en 2009 avec son fils. Ce dernier avait réalisé une séquence du film. Cuarón père trouvait que la séquence était hors de propos avec l’atmosphère du film, et sera disponible sur le dvd et le bluray du film en guise de court-métrage présentant une scène avant le film.


Ze info marrante :
Cuarón a crée des techniques inédites de tournage pour recréer l’apesanteur spatiale sur Terre de manière très réaliste. Ainsi, Sandra Bullock était enfermée dans une cage de verre, sur lequel était projeté des images de l’Espace. Les mouvements de la caméra étaient entièrement programmés, et Bullock n’avait qu’à jouer sa scène. Après une projection pour la presse, un critique a demandé à Cuarón comment il avait fait pour tourner dans l’Espace !