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Sorti 17 mai 2013
Réalisé par :Asghar Farhadi
Avec
Bérénice Bejo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa
Genre : Drame

Amhad (Ali Mosaffa) voyage de Théran à Paris à la demande de son ex-épouse Marie (Bérénice Béjo), pour finaliser la demande de divorce. Marie héberge Amhad dans son ancienne maison qu’elle occupe désormais avec son nouveau compagnon, Samir (Tahar Rahim). Samir évite autant que possible Amhad. Durant son séjour, ce dernier se rend compte de la relation conflictuelle qu’entretient Marie avec sa fille Lucie (Pauline Burlet). Amhad va tenter de réconcilier les deux femmes. Au fur et à mesure de son entreprise, Amhad découvre qu’un secret est la source de ce conflit, un secret lié au passé…

Après le poignant « Une séparation », Asghar Farhadi a présenté son dernier film au Festival de Cannes ainsi que dans les salles obscures : « Le passé ». Ce film se compose d’une mise en scène inattendue et surprenante. Tout d’abord, la trame est très simple. Elle tend à reproduire la simplicité des évènements dans la vie réelle. Rien n’est extraordinaire dans l’histoire que donné à voir Farhadi, car il s’agit d’une situation que vous pouvez vivre vous-même. Tout le génie du film tient dans cette simplicité. De ce fait, « Le passé » gagne en intérêt.

De plus, le film ne contient presque pas de musique, à quelques exceptions près (une séquence au début avec une musique d’autoradio « in », une transition entre deux scènes). La seule musique qui englobe le film est la musique finale du générique. Ce choix artistique particulier crée une atmosphère particulière au film, pleine de réalisme et de tensions. Lorsque les conflits grondent, la musique n’atténue jamais les paroles humaines, ni les émotions. L’effet de tampon est annulé, permettant ainsi aux émotions de s’amplifier dans la réception du spectateur et de lui faire avoir une boule à l’estomac. Voir ces personnages s’entredéchirer met mal à l’aise en l’absence de musique. Les paroles et les actes des personnages semblent avoir plus d’échos et de résonnances. Mais la tension provient également du décor. Ce dernier est constitué essentiellement d’une maison de banlieue, situé près d’un chemin de fer dans un quartier modeste de la région parisienne, décharnée en construction, à l’image de la famille montrée. La lumière n’est jamais éblouissante, la grisaille est toujours présente. En extérieur, le temps est toujours couvert ou la pluie vient s’incruster habilement dans les plans. La trame du « Passé » est pessimiste, voire sans espoir possible.

Enfin, la tension est amenée par les acteurs eux-mêmes, troublants de réalisme et de sincérité. Bérénice Bejo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa et Pauline Burlet s’entrechoquent, se disputent, s’évitent, se hurtent, se réconcilient parfois sous le regard du spectateur qui voit les destinées des personnages tisser des liens, à la fois solides et complexes. Les prestations sont époustouflantes, à l’image de Bérénice Béjo qui arrive à composer un personnage en proie au doute. Son prix pour la meilleure intéprêtation féminine au dernier Festival de Cannes est mérité. Tahar Rahim arrive à révéler quelques aspects intéressants et inédits dans son jeu d’acteur. Ali Mosaffa, le personnage tampon du film, est attachant et Pauline Burlet, une actrice belge très prometteuse, arrive à donner vie à son personnage. Elle est l’une des révélations du film.

« Le passé » d’Asghar Farhadi est un film complexe, sombre, pessimiste, empreint de tensions. Son atmosphère particulière, apportée par l’absence de musique notamment, donne une résonnance particulière à ce film profondément réaliste et humain. Le plan final du film, une petite perle à découvrir, est une autre excuse pour se laisser emporter dans cette histoire simple, touchante et âpre. Un excellent film qui aurait dû avoir la Palme d’Or.

Ze info en plus : Ce film a été l’un des préférés de Steven Spielberg, président du jury au dernier Festival de Cannes.

Ze info sur l’absence de musique : Lors du dernier Festival de Cannes, une question a été posée au réalisateur Asghar Farhadi par un journaliste : « Votre film ne contient aucune musique parce que vous n’aimez pas la musique? ». Le réalisateur a répondu : « Ce n’est pas parce que je n’aime pas la musique que mon film n’en possède pas, c’est parce que je l’aime trop au contraire. Ce qui me gêne, c’est d’insérer de la musique dans un film alors que ce n’est pas le quotidien. […] Quand vous êtes dans le métro, vous n’entendez aucune musique. Vous entendez le bruit des rails. ». Farhadi voulait du réalisme poussé pour son film.