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Evil Dead, (réalisé par Sam Raimi)

Cinq jeunes gens louent une cabane au fond des bois à un prix avantageux, pour les vacances. A leur arrivée, l’habitation leur semble spartiate mais confortable. Plus tard dans la soirée, un des jeunes hommes fait une trouvaille bien étrange: un livre nommé le Necronomicon ainsi qu’une bande sonore enregistrée qui cite le livre. Il décide de la partager avec tout le monde. Mais les paroles du livres libèrent quelque chose de terrifiant dans les bois. Le calvaire des jeunes gens commence…

En 1984, Sam Raimi est un jeune réalisateur. Il décide de réaliser son premier long métrage. N’ayant pas beaucoup d’argent, il décide d’utiliser les moyens qui sont à sa disposition. C’est ce que l’on peut retenir d’Evil Dead, plus de vingt ans après sa sortie en salle : quand on a peu de moyens, la réalisation d’un long métrage est possible avec de la créativité. Sam Raimi déborde de créativité et nous allons voir pour quelle raison.

L’histoire du film tient sur un timbre poste, et pourtant, il est encore une référence de l’horreur à l’heure actuelle. Pourquoi ? Tout d’abord, l’histoire n’est pas l’essentiel du film, qui n’est qu’un prétexte pour terrifier le spectateur, mais possède des qualités indéniables. La trame tient de l’huis clos bien mordant, dont aucune échappatoire semble possible. Le décor anxiogène de la forêt participe à la terreur. Le spectateur est alors conditionné dès les premières minutes : si un problème survient dans la cabane, personne ne peut s’en sortir. Ensuite, Sam Raimi ne s’attarde pas beaucoup sur ses personnages. Il en dessine un vague trait de caractère, qui ne servira qu’à faire réagir un personnage de manière prédéfinie à une situation donnée. Après la présentation du lieu et des personnages, le réalisateur insère un élément perturbateur : le livre et sa bande enregistrée. De là, la terreur va découler de cet événement sans temps mort, jusqu’au bord de la folie pure, ce que recherche le spectateur. Nous pouvons dire que l’histoire ni l’élément principal du film, ni la source du succès du film à travers les décennies. La Vérité est ailleurs…

Le véritable tour de force de Raimi est de fournir une terreur croissante durant toute la durée du film mais avec des moyens peu coûteux. En effet, le maquillage, source essentielle de réalisme pour rendre palpable l’horreur des monstres, est de qualité moyenne. Il semble réalisé à partir d’une pâte épaisse bon marché puis colorée après application (si vous êtes attentifs, vous pourrez même remarquer des oublis de maquillage sur les acteurs). Le sang paraît être du ketchup bas de gamme. Le manque de moyen de Raimi se fait ressentir. L’absence d’effets numériques accroît cette sensation.

Mais alors, comment Raimi arrive-t-il à fournir un film à la fois effrayant et marquant pour l’histoire du cinéma ? La réponse : le cadrage. Le réalisateur maîtrise son cadrage de manière quasi-parfaite. C’est par ce biais qu’il arrive à insuffler de la vie à son long métrage. Il fait ressentir à son spectateur l’émotion exacte qu’il a choisis par ce biais là. Par ailleurs, il utilise le hors champ pour signifier ce qu’il ne peut montrer à l’écran par manque de moyen. Le point de vue subjectif du monstre, c’est-à-dire que la caméra épouse le champ de vision du monstre, accompagne cette créativité débordante vers des sommets, même avec un cruel manque de moyen.

Pour le casting, les acteurs sont composés de jeunes acteurs amateurs, dont un jeune Bruce Campbell, ami de Sam Raimi. Campbell deviendra l’égérie de Raimi, qui l’invitera à jouer des caméos dans ses films (à vous de les trouver, à moins que vous donniez votre langue au chat…).

Pour finir, nous pouvons dire que « Evil Dead » a marqué des générations entières par sa créativité malgré son manque de moyen. Sam Raimi utilise le cadrage à son avantage, pour faire de cette aventure une plongée unique dans la terreur. Il reste une source d’inspiration pour beaucoup de films du genre (Cabin Fever, … pour ne citer que lui) et pour beaucoup de jeunes réalisateurs, qui voient en lui un espoir pour leur carrière future : le manque de moyen n’arrête pas la créativité. Par ailleurs, le film connu un très grand succès, inattendu, et engendra deux suites, dont nous allons parler.

Ze info : la voiture utilisée par les jeunes gens est celle de Sam Raimi. Cette voiture sera récurrente dans les films réalisés par Raimi, de « Darkman », à « Un plan simple », en passant par la trilogie « Spider-man » !

Evil Dead II

Ashley, dit Ash (Bruce Campbell), part en vacances avec sa fiancée Linda (….) dans une cabane au fond des bois. Les tourtereaux roucoulent tranquillement, lorsqu’un soir, Ash trouve une livre, le Necronomicon, et une bande sonore qui cite le livre. Les amoureux l’écoute et le livre libère une Chose dans la nuit. Le cauchemar de Ash commence…

Trois ans après « Evil Dead » et son succès inattendu, Sam Raimi propose une suite aux aventures d’Ash. Une suite, mais pas tout à fait. Le succès du premier film a apporté au réalisateur des moyens qu’il ne possédait pas pour tourner le premier opus. Ceci est l’occasion pour Raimi de reprendre son original et de l’améliorer. Ainsi, dès les premières minutes du film, le réalisateur propose un résumé de l’original, mais en changeant certaines choses. Le déroulement reste le même, mais les personnages ont changés. Ash ne part pas en vacances avec des amis, mais seulement avec sa fiancée, et lui seul trouve le livre des morts. Raimi semble vouloir faire table rase de l’original et partir sur de nouvelles bases, de nouveaux enjeux, afin de renforcer la psychologie de Ash. Il désire se concentrer sur un seul personnage pour pouvoir l’approfondir, contrairement à l’original dans lequel cinq personnages étaient présents mais dont leur psychologie n’étaient pas très développée. Après le prologue, le film commence sur le même plan sur lequel le film original se finissait, ce qui est une preuve de la volonté de Raimi de proposer un film hybride, entre le remake et la suite.

De ce fait, en quoi «Evil Dead II» se distingue-t-il de l’original ? Tout d’abord, il se démarque par sa vision différente de l’histoire originale. En effet, le premier opus misait sur l’horreur pure, au premier degré assumé pour rendre palpable la terreur. Dans le second volet, le ton du film est radicalement différent, et se rapproche davantage de la comédie noire. L’horreur est toujours présente, mais se manifeste d’une autre manière. Le monstre ne veut pas seulement tuer Ash, comme dans l’original, mais s’amuser avec lui, avec ses nerfs et sa psyché. Ceci donne lieu à des gags dignes de «Tex Avery», à grand renfort de bruitages cartoonesques et de situations aussi ahurissantes qu’absurdes (les flots de sang qui jaillissent des murs, Ash qui se coupe la main droite car elle est possédée par le démon et se greffe une tronçonneuse à la place, etc). Tout est fait pour faire rire jaune le spectateur, face à cette horreur unique, qu’il n’a pas vu ailleurs. Raimi s’amuse à malmener son personnage principal, dans une comédie noire qui veut rester, tout de même, dans l’horreur de l’original. Mais le film s’affranchit de son aîné par ce ton différent.

Mais aussi, cette suite se démarque de l’original par les moyens qui ont servis à le réaliser. Le maquillage des acteurs est professionnel. La pâte monstrueusement épaisse du premier opus fait place à des masques finement maquillés et des moulages réussis. De plus, les effets spéciaux numériques font leur apparition. Ils servent à élargir les possibilités pour l’histoire et rendre plus crédible certaines situations. Cet apport est considérable par rapport au premier opus et lui permet de rendre le film moins répétitif, avec des situations variées à l’écran.

Enfin, le casting se renouvelle, avec des acteurs qui ne savent pas jouer correctement. Heureusement que Bruce Campbell, alias Ash, se débrouille parfaitement. Il tient le film sur ses épaules, sur son interprétation, et montre au public qu’il est un très bon acteur, en jouant tour à tour le personnage schizophrène et son dédoublement de personnalité. Petit secret : l’acteur qui joue Henrietta morte, la femme du professeur Knowbi, n’est autre que Ted Raimi, le frère du réalisateur Sam Raimi.
«Evil dead II» est une suite mâtinée de remake. Sam Raimi s’est permis quelques retouches sur son original, en apportant des moyens inexistants à l’époque du premier opus et un ton comique cartoonnesque unique qui fait prendre à la saga un tournant inattendu. Le succès est au rendez-vous, et Raimi fera de sa saga une trilogie.

Ze info : la version anglaise d’ «  Evil dead II » est 4 secondes plus courte que la version internationale, car un plan sanguinolent a été retiré par la censure britannique !

Evil Dead III : L’armée des ténèbres

Après avoir vaincu le Démon, Ash (Bruce Campbell) se fait aspirer dans un trou noir géant. Après un voyage mouvementé, il atterrit dans un monde bien étrange : au milieu du XIIème siècle ! Il devient captif des locaux, mais ces derniers s’aperçoivent qu’ils sont dans le même camp. Dès lors, le but d’Ash est de trouver le Necronomicon, le livre des morts, pour retourner à son époque.

Le premier « Evil dead » jouait la carte de la terreur pure. Le second accentuait ce sentiment en le couplant à des effets gores et de l’humour noir cartoonesque délirant, pour donner un film entre l’horreur pure et la comédie. « Evil dead III : L’armée des ténèbres » prend encore un autre chemin : la comédie assumée. Que ce soit dans la trame, les péripéties, le jeu des acteurs, tout est fait pour amuser le spectateur, et le faire frissonner parfois. Le mélange est visible dans plusieurs parties constitutives du film.

Tout d’abord, la trame d’  « Evil dead 3 » est assez singulière. Ash, le protagoniste est propulsé au Moyen-Age. Le décalage entre l’époque d’Ash et celle de ses aventures dans ce film devient alors source d’un humour très plaisant, décontracté et totalement amusant. Le film utilise la parodie des films de chevaliers pour insérer une première dose d’humour dans la première partie du long métrage. Ce dernier détourne les codes du genre, de manière plus ou moins subtile, mais toujours fun. Le deuxième type d’humour est l’humour noir, utilisé avec des séquences horrifiques originales, et avec un cadrage parfaitement immersif réalisé par Sam Raimi. Cependant, cet humour omniprésent désamorce les scènes de terreur présentes. Elles sont peu nombreuses et rarement aussi intenses que dans les autres opus. Le film pratique davantage l’humour que l’horreur, et prend en contrepoint tout le travail précédent de Sam Raimi sur les deux autres films. Le réalisateur prend à contre-pied aussi les spectateurs qui attendait de l’horreur pure et du gore omniprésent.

Enfin, les acteurs s’en donnent à cœur joie afin de rendre cet humour palpable, surtout avec un sur-jeu total parfois. Bruce Campbell interprète Ash, ce looser malchanceux aux répliques aiguisées. L’acteur arrive à transformer le personnage en lui donnant plus d’assurance par rapport aux autres opus et plus d’épaisseur psychologique. Son caractère endurci par les évènements passés lui donne beaucoup de confiance en lui, ce qui se traduit par des répliques impertinentes et un humour cynique. Bruce Campbell a su faire évoluer Ash ainsi que la figure d’antihéros qu’elle sous-entend. Elle devient très fun ! Les autres acteurs sur-jouent au possible et ne se prennent pas au sérieux. Ils participent au comique du film. A noter l’apparition de Sam Raimi en soldat mort qui court au milieu des autres squelettes chaussé de baskets blanches, et la présence dans trois rôles de Ted Raimi, le frère du réalisateur !

« Evil dead III : l’armée des ténèbres » est un contrepoint inattendu dans la saga, en jouant la carte de la comédie assumée, mâtinée de terreur. Cette légèreté qui rapprocherait le film du nanar participe, en réalité, à sa grandeur car elle se couple à l’inventivité de Sam Raimi et son savoir-faire dans le cadrage qui font de cette épopée inattendue un rendez-vous inoubliable et unique.

Ze info : « Evil dead III : l’armée des ténèbres » possède deux fins. La première est celle que vous découvrirez en regardant le film. La seconde met en scène Ash qui, après avoir remonté le temps, sort d’une caverne et s’aperçoit qu’il se trouve dans un Londres ravagé par le Démon. Cette fin est restée longtemps exclusive en France.

Afin de conclure, la saga « Evil dead » est hors norme. L’original a transformé le cinéma d’horreur et a fait naître des vocations de jeunes réalisateurs. Le second transgresse les codes de la suite, tout en les suivant un peu. Le dernier film a bousculé les attentes des spectateurs et Sam Raimi a surpris tout le monde. « Evil dead » est une trilogie inventive, inattendue, incroyable, surprenante, drôle, terrifiante, jouisive, travaillée. Les superlatifs ne manquent pas à son sujet. Elle reste une petite perle précieuse, un joyau unique dans le genre de l’horreur dont on ne peut passer outre, et, après tout, culte !

Ze grosse info : Le remake de l’original entre en salle obscure et donne des idées à Sam Raimi. Ce dernier avec Ted Raimi vont travailler sur le scénario d’un « Evil dead 4 » ! Le réalisateur lui-même l’a confirmé lors de la promotion du « Magicien d’Oz ». Le film retrouvera son acteur fétiche Bruce Campbell.