DREED_AFFICHE
sortie en dvd le 11 février 2013
Realisé par Pete Travis
avec Karl Urban, Olivia Thirlby, Lena Headey

Dans les années 2100, les Etats-Unis sont plus qu’un grand désert radioactif suite à une explosion nucléaire. Personne ne peuple ce désert, à part des rebuts de la société. Les trois quart de la population sont réunis dans des « Méga-Citée », des mégalopoles immenses qui concentrent un nombre très important de personnes au mètre carré. La toute première, et la plus connue, est Mega-City One. Dans cette dernière, le seuil de criminalité est considérable et ne cesse d’augmenter. La justice ne peut faire face. Alors, le système judiciaire se transforme. Désormais, les agents de police posséderont les trois pouvoirs essentiels judiciaires pour gagner plus de temps et éviter des procès inutiles. Ils deviennent policiers, juges et bourreaux. Parmi eux se trouvent le juge Dredd (Karl Urban), une personne rigide, intransigeante et remplie de colère envers cette société pourrissante.

Dans les rues de Mega-City One, une nouvelle drogue circule, appelée le « Slow-mo ». Elle donne une sensation de ralentissement du temps cent fois inférieure à la réalité. Cette substance pollue la ville. En parallèle, le juge Dredd doit travailler avec une nouvelle recrue qui possède des pouvoirs télépathiques, le futur juge Anderson (Olivia Thirlby). Lors de leur première mission commune, ils sont enfermés dans un immeuble, celui détenu par Ma-Ma (Lena Headey), une grande baronne du crime organisé. Elle ne veut qu’une seule chose : la peau des deux juges, littéralement.

Le Juge Dredd est un personnage très peu connu en France. A l’origine, il est le personnage d’un comics américain écrit par John Wagner et Carlos Ezquerra dans la revue britannique de science-fiction « 2000 A.D. » en 1977. Le Monde dans lequel vit Dredd est un Monde sale, vicieux et très violent. Cet univers adulte assumé est ce qui lui permet d’aborder des faits de société très sérieux, comme la drogue ou la sexualité. Puis, le succès aidant, Dredd aura une adaptation très libre du comics avec le film « Judge Dredd » réalisé par Danny Cannon, sortie en 1995. La star, encore en vogue à cette époque, Sylvester Stallone qui incarna le juge. Mais à sa sortie, le film est un échec et devient même un nanar célèbre dès sa sortie. La raison ? Le personnage de Dredd n’était pas respecté. En effet, il ressemblait à un rôle supplémentaire joué par Stallone : un gros dur qui se prend des coups, mais qui gagnera au final sous les applaudissements. On peut affirmer que la personnalité de Stallone a écrasé celle du juge, ce qui donne une relecture sans respect pour l’œuvre originale. L’histoire est elle-même brouillonne, compilant plusieurs albums en un même film et qui souhaite présenter les origines du personnage en même temps que l’univers dans lequel il évolue. Il en ressort une histoire bâclée au possible, avec des personnages insipides et des effets spéciaux ratés, même pour l’époque ! (Il ne faut pas oublier que le « Terminator 2 » de Cameron et « Jurassic Park » de Spielberg sont passés par là et ont placé la barre très haute niveaux effets visuels numériques). Le sentiment qui ressort de cette première incursion audiovisuelle du personnage est la sensation de faire face à un film sorti tout droit des années 80 dans les années 90. Effectivement, car il ne faut pas oublier de mentionner que tous les clichés des films d’actions de la décennie précédente sont présents : un manichéisme latent (Gentil contre Méchant), le méchant est habillé en noir, le Gentil se fait avoir même si on a vu qu’il pouvait être très malin lors de sa scène de présentation, des péripéties dont le héros se sortira avec une absurdité totale, la punchline finale avant d’achever le méchant, le héros qui est acclamé et même applaudi lors de la scène finale. Un ratage complet.

Les années ont passé. Le juge était oublié dans le cinéma. En 2012, Dredd revient dans un remake, intitulé sobrement « Dredd ». Le titre annonce clairement la couleur : ce film se veut plus proche du comics d’origine.Nous commencerons ainsi par l’histoire. « Dredd » propose une trame qui se centre autour du personnage éponyme. Travis ne souhaite pas présenter les origines du personnage, il élude clairement l’idée. Le film se rapproche d’une tranche de vie, d’une histoire ponctuelle dans le quotidien du juge Dredd.

Le film débute par une présentation en action de tous les éléments importants du film et se déroule rapidement en huis clos jusqu’à la fin. Les deux juges grimper les étages un à un pour éliminer Ma-Ma. Outre cette progression très vidéoludique, « Dredd » souffre d’une accointance cinématographique avec le scénario de « The Raid », un film d’action asiatique sorti quelques mois avant. Or, beaucoup de gens rappelle cette similitude sur le net, mais avec plus ou moins de finesse. Il faut savoir que, même si la progression est la même, la source qui engendre le huis-clos n’est pas le même. En effet, dans « The raid », l’huis-clos est attendu par les personnages du film, qui se sont entraînés pour cette situation. Ils ont conscience que cette progression verticale doit se faire pour un but précis et génèrent, donc, cette situation. Dans le cas de « Dredd », le huis-clos n’est pas prémédité et les deux juges subissent l’enfermement malgré-eux. La progression verticale n’est pas une opération professionnelle, mais apparaît plutôt comme une lutte personnelle qui engendre une vendetta. En ce sens, il est inutile de comparer les deux films, car les scénarii sont différents dans leur traitement.

Par ailleurs, «  Dredd » est un film d’action et s’assume en tant que tel. Le scénario est balayé de toute trame secondaire liée à une romance pour éviter de trop se délayer : il va à l’essentiel. Dredd essaie de survivre dans cet immeuble hostile, et c’est tout. Le long métrage gagne ainsi en lisibilité par rapport à celui de 1995 et permet de présenter l’univers du juge autant que possible. Le long métrage évite également les écueils des remakes actuels, c’est-à-dire vouloir présenter à tout prix un personnage pour expliquer son comportement. « Dredd » présente son personnage avec un portrait en action et le place en situation afin que le spectateur puisse faire sa propre opinion sur lui. Un peu de subtilité ne fait pas mal !
De plus, le film respecte l’univers du comics. Ainsi, la violence extrême de la Méga-Citée ressort du long métrage. Elle n’est pas gratuite, elle est nécessaire pour se rapprocher au plus près de l’œuvre originale et pour souligner en très peu de temps, ainsi qu’avec peu d’éléments, le haut degré de vices que possède cette société. Cette violence est mise en avant par des ralentis, au taux de saturation important de la couleur. Ces derniers sont la représentation visuelle des conséquences du « Slow Mo », la nouvelle drogue combattue par Dredd, qui donne une sensation de ralentissement à la réalité ambiante du sujet. Le résultat est plutôt surprenant et donne ainsi au film une occasion d’appuyer certaines scènes fortes. Une des trouvailles du film. Il est à noter également que la couleur utilisée majoritairement dans les images est une forte nuance de gris, qui rappelle l’aspect sale de la Méga-Citée, mais aussi pour appuyer la gravité des situations.

Il est aussi important de souligner que l’univers du juge Dredd se veut réaliste, à savoir que les éléments du film ont été retravaillés en ce sens. Tout d’abord, les rues de Mega-City One ressemblent davantage à des rues de notre siècle. Le film ne propose pas un univers futuriste en carton pâte. Il s’inspire directement de la réalité. Les véhicules ne volent pas, mais roulent et ressemblent à nos voitures. Les gratte-ciels sont reconstruits en image de synthèse mais ressemblent à ceux de notre réalité. En ce qui concerne le juge Dredd, il apparait plus proche de notre quotidien également. Son uniforme est un croisement entre un équipement de motard et un uniforme de CRS, sans oublier son inimitable casque de motard sur la tête. Le tout est moins voyant que le film de 1995, moins kitch et impressionne davantage. L’arme utilisée par le personnage possède un aspect proche d’une mini-mitraillette avec rechargement manuel, mais sa commande vocale pour changer de type de munitions. Le tout est donc tout à fait réaliste mais en apportant une dose légère de science-fiction. L’univers est parfaitement crédible à l’écran.

Au niveau de l’interprétation, elle reste de qualité sans pour autant être parfaite. Karl Urban, habitué à des rôles différents de celui-ci, interprète Juge Dredd avec justesse. Il appuie son expression faciale colérique et transforme sa voix pour rendre palpable son personnage. Son interprétation est très proche du comics et fait oublier celle de Stallone. Olivia Thirlby sent sort pas trop mal, même si elle peut apparaître parfois inexpressive. Quant à Lena Headey, elle arrive à tirer son épingle du jeu en interprétant une psychopathe franchement singulière, avec tout le maquillage qu’elle porte. L’interprétation des autres acteurs est assez inégale, c’est dommage, mais les personnages principaux rattrapent le niveau.

Pour conclure, « Dredd » est un remake efficace, proche du comics et balaye les clichés des reboot et autres remakes actuels en se focalisant sur l’essentiel de sa narration. Les fans du juge retrouveront tout l’univers du comics, ainsi que leur juge préféré qui est parfaitement retranscrit à l’écran par Karl Urban. Les autres découvriront un film nerveux, violent et efficace. Par ailleurs, le film ressemble à une présentation du juge. Un des meilleurs reboot actuels !

L’avenir du juge Dredd au cinéma :
Une suite serait la bienvenue, vu l’excellente qualité du film. Mais l’avenir du juge Dredd au cinéma est bien incertain, car le film est sorti directement en DVD dans l’hexagone, vu les faibles recettes américaines. Une vente aux enchères a eu lieu en février pour revendre les objets du film. La production a trouvé ce moyen pour renflouer ses caisses. Par contre, une surprise inattendue s’est produite : les ventes du dvd et du bluray battent des record en Europe ainsi qu’aux Etats-Unis. Les producteurs attendent de voir les résultats finaux de l’exploitation en galette pour se décider sérieusement à financer une suite. Espérons que les ventes seront satisfaisantes à leurs yeux…