Django, de Sergio Corbucci
Un homme solitaire, tirant un cercueil au milieu des plaines. L’homme s’appelle Django (Franco Nero). Au milieu de son périple, il découvre qu’une femme (Loredana Nusciak) se fait battre par cinq hommes. L’homme tue les tortionnaires, et libère la jeune prisonnière. Le nouveau couple arrive en ville, une citadelle déserte. Il apprend qu’une guerre fait rage dans la région entre un général américain et un révolutionnaire mexicain. Django va s’interposer entre eux.
En 1964, Sergio Leone réalise « Pour une poignée de dollars ». Avec ce film, il crée un nouveau genre cinématographique : le western spaghetti. Ce genre vient contrebalancer le western américain classique. Ce dernier se définissait par deux thématiques centrales : la lutte pour le territoire et la vengeance. La vision présente dans ce genre était très manichéenne : le cow-boy américain est bon et juste, l’indien est tout le contraire. Le western a connu de beaux jours couvrant une très large période de l’Histoire, des années 1910 jusqu’à la fin des années 1950. Avant les années 1960, le genre est en perte de vitesse. En 1964, Leone dépoussière le genre : le film est réalisé en Espagne et sera une production italienne, les situations sont plus réalistes, le film est plus violent que son homologue américain, la trame principale tourne autour de thématiques variées (l’argent, la trahison, la vengeance, la famille, etc…), l’humour grinçant parcours le film. Le western spaghettis était né. Le terme de « spaghetti » est un terme utilisé par les américains de l’époque censé rabaisser le genre. Plusieurs réalisateurs se sont succédés, dont Corbucci qui réalisa « Django » en 1966.
Il serait une erreur de croire que Corbucci copiait sur Leone. Il reprend les codes instaurés et se les approprie, de telle manière que le traitement de « Django » est différent du film de Leone. En effet, le film présente un personnage charismatique, solitaire, peu bavard mais qui préserve une aura quasi mystique. Django n’est pas sans rappeler l’Homme sans nom, joué par Clint Eastwood dans le film de Leone. La force du personnage réside moins dans son mystère que dans son apparente force. Apparente, car malgré le fait que Django se montre puissant, il reste mortel. Les ennemis peuvent le blesser, lourdement. Dès lors, il perd son aura mystique pour reprendre sa condition d’homme. Dans le western américain, les protagonistes sont invincibles, rien ne peut les blesser. Dans le « spaghetti », les personnages sont plus réalistes, ils ne sont que de simples humains.
De plus, Corbucci adopte une trame intéressante à plusieurs niveaux. Sa structure générale est double. Dans la première moitié du film, Django est un héros classique, qui va venger les opprimés. Dans la seconde, il apparait comme quelqu’un de cupide, de terriblement humain et va même être blessé mortellement, car victime de son défaut. Django n’est donc pas manichéen, et s’éloigne des personnages classiques du western américain de ce fait. D’ailleurs, tous les personnages possèdent tous des motivations douteuses et ne sont pas caricaturaux, ce qui souligne également la dangerosité de l’univers de Corbucci dans le film. La seconde raison qui fait que la trame est intéressante, ce sont les situations surprenantes dont le héros fait preuve pour prendre le dessus sur ses ennemis, à l’image du cercueil de Django dont l’utilisation est remplie d’ironie. La différence est frappante avec le western américain, dont les personnages combattaient de manière prévisible et honnête. A ce titre, l’article ne dévoilera rien du film, vous laissant l’entière découverte.
Autre fait intéressant, le film présente une violence omniprésente, parfois extrême. Le style de Corbucci se veut sans concession, sans morale, brut. Il rend l’âpreté des relations entre les personnages et l’aridité du désert ambiant. Les blessures de Django restent insoutenables, surtout pour le public de l’époque (Pour le montage final, certaines scènes ont été coupés et restaurés sur les deux dernières éditions dvd). L’univers de Corbucci opère dès lors une rupture radicale avec la vision de Leone, qui montre cette violence, mais l’appuie beaucoup moins car, pour Leone, la violence réside dans les relations entre les personnages.
Enfin, la relation entre les personnages marque la dernière singularité de Corbucci avec le genre. A la différence de Leone, les personnages dans « Django » possèdent tous des relations malhonnêtes et à double sens. Chez le premier cinéaste, les personnages tissent des relations où le respect est présent et, avec certains, l’est beaucoup moins. Chez Corbucci, quasiment toutes les relations ne sont pas empreintes de respect. Les personnages se mentent, cachent leurs véritables intentions à l’autre, trahissent. Le réalisateur montre que la faune dangereuse ne se trouve pas seulement dans le désert, mais également en ville. Corbucci rend donc ses personnages peu recommandables, peu respectueux parfois, mais terriblement réalistes. Il ne faut pas oublier que les acteurs sont bons. Franco Nero est en tête, avec un charisme à la manière de Terrence Hill avec des yeux clairs, qui viennent contrebalancer avec la poussière et la boue du visage de l’acteur.
En résumé, « Django » de Sergio Corbucci est un film qui s’inscrit de manière évidente dans le genre du western spaghetti, mais arrive à s’affranchir du style de Leone pour trouver son propre style, plus proche de la réalité que celui du second réalisateur.