Breaking bad – Vite, fais passer !
Qui aurait cru que la vie d’un prof de chimie pourrait se révéler aussi passionnante ? Surtout pas moi, qui passait le plus clair de mon temps caché au fond de la classe, pas loin des radiateurs comme on dit, la tête rentrée entre les épaules pour éviter que Droopy capte mon regard et en profite pour me demander le numéro atomique de l’oxygène. Alors que cette série parvienne malgré tout à me scotcher au fond de mon canapé jusqu’à ce que l’intrigue se dénoue relève d’un tour de force qu’il convient de ne pas passer sous silence. A quoi ça tient, me direz-vous ? Eh bien d’abord au personnage principal, ce cher Walter White joué par l’acteur Bryan Cranston, antihéros parfait, physique commun d’un enseignant que nous avons tous été amenés à croiser, mauvais goût assumé dans ses vêtements, sa coiffure ou encore sa voiture de marque indéterminée. Père d’une famille de la classe moyenne américaine se composant d’une femme blonde comptable et d’un fils adolescent handicapé moteur, Walter traverse une vie réglée comme du papier à musique. Il assure ses cours correctement sans plus et ne se pose pas trop de questions existentielles, si ce n’est qu’il s’épuise en doublant sa journée de travail dans une station de lavage automobile pour assurer les traites de fin de mois, ce qui entre parenthèse en dit quand même assez long sur le statut des professeurs de l’enseignement public aux Etats-Unis…
Cette existence morose aurait pu se prolonger jusqu’à sa retraite hypothétique si Walter ne s’était pas pris une baffe magistrale en pleine poire en se voyant diagnostiquer un cancer du poumon. A partir de là rien ne va plus. Les médecins ne lui pronostiquent que quelques semaines de sursis et en suivant il réalise que son assurance ne lui permet pas de bénéficier des meilleurs traitements. Bienvenu au paradis du libre choix en matière de santé ! Voilà donc notre Walter transformé en mort vivant avant l’heure, situation qu’il a du mal à accepter et qu’il décide de cacher à ses proches.
À ce stade, on s’attend à le retrouver bientôt pendu dans le garage mais notre héros trouve en lui des ressources insoupçonnées pour brouiller les pistes et empêcher que la première saison ne s’achève prématurément. Car maintenant il s’agit de survivre, mais aussi de trouver un moyen de mettre sa famille à l’abri avant que sa fin n’advienne. Cette volonté serait restée lettre morte si Walter n’avait pas eu la chance de tomber sur son ancien élève Jesse Pinkman, jeune homme en déshérence dont le seul job est de dealer de la drogue. Cette association va se révéler explosive dans tous les sens du terme, le professeur se débarrassant d’une bonne partie des règles morales fondant son existence pour s’engager dans la voie de l’illégalité, mais aussi du dépassement de soi.
Se révélant un des meilleurs chimistes de sa génération, il va trouver le moyen de produire de la drogue d’une pureté exceptionnelle, une méthamphétamine bleue que Jesse parviendra à vendre en utilisant son réseau de petits malfrats. Très vite les bénéfices sont au rendez-vous mais aussi les embrouilles, car leur petit commerce empiète sur celui des revendeurs qui détiennent déjà la zone. La survie ne consistera plus alors à se battre contre la seule maladie, mais aussi à échapper aux griffes de voyous coriaces prêts à tout pour les asservir dans leurs seuls intérêts.
Les différentes saisons déclinent alors, par de multiples rebondissements, la manière dont nos deux compères parviennent à naviguer en eaux troubles, frôlant la mort à de multiples reprises. Le tout est servi par des scénaristes percutants, une esthétique nourrit par des prises de vues étonnantes, les paysages grandioses du Nouveau-Mexique où le soleil règne sans partage sur le ciel, et surtout une galerie de personnages attachant. Parmi eux, je suis tenté d’adresser une mention spéciale à la femme de Walter, fausse blonde ingénue au caractère bien trempé, à son beau-frère policier à la brigade antidrogue, un bon vivant adepte d’un humour cynique un peu lourd, à l’avocat de la famille, stéréotype de son état au bagout intarissable et adepte d’un bling-bling digne des premières années Sarkozy, et enfin au parrain de la mafia locale, un latino pourvu d’une intelligence implacable et d’une impassibilité à toute épreuve. Comme toute bonne série, ces différents ingrédients s’associent à merveille pour créer un plat mitonné aux petits oignons à la valeur hautement addictive. Mais là, promis, vous ne risquez rien. Alors laissez-vous tenter !
Servi par Salvatore
Quelques informations complémentaires :
– Série créée par Vince Gilligan qui a écrit pendant de nombreuses années la série X Files.
– Quatre saisons déjà commercialisées en France, la cinquième est en cours de diffusion aux Etats-Unis. Leurs audiences sont en constante augmentation.
– La cinquième saison sera la dernière, mais se composera de deux séries de huit épisodes chacune qui seront diffusées en 2012 et 2013 (donc deux mini saisons, quoi…).
– Série récompensée par de nombreux prix (Emmy award du meilleur acteur pour Bryan Cranston en 2008, 2009, 2010, Satellite award de la meilleure série dramatique en 2009 etc.)
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