affiche_LES GRIFFES_DE_LA NUIT

Vous avez creusé vos citrouilles, sorti des squelettes en plastique du placard, collé des stickers sur les vitres à l’effigie de sorcières malicieuses et déposé une fausse main en plastique sur la table de la salle à manger pour effrayer votre copine ou vos parents : hé oui ! Halloween arrive à grands pas ! Bonjour grandes frayeurs, fantômes qui sortent de dessous le lit et autres vampires assoiffés de sang ! Le 31octobre est là, et vous allez sûrement vouloir organiser une petite soirée entre amis avec, en plus des bonbons traditionnels, des films d’horreur. Vous ne savez pas quoi regarder ? Vous hésitez ? Vous en avez marre des torture-porn à la « Saw » ? Je vous propose de revisiter un classique du slasher, du tueur en série : « Les griffes de la nuit » de Wes Craven. Classique, connu de tous et pas forcément découvert par tout le monde, la soirée du 31 octobre prochain vous donne l’occasion de faire découvrir à vos amis un classique et de briller en société.

Comment ? Vous n’êtes pas convaincu ? Voici les cinq raisons qui vous donneront envie de le choisir pour votre programme horrifique !

Le pitch

Nancy (Heather Langenkamp) est en proie à des cauchemars récurrents mettant en scène un personnage horriblement brûlé, et portant un gant avec des couteaux au bout des doigts. Les amies de la jeune fille ont rêvé également du même personnage. Quelques jours plus tard, un des membres du petit groupe d’ami meurt. Est-ce le personnage de leur cauchemar qui est responsable de cette mort ?

Une relecture des codes du genre

« Les griffes de la nuit » fait partie d’un sous-genre du film d’horreur : le slasher movie, le film de tueur en série. À l’époque de la sortie du film de Wes Craven, en 1985, le genre a été beaucoup exploité. Il faut dire que certains colosses du genre ont déjà marqué leur territoire. En 1978, Michael Myers crée sa première boucherie improvisée à Haddonfield en 1978. Autre poids lourd du genre : Jason Voorhees tue ses premières victimes à Crystal Lake en 1981. La concurrence est rude.

Qu’est-ce qu’un slasher movie ? C’est un sous-genre du film d’horreur, dérivé du « Giallo » italien des années 70, qui puise lui-même son inspiration du « Psychose » d’Alfred Hitchcock. Il s’agit d’un film mettant en scène un tueur psychopathe, fou ou animé d’un désir intense de vengeance, et s’attaquant principalement à des groupes d’adolescents esseulés. Pourquoi des adolescents ? Le film de genre servait à prévenir des dangers de certains abus et d’éventuelles transgressions de règles parentales. Les adolescents de ce genre de films s’adonnaient au sexe, à la consommation excessive d’alcool et d’autres substances prohibées. Le tueur massacrait en priorité les personnages qui avaient transgressé les règles. Le héros ou l’héroïne (la plupart du temps) qui était vierges, et qui ne se laissait pas aller à des abus divers, était le survivant de la tuerie, maîtrisant le psychopathe. Par effet d’identification, les spectateurs adolescents apprenaient avec ce genre de films qu’il était important de ne pas transgresser les règles : c’était un moyen plus efficace et plus fun qu’un spot télé pour prévenir les jeunes ! (Pour l’origine de la violence de la société ou le sexisme provenant de ce genre de films, on repassera !)

La recette d’un slasher movie est simple : les adolescents arrivent dans un endroit pour camper ou passer la nuit, le tueur arrive et les observe, puis les tue les uns après les autres, confrontation finale avec le héros ou l’héroïne, le tueur est puni par le héros ou l’héroïne par sa mort (généralement), le survivant ou la survivante fuit le lieu de la tuerie pour oublier les événements et soigner son traumatisme : la situation du personnage est rétablie et possède à nouveau un équilibre.

Qu’est-ce que « Les griffes de la nuit » apportent à un genre qui possède une recette établie depuis plus d’une décennie ? Le tueur frappe les adolescents au moment où ils sont le plus vulnérables : lorsqu’ils sont en train de dormir, lorsqu’ils rêvent !

Ceci peut paraître un petit détail, mais il est, en réalité, un détail de poids ! Le sommeil est l’élément essentiel à la survie et au bien-être du corps humain. Aucun humain ne peut tenir plusieurs semaines sans dormir un peu, sinon il risque de mourir. Freddy Krueger, le tueur des « Griffes de la nuit » s’attaque à cet élément fondamental à la survie humaine. Il l’utilise de manière perverse. En effet, les adolescents ne peuvent rester éveillés plusieurs jours sans difficultés, car leur corps réclame du sommeil : ils sont ramenés indubitablement vers Freddy ! Cerise sur le gâteau : quand Freddy vous tue dans votre rêve, vous mourrez dans le monde réel, ce qui rend son arrivée très dangereuse. Sacré Krueger ! Il se plie toujours en quatre pour épater la galerie !

De plus, les films de slasher se déroulent tous dans la réalité. Ici, le monde du rêve est le terrain de jeu de ce psychopathe hors norme, ce qui change l’approche de Freddy et considérablement sa manière de tuer comme nous allons le voir plus tard. C’est donc une idée simple qui détourne les codes du genre, une trouvaille originale que vous trouverez seulement dans ce slasher !

Une mise en scène inventive

Le scénario des « Griffes de la nuit » emprunte au slasher, mais aussi au film policier. En effet, l’identité de Freddy n’est pas une évidence au début du film. Nancy est le personnage qui va mener une enquête pour découvrir la vérité. Ce métissage bien venu donne encore plus de profondeur au film et permet au spectateur d’être à la place de Nancy, en découvrant la vérité au fur et à mesure de l’avancée du long métrage. L’implication du spectateur est maximale.

Par ailleurs, le fait de faire opérer Freddy dans le monde du rêve est un apport important au film : il change complètement l’approche du personnage et sa façon de tuer les adolescents. Le monde onirique emmène des perspectives inédites lors des mises à mort. Ainsi, Freddy peut vous embarquer d’un décor de classe de collège à un décor de chaufferie. Visuellement, ce changement radical de décor confère au spectateur un certain malaise et une déstabilisation assez marquée. L’angoisse est donc présente. De plus, nous avions évoqué précédemment la possibilité selon laquelle Freddy pouvait tuer les adolescents dans leur rêve. Il faut préciser que, lorsque vous mourrez dans vos rêves, vous mourrez dans la réalité et de la même façon dont vous avez été tués. Parfois, certaines actions se répercutent dans la réalité, ce qui donne un double côté spectaculaire aux mises à mort. Wes Craven s’est amusé à malmener ses personnages lors de leur exécution : à les faire aspirer dans un lit, à les faire voler à travers une pièce, à les coller au plafond, etc. « Les griffes de la nuit » s’éloignent des mises à mort classiques avec une arme blanche. Les mises à mort du film deviennent un des attraits importants de ce dernier, mettant en scène des façons de tuer les victimes plus originales les unes que les autres. Elles sont toutes très visuelles, spectaculaires et très marquantes: vous n’êtes pas au bout de vos surprises !

Un personnage effrayant

Parlons un peu du personnage de Freddy Krueger, qui est devenu une véritable icône culturelle internationale. Freddy a été incarné huit fois par Robert Englund, acteur qui n’a jamais pu se détacher vraiment de ce personnage haut en couleur.

Pour quelles raisons ce croquemitaine est aussi célèbre ? Son physique marquant, tout d’abord. Il a le visage et le corps horriblement brûlé, ce qui le rend très choquant. De plus, il est habillé d’un pantalon et un chapeau noir, et d’un pull rayé rouge et vert. Les couleurs choisies par Wes Craven sont réputées pour être les deux couleurs qui, une fois combinées, passent très mal à l’écran et sont insupportables pour l’œil humain, et donc extrêmement dérangeant pour le spectateur. Sa voix provient d’une tombe : elle est à la fois grave et inhumaine, ce qui ajoute à la frayeur. Mais le plus important reste son arme de prédilection : un gant qui possède des lames au bout des doigts, dont il se sert comme des griffes pour tuer ses victimes.

Le personnage apparaît physiquement effrayant, mais sa personnalité l’est tout autant. C’est quelqu’un de pervers, de psychopathe, qui possède un certain humour noir et qui aime la torture. Freddy n’aime pas tuer, il aime surtout s’amuser avec ses proies, ce qui fait de lui un chasseur plus qu’un tueur. Ceci le démarque de la concurrence, face à un Jason Voorhees qui aime seulement tuer ses victimes. Ses mises à mort sont originales, car le personnage aime s’amuser, ce qui se ressent dans la mise en scène. Enfin, Freddy est surtout un tueur d’enfants, ce qui le rend très épouvantable pour le spectateur. Pour toutes ces raisons, Freddy est devenu un personnage incontournable et célèbre de la culture américaine et internationale.

Un casting efficace

Le réalisateur Wes Craven a pris d’énormes risques avec le casting de ce film. En effet, il a engagé des acteurs et actrices inconnues du grand public. La seule vedette est John Saxon, qui interprète le rôle mineur du père de Nancy. John Saxon est connu pour ses seconds rôles dans de grands films, comme dans « Opération Dragon » avec Bruce Lee. Wes Craven a voulu parier sur un jeune casting naissant.

Heather Langenkamp interprète Nancy, son premier grand rôle au cinéma. Elle avait auparavant joué dans un téléfilm. Une grande inconnue du grand public, qui est devenue une des plus célèbres scream queen du cinéma. Elle interprète une fille forte fragile à la perfection. Amanda Wyss et Jesu Garcia, également deux acteurs inconnus du grand public, se révèlent convaincants. Un autre inconnu : Robert Englund. L’interprète de Freddy enchaîne les petits rôles. « Les griffes de la nuit » lui donnent la possibilité d’obtenir son premier grand rôle au cinéma. La même année, en 1984, Robert Englund est au casting d’une série culte : V. Les deux rôles combinés feront de lui une grande star, mais le grand public retiendra son nom pour l’interprétation du croquemitaine.

Cerise sur le gâteau : le film de Wes Craven constitue la première apparition de Johnny Depp au cinéma ! Hé oui ! Johnny a commencé à faire ses premières armes dans un classique de l’horreur ! Il possède un second rôle : il interprète Glenn, le petit ami de Nancy. Ce personnage semble un peu en retrait, mais permet à l’acteur de prouver qu’il peut donner du corps à un personnage mineur, ce qui est le point de départ d’une grande carrière au cinéma plus tard, sans le savoir !

Une musique très présente

Pour obtenir une mélodie qui se retient facilement pour le spectateur, qui restera ancrée dans son esprit, et qui deviendra culte, il suffit de quelques notes. « Halloween » de John Carpenter possède une mélodie de seulement cinq notes lues en boucle. « Terminator » de James Cameron en possède six. Le thème des « Griffes de la nuit » en possède dix. Dix notes jouées sur un piano qui inspirent, au début du film un sentiment assez dérangeant, et qui insuffleront de l’effroi vers la fin du film.

On doit cette mélodie si célèbre à Charles Bernstein. Sa musique reste très présente durant le tout le film pour accompagner le périple de Nancy et de ses amis. Outre le thème de Freddy qui est décliné deux fois avec un tempo légèrement différent, Bernstein apporte une musique qui rappelle l’onirisme de l’univers de Krueger. Le monde du rêve est ainsi matérialisé physiquement par une musique douce, apaisante, avec un petit son de carillon régulier. Le cauchemar arrive d’un coup dans la musique. La musique douce accélère son rythme, le bruit du carillon est remplacé par des bruits inquiétants : Freddy est entré dans le rêve des adolescents. Un pur bonheur !

Charles Bernstein donne à écouter une composition très inspirée, à l’onirisme très marqué et dont la créativité s’exprime composition après composition. Sa musique colle de très près à l’univers de Craven. Elle est accompagnée de bruits inquiétants, doublés du rire sardonique et sadique de Freddy. « Les griffes de la nuit » possède, dès lors, un univers singulier et angoissant, porté par la composition inspirée de Charles Bernstein, qui aide sensiblement le film de Craven à devenir incontournable.

Alors, on regarde ce film pour Halloween ?

Alors, vous êtes convaincu ? Freddy Krueger n’est pas un film de slasher comme les autres. Il possède sa propre identité visuelle, scénaristique et auditive. De plus, Freddy est une icône célèbre du cinéma et ce film l’est tout autant. Il est le point de départ de six autres films, de qualité assez inégale, et d’un cross-over passablement loupé intitulé « Freddy contre Jason », dans lequel Freddy Krueger et Jason Voorhees s’affrontent. Mais avant de découvrir les sept autres films, pourquoi ne pas commencer par la base ?

Joyeux Halloween à toutes et à tous, et bonne frayeurs !