Dès que l’on met l’ouverture de l’album « Hexed », on annonce carrément la couleur. On est dans du Carpenter-Style. Avec ce genre de musique, on plonge dans un univers visuel et sonore propre à un certain genre de cinéma. Les films d’horreur tels qu’on en connaissait à la fin des années soixante-dix jusqu’au milieu des années quatre-vingt. A cette époque on frissonnait en voyant des films de vampires et de zombies où les parties gores étaient poussées dans certains cas à une extrême violence. En parallèle on pouvait trouver des films de séries B et Z qui se lâchaient dans la démesure sanguinolente. Certains étaient même devenus des « infamous movies » au point d’en devenir interdits dans de nombreux pays. Dans tous les cas ces films étaient aussi caractérisés par une bande originale essentiellement électronique calquée sur le modèle initié par John Carpenter suivi de près par Goblin, Fabio Frizzi et bien d’autres encore. Pendant cette période faste, de nombreuses productions filmiques s’enchaînent, avec son lot de musiques cela va de soi. Il en foisonne tellement que nombre de films passent totalement inaperçus et demeurent inconnus jusqu’à en devenir une véritable légende urbaine. Parfois c’est à travers la musique de ces productions confidentielles que des titres se mettent à ressurgir aux détours d’une conversation ou tout simplement dans un recoin reculé d’Internet. Et c’est en fouillant dans le catalogue de Pure Destructive Records que l’on se surprend à trouver dans les titres proposés (et il y en a de très bons) un double album de … Terrortron … (fallait l’inventer ce nom-là). Ce double vinyle … car ce sont des vinyles qui sont proposés par Pure Destructive Records … regroupe la bande originale de deux films jusqu’à lors totalement inconnus, ce qui est normal, je vous expliquerai plus tard pourquoi. Cette édition très étrange met en avant « Hexed » (ensorcelé) et … « Necrophiliac among the Living Dead » (« une nécrophile chez les morts vivants » – fallait y penser). Sorti en 2017, ce double album fait écho à un troisième sorti chez Sacrificial Records « Orgy of the Vampires » (« l’orgie des vampires » – décidément où est-ce que l’on peut bien aller ?). Dans la même veine que les musiques qui pistent ce genre de films, les morceaux présents sur ces disques n’offrent peut-être pas de nouveauté, mais demeurent un régal pour les amateurs de B.O. de films d’horreur à la John Carpenter ou à la Fabio Frizzi.

Terrortron est une obscure formation basée en Caroline du Nord dans le comté de … Transylvanie … apparemment, il n’y a pas de hasard. Ce duo formé par Anders Manga et Devallia a tout pour faire le genre de musique que l’on peut attendre dans les films d’horreur teinté gothique et parfois complètement fous. En utilisant essentiellement des synthétiseurs Terrortron livre des thèmes mélangeant un aspect gothique mais également purement angoissant avec de longues nappes étirés qui se plaquent sur des rythmes lents et lourds comme on en entend dans la musique de John Carpenter, l’une des influences clairement revendiquées par le groupe. On y trouve des climats proches de ceux que Goblin et Fabio Fizzi ont créés pour des films de Zombies.

Le pitch de « Hexed » est assez simple et classique. En 1984, une jeune femme est victime d’un sacrifice rituel d’un culte satanique. Mais le sortilège qui la protégeait de son vivant la ramène à la vie. Armée d’une hache gigantesque, elle se lance dans une sanglante vengeance. Avec « Hexed », aucune surprise dans la musique … mais que du bon « Carpenter style ». Dès l’ouverture, on comprend que l’influence est clairement reconnue. Ce sont des petites notes qui s’installent en rythme avec quelques accords de basses typiques. Les sons très analogiques restituent une ambiance familière pout tout amateur de films d’horreur. Tout au long de l’album, on est plongé dans une atmosphère pesante et angoissante bien que les morceaux qui s’enchaînent sont relativement séquencés. Un véritable hommage à John Carpenter.

Pour ce qui est de « Orgy of the Vampires », on est plongé dans un univers qui pourrait s’apparenter aux films de la Hammer réalisés par Jean Rollin ou encore Jess Franco. On peut d’ailleurs en voir quelques images sur Youtube grâce à un clip du thème principal. Une société secrète de vampires fait des leurs une jeune nonne. Quand celle-ci, devenue aussi assoiffée que ses nouveaux congénères, leur révèle qu’un congrès de prêtres va bientôt se tenir, un véritable festin se planifie. Là aussi, on ne fait pas plus simple comme synopsis. Pour cette musique, Terrortron est plus influencé par Goblin. Les lignes de basses sont beaucoup plus présentes que dans « Hexed ». Il y a également plus de sons d’orgue afin d’accentuer l’atmosphère relativement religieuse de l’histoire. L’ouverture est une véritable ode aux films de zombies tant la ressemblance est frappante avec « Zombi » de Goblin ou de « L’enfer des Zombies » de Fabio Frizzi ou encore de « Zombi 3 » de Stefano Mainetti (je vous en avais parlé début 2018). Tout au long de cet album, les morceaux sont plus rythmés que dans « Hexed » avec de nombreuses séquences simples accompagnées par des notes de basses et des synthés qui survolent le tout. L’apport des sons d’orgues mais surtout la présence du devenu mythique son de chœurs de Mellotron est un atout pour construire une ambiance à la Hammer Films. Un véritable bijou du genre.

Enfin pour « Necrophiliac among the Living Dead », on est carrément dans le glauque. La nation est plongée dans la terreur indicible. Les morts surgissent de leurs tombes et envahissent le monde pour dévorer les vivants. Jusque-là … classique. Mais pour Jessica, une directrice de pompes funèbres, c’est une opportunité d’assouvir sa sexualité déviante de nécrophile (profite, ma fille, profite !). Pour illustrer cette histoire alliant horreur gore et érotisme bizarre, Terrortron livre une musique, certes convenue, mais qui a fait maintes fois ses preuves. Là aussi on a droit à des séquences qui rappellent John Carpenter ou Goblin. Là aussi on entend des accords de synthés analogiques et des orgues caverneuses. Là aussi on est plongé dans une atmosphère lourde et pesante due aux sons typiques utilisés. Mais c’est efficace et on en redemande.

C’est en 2017 que ces trois titres surgissent d’on ne sait où pour ravir les oreilles des amateurs de films d’horreur mais aussi les fans de B.O. genre Carpenter Goblin et consorts. « Orgy of the Vampires » sort sur le label Sacrificial Records, ce qui n’est pas surprenant. Ce label nous a plusieurs fois gratifié de bandes originales de films cultes comme « Vendredi 13 II », « Mark of the Devil », « Zombi Hollocaust » ou encore « Zombi 2 ». Avec cet album, Sacrificial Records fait découvrir Terrortron au monde entier sur un vinyle qui restitue un son d’une dynamique puissante comptes tenus de la faible durée de l’album (environ 35 minutes). De son côté le label Pure Destructive Records décide de réunir en un seul double album les musiques de « Hexed » et « Necrophiliac among the Living Dead ». Ce label obscur commence à se faire connaître des amateurs de musique de films grâce à des B.O. rares ou même inédites comme celle de « X-tro », de « Massacre à la tronconneuse », « The Stuff » ou encore « La Galaxie de la Terreur » sans oublier les séries B comme « Mort ou Vif » et « The Exterminator ». Comme pour ces productions, Pure Destructive Records offre à ce double album de Terrortron une qualité dans le son là aussi due à la dynamique hors norme gagnée grâce à la durée des titres. Mais ce qui caractérise ce label c’est certaines éditions de leur catalogue. En effet outre la parution normale de l’album vinyle, on trouve des pressages plutôt bizarres comme les surprenants « Liquid Filled ». Un liquide de couleur est enfermé à l’intérieur du vinyle et évolue alors suivant les mouvements du disque. Il faut alors être un fan acharné, plutôt rapide (car ça devient très vite épuisé) et surtout fortuné pour s’en procurer un (Les « Liquid Filled » sont aux alentours de 120 à 160 $).

Avec ces trois titres, on se retrouve plongé dans nos souvenirs musicaux faisant ainsi ressurgir une atmosphère qui nous rappelle les bonnes B.O.? de John Carpenter, Goblin ou Fabio Frizzi.

La musique de Terrortron est sans nul doute un véritable prolongement du style des B.O. des années 70 et 80 pour les films d’horreur de cette période. Il y énormément de films qui ont été produits et beaucoup d’entre eux sont tombés dans l’oubli. Il faut parfois un hasard monumental pour en voir ressurgir ne serait-ce que par la musique, qui très souvent est de bien meilleure qualité que le film en question. Des films de Zombies, de Vampires ou encore de revenants vengeurs, il y en a eu tellement que plus de la moitié ont été complètement oubliés. Et quand la B.O. de ces films apparaissent miraculeusement, on se surprend à les redécouvrir, mais également à en découvrir tout simplement. Alors quand en 2017, on voir surgir dans les bacs des titres comme « Orgy of the Vampires », « Hexed » et « Necrophiliac among the Living Dead », on se demande d’où ça peut bien venir car on a beau chercher dans nos souvenirs, même les plus obscurs, on n’en trouve aucune trace. Il est pourtant bien marqué « Original Soundtrack » sur ces disques quand même. Et bien en fait, ces TROIS FILMS-LA N’EXISTENT ABSOLUMENET PAS !!!

Terrortron est un concept lancé par Anders Manga et sa compagne Devallia par simple passion pour les films d’horreur et la musique que l’on peut y entendre. Passionné par le côté gothique de ces films et des sons des synthés, le couple crée trois films fictifs totalement imaginaires et compose alors une bande originale pour chacun d’eux. Le concept est tel que le succès est au rendez-vous, malgré le faible tirage dû aux labels obscurs sur lesquels les disques sont parus. Terrortron pousse même le vice à créer un clip « Orgy of the Vampires » avec des extraits du soi-disant film, montrant un style très Jean Rollin qui aurait travaillé pour la Hammer. Mais qui sont ces deux musiciens me direz-vous ? Et bien Anders Manga est le leader du groupe de métal gothique/darkwave Bloody Hammers qui existe depuis 2012 et ont sorti 5 albums.

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.