Depuis maintenant quelques années l’industrie du cinéma semble être secouée par une vague de films dont la cible d’audience est manifestement ado et jeunes adultes. Les héros mis en avant sont également très jeune afin de conquérir le public visé. Depuis le succès planétaire du phénomène « Hunger Games » mené tambour battant par Jennifer Lawrence, et surtout depuis l’incroyable réussite de la saga « Harry Potter », les studios et autres producteurs surfent sur ce que ces deux franchises ont défriché. Ainsi on nous abreuve de multiples épopée en tout genre où des adolescents se retrouvent à la tête de révolutions ou alors plongés dans des aventures fantastiques. A ces titres sont associées des musiques dont certaines ont marqué le public tout autant que les films eux-mêmes. Le thème d’ « Harry Potter » est devenu en un rien de temps l’un de ceux que les jeunes retiennent en priorité. La bande originale d’ « Hunger Games » a réussi l’exploit d’amener le jeune public à découvrir ce qu’est la véritable musique de film à travers les complaintes vocales et les lancinantes envolées orchestrales. Néanmoins, le public visé étant très jeune, certaines productions préfèrent miser sur une musique qui serait plus proches des ados. Avec « Kin, Le Commencement » (et oui, c’est encore une nouvelle saga), 21st Laps Entertainment évite les risques et engage le groupe de Post Rock Electro Mogwai, pour signer la bande originale. Pour ces musiciens ce n’est heureusement pas la première fois qu’ils s’essaient à cet exercice ardu puisqu’ils ont déjà eu l’occasion de faire leur preuve avec notamment « Atomic », la série « Les Revenants » ou encore l’excellent « The Fountain ».

Très équipé avec des synthétiseurs et autre appareils d’informatique musicale, Mogwai se détache de certains groupes par un son qui marie un rock légèrement agressif avec les rythmes relativement électro voire par moments un peu technoïdes. Et pourtant, le groupe change un peu sa façon de faire quand il d’agit de musique de film. Evitant les rythmes trop présents et même trop pesants, Mogwai se dirige vers des sonorités plutôt aériennes avec ce qu’il faut de séquences et autres boites à rythmes. Leur musique additionnelle pour « The Fountain » montre leur maîtrise pour les ambiances sonores en sustentation et leur partition pour « Les Revenants » prouve leur habilité à créer des climats plus sombres encore. Quand « Kin » est mis en chantier c’est donc à eux que l’on fait tout naturellement appel. Leur son Electro Post Rock de leurs albums et leur expérience dans la bande originale en font le choix logique pour atteindre le jeune public. Là, où les autres productions engagent des compositeurs confirmés et mêmes des stars du genre, 21st Laps Entertainment joue une sorte de « sécurité » sans pour autant véritablement croire à la véracité d’un tel choix. Et pourtant le résultat semble bien coller aux images du film, c’est après tout ce que l’on demande à une bande originale.

Mogwai a été créé à Glasgow, en Ecosse par Stuart Braithwaite, Dominic Aitchinson et Martin Bulloch en 1994. Le nom du groupe est bien évidemment en référence aux créatures un peu « boule de peluche » du film de Joe Dante « Gremlins », sans pour autant qu’il y ait eu un sens particulier au choix de ce nom (en cantonnais « Mogwai » siginife « fantôme », « esprit maléfique » ou « mal » suivant les phrases). C’est en 1996, après que leur premier single sort « Tuner/Lower » que leur second titre « Summer » remporte haut la main le titre de single de la semaine par le New Musical Express. Mogwai montent alors leur propre boite de prod, Rock Action, qui tire son nom du surnom du batteur des Stooges Scott Ashton. Sort ensuite l’album « Mogwai Young Team » en 1997 essentiellement instrumental. Avec ce disque, le groupe montre leur habilité à signer des titres sans pour autant qu’il y ait des paroles dessus. Le succès est tel que le groupe se classe très vite parmi les plus populaires. Et influent de la scène Post Rock. L’apport des sons électroniques élargie considérablement la palette sonore du groupe. Les morceaux très souvent basés sur une ligne de basse sur laquelle s’empilent des variations de thèmes à la guitare et aux synthés sont une véritable marque de fabrique. Oscillant entre ambiance atmosphériques et violence sonique, leur musique finit très souvent en chaos bruitiste à la fin de leurs concerts avec parfois quelques larsens excessifs et voulus. De nombreux albums sont produits par la suite, et Mogwai est très remarqué par … John Peel dès leurs débuts. Plusieurs « Pelle Sessions » sont enregistrées entre 1996 et 2004, chose très rare chez un groupe. En 2006, Mogwai est contacté par les producteurs du film « The Fountain » afin d’assurer quelques musiques et ambiances additionnelles, au même titre que Kronos Quartet, en appui à la musique de Clint Mansell. Leur approche de la musique de film va les conduire à une exploration plus ambiante et moins brutale. Cet essai plutôt réussi ouvre des porte à Mogwai qui se voit alors confié la bande originale de la série française « Les Revenants » en 2012. Tout en continuant de sortir leurs albums, les musiciens de Mogwai signent plusieurs autres B.O. comme par exemple l’étonnant « Atomic », longue pièce atmosphérique qui donne la part belle aux synthétiseurs pour un documentaire intéressant sur l’histoire de l’énergie nucléaire. C’est tout naturellement que le groupe est contacté en 2018 pour assurer les musiques de la nouvelle saga cinématographique pour ados « Kin, le Commencement ».

Pour ce qui est du film, on ne peut pas dire qu’il brille par son originalité. Surfant sur la vague des films pour ados et jeunes adultes, il met en avant un héros tout aussi jeune que le public visé. Eli, fils adoptif de Hal retrouve son grand frère Jimmy qui sort tout juste de prison. Ce dernier voulant refaire sa vie honnêtement, se voit malheureusement confronté à son passé qui revient au galop. Il doit une grosse somme à Taylor et à son frère, deux gangsters qui le force alors à effectuer avec eux un cambriolage qui tourne mal et où Hal trouve la mort. Entre-temps, Eli qui explore les ruines de bâtiments abandonnés afin de récupérer des métaux qu’il pourrait revendre. Il tombe sur des scaphandres et des armes futuristes qui manifestement n’ont pas l’air d’être originaires de notre planète. Jimmy et Eli se retrouvent en fuite poursuivis par Taylor qui veut récupérer le butin du cambriolage et venger la mort de son frère abattu par Jimmy. De plus des agents fédéraux ainsi que de mystérieux soldats extraterrestres se joignent à cette traque. Mais les fuyards ont un atout majeur. Eli possède l’une des armes futuristes et dévastatrice trouvée dans le bâtiment en ruine. Mélangeant plusieurs concepts dont celui emprunté au film « Rayon Laser » (Laserblast), « Kin » est un film qui se veut simple pour atteindre un public jeune qui ne veut pas trop se prendre la tête. Afin de plaire au maximum aux jeunes spectateurs, la musique est alors confiée à Mogwai. Pour cette bande originale, le groupe écossais (et pas comme le petits pois) signe une musique qui allie ambiance simples et froides et rythmes Electro Post Rock. Si certains passages ne semblent pas vraiment sonner comme une musique de film, ils sont néanmoins très étudiés pour les scènes où ils apparaissent. Ainsi les séquences et rythmes qui s’enchaînent ne sont pas prédominants mais sont savamment dosés pour permettre au public de s’y retrouver. Mais heureusement, les parties plus ambiantes et thématiques sont là pour faire leur office et illustrer les parties pour lesquelles elles sont composées. On note que Mogwai utilise ici un son assez saturé voire même inaudible par moment afin d’accentuer certains moments chaotiques. Il est seulement à regretter une surcompression sur les morceaux lors du mixage finale ce qui a tendance à noyer les sons des différents instruments sur des niveaux sensiblement équivalents ce qui rend l’ensemble quelque peu confus.

Lors de sa sortie en salle, « Kin » reçoit un accueil mitigé. Si le film est plutôt bien classé, il est plutôt mal noté par les médias. Avec un scénario qui tente de marier drame familial et aventure science-fictionèsque, il ne pouvait guère atteindre ses objectifs premiers. Et pourtant la production décide de sortir la bande originale. C’est En CD et Vinyle que la bande originale sort. Avec Mogwai, un tel album est sur de partir assez rapidement des bacs des disquaires. Bien que le vinyle soit pressé avec un disque rouge de 180 grammes, il demeure plutôt standard et n’offre comme bonus uniquement qu’un coupon de téléchargement. Néanmoins gageons qu’avec « Kin », Mogwai fasse « Carton Plein » !!

Mogwai, le groupe écossais de Post Rock Electro se distingue par les albums studios et les concerts impressionnants qui ont tendance à finir dans le chaos sonore total. En parallèle c’est une carrière grandissante dans la musique de film qui se construit petit à petit et avec une bonne critique en ce sens. Si on lui doit une excellente partition pour « Les Revenants » et quelques passages intéressants sur « The Fountain », Mogwai se distingue avec l’incroyable bande originale « Atomic ». Et pourtant leur première B.O. remonte en 2006, au moment où il livre leur participation à « The Fountain ». En parallèle on leur confie la musique d’un film très particulier qui ne contient aucun dialogue et dont la partie musicale en devient alors essentielle. Ce film entièrement concentré sur un gros plan a la particularité de filmer un joueur légendaire de football durant tout un match. Mogwai signe avec « Zidane » une musique qui prouve que la bande originale est tout un art.

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.