Dans l’univers cinématographique, il y a évidemment de gros blockbusters et bien sûr, quelques productions plus modestes comme des films d’auteur. Mais on trouve de nombreux films de série B voire Z que l’on a tendance à classer dans les « films de genre », terme un peu fourre-tout, il faut bien le reconnaître. Dans les années soixante-dix aux USA certaines de ces séries B et surtout Z étaient tellement décalés dans la démesure violence et sexe qu’un nouveau type d’exploitation voit le jour sous le terme « Grindhouse ». Ces petits films complètement dingues étaient projetés en salle par deux avec quelques bandes-annonces entre eux. Si ces films demeurent confidentiels, certains deviennent cultes de par leur originalité que ce soit dans le gore ou dans les histoires complètement folles. Si cette exploitation meurt peu à peu pour disparaître complètement dans les années quatre-vingt-dix, certains cinéastes passionnés nous rappelle leur existence notamment en 2007 avec « Grindhouse » de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez. Avec « Boulevard de la Mort » et « Planète Terreur », les deux réalisateurs nous offrent un moment fou avec de fausses bandes-annonces afin d’accentuer le concept. Si aux USA il est présenté d’un bloc avec les deux films et les trailers, c’est séparément que les deux titres sont projetés en salle dans le reste du monde. Le succès mitigé de « Grindhouse » est néanmoins assez fort sur le public pour lancer la production d’autres films dont certains sont issus des bandes-annonces comme « Machete » ou encore « Hobo with a Shotgun ». Tous ces nouveaux films labélisés « Grindhouse » utilisent les codes alors remis au gout du jour, avec du gore grand guignol notamment. Mais même si le genre s’épuise, il existe néanmoins quelques productions qui finissent par émerger. Si on ne peut pas les classer comme « Grindhouse », ils en ont toutefois le code. C’est le cas de « Turbo Kid » (tout juste sorti en France en DVD) qui réutilise le genre tout en rendant hommage au film post apocalyptique italien qui foisonnaient dans les 80’s. Ce film canadien, plus série B de luxe que série Z Grindhouse, nous replonge dans une époque cinématographique devenue culte pour certains spectateurs tout en y insufflant les codes grindhouse avec du gore grand guignol tellement outrancier qu’il en devient risible et avec une musique électronique au style surfant sur les compositions de Tangerine Dream, Claudio Simonetti et John Carpenter.

Dans ce genre de films, la musique a une présence telle qu’on ne l’oublie pas. Si les films de séries B et Z sont relativement bâclés dans l’image, la musique qui les piste est quant à elle d’une qualité beaucoup plus soignée. Même si les compositions sont simples avec des codes maintenant bien établis, il n’en demeure pas moins qu’elles sont parfois de bonne facture. Mais on remarque surtout que ces musiques sont quasiment toutes faites avec des synthétiseurs. En effet, avec un budget aussi restreint que ceux des films de genre il est hors de question d’enregistrer une bande originale avec un orchestre, ce qui engloutirait les deux tiers de la production. C’est pourquoi on fait appel à des compositeurs qui excellent dans le maniement des synthés. Depuis que John Carpenter a prouvé qu’avec ces instruments, on peut créer une musique de film convaincante en sortant « Assaut », « Fog », « New York 1997 » et surtout « Halloween », nombre de producteurs surfent sur ce genre et bien des compositeurs se font connaître. Avec « Terminator » on découvre Brad Fiedel qui confirmera son statut avec « Vampire vous avez dit Vampire ? ». Avec « Zombie » et « Phenomena », Goblin s’exporte dans le monde entier. John Harrison nous montre qu’il n’est pas seulement cinéaste, mais aussi musicien avec « Creepshow » et « Le jour des morts vivants ». Avec « Le Dentiste », « Children of the Living Dead » et « Lost Empire », Alan Howarth s’affranchit de John Carpenter. Ce sont surtout les musiciens italiens qui s’illustrent dans les B.O. électroniques pour séries B et Z comme Fabio Frizzi, mais surtout l’ex-Goblin Claudio Simonetti. En suivant les codes série B / Z et Grindhouse, les réalisateurs canadiens François Simard, Anouk Whissell, and Yoann-Karl Whissell signent en 2015 avec « Turbo Kid » un film qui est en passe de devenir culte et leur choix d’engager le groupe québécois Le Matos pour en signer la musique est plus que judicieux. La musique électronique de ce duo est certes très rythmée et limite technoïde pour leurs albums studio, mais il livre ici une bande originale digne de Tangerine Dream, Claudio Simonetti et John Carpenter dont le groupe clame l’inspiration.

Originaire de Montréal, Le Matos est un duo formé par Jean-Philippe Bernier et Jean-Nicolas Leupi qui revendiquent haut et fort leur passion pour des compositeurs tels que Tangerine Dream, Vangelis, John Carpenter, Shuki Levi ou encore Goblin. Ce sont d’ailleurs ces groupes et musiciens qui sont la solide base d’inspiration pour leurs propres réalisations. C’est en 2013 que sort leur premier album « Join Us » qui montre alors leur style musical électronique très proche du style italo disco issu des années quatre-vingt tout y insufflant une rythmique proche de Tangerine Dream avec des sons analogiques et des rythmes assez modernes. Cette alchimie alliant old school 80’s et sons actuels fait de la musique de Le Matos quelque chose à part qui se trouve confirmé par plusieurs singles et EPs. C’est en 2015 qu’un défi leur est lancé. Un film canadien, mené par le québécois François Simard est en production. Le style post apocalyptique très 80’s nécessite une musique qui rappelle les productions du genre qui foisonnent à cette époque. Leur influence hautement revendiquée va être mise en valeur avec « Turbo Kid ». Le film devient vite culte pour un certain public et le nom de Le Matos entre dans le panthéon des compositeurs de musique de film tout en surfant sur leurs propres réalisations studio et leurs concerts live.

Pour ce qui est du film « Turbo Kid », on ne va pas mentir. Ce n’est pas un blockbuster. Pourtant il commence à avoir un statut de film culte. Fortement inspiré des films post apocalyptiques italiens des années quatre-vingt, il en revisite les codes en y rajoutant quelques passages gores dignes de séries Z Grindhouse que Quentin Tarantino et Robert Rodriguez ont remis au goût du jour en 2007. Le Kid est un adolescent qui survit tant bien que mal dans un monde ravagé par une guerre atomique. On est en 1997. Dominée par le redoutable Zeus (Michael Ironside), cette région encore peu touchée par les retombées nucléaires est peuplée par les rares survivants qui tentent désespérément de trouver de l’eau. Le carburant n’étant plus disponible, les seuls véhicules qui sillonnent le paysage sont divers vélos et notamment des BMX. Le kid, passionné du comics « Turbo Rider » rêve de devenir un super héros comme son idole. Il découvre alors que ce personnage de fiction est en fait tiré d’une histoire vraie quand il tombe sur l’équipement de ce dernier. Il se lance dans une croisade aux côtés de Frederic, le champion de bars de fer et de Apple une androïde une peu fofolle, contre Zeus et son âme damnée Skeletron. Avec un scénario tenant sur un timbre-poste, « Turbo Kid » offrent de nombreux moments jouissifs pour tout amateur de Série B et Z teintés Grindhouse. Le décor se résume à des terrains vagues et quelques routes désaffectées ainsi que divers bâtiments en ruine. Très léger, le film se regarde avec délectation surtout dans des soirées pop corn.

A sa sortie en 2015, le film surprend. Peu de gens s’attendent à voir du « Mad Max en BMX » comme inscrit sur l’affiche. Mais ce côté décalé en hommage aux séries B et Z post apocalyptique italiennes avec quelques effets gores grand guignol comme on en trouve dans du grindhouse en fait assez rapidement un film culte. La musique électronique de Le Matos en donne une identité sonore évidente. L’ambiance globale est surtout basée sur des nappées analogiques qui donnent un aspect parfois caverneux parfois trash, mais aussi aérien. Avec des séquences qui oscillent entre le style de Tangerine Dream et de Claudio Simonetti, les thèmes s’enchaînent avec frénésie pour soutenir les scènes d’action. Les moments plus angoissants sont illustrés par des parties plus lourdes avec des notes lentes de basses comme John Carpenter nous en a servi tout au long de sa carrière. Quelques passages plus calmes s’insèrent par-ci par-là pendant des plans plus légers, mais l’ambiance globale est sans nul doute un équilibre parfait entre les différents styles des influences que Tangerine Dream, Claudio Simonetti et John Carpenter. Un must pour les fans de ces musiciens qui découvrent alors un duo québécois prometteur : Le Matos.

Le succès mitigé de « Turbo Kid » est de courte durée. Le bouche-à-oreille fonctionne et très vite il devient un film culte pour les amateurs de Séries B et Z. Avec ce nouveau statut bienvenu, Le Matos décide alors d’éditer en CD un remix des morceaux rythmé de la B.O. de « Turbo Kid » sous le titre « Chronicles of the Wasteland ». Mais le duo réalise que ce que l’on attend, c’est surtout le soundtrack en lui-même. Via les plateformes légales de téléchargement, cette injustice est réparée. C’est peu après qu’un double CD limité voit le jour proposant ainsi la B.O., mais également les versions remixées. Mais le statut culte du film est tel que le label Death Waltz Records se propose d’en éditer la version double vinyle qui contient ces mêmes versions remixées aux teintes italo disco propres au style des années quatre-vingt.

Le Matos est un duo assez récent avec en fait deux albums et quelques singles à leur actif. Si le premier album date de 2013, le groupe a pourtant débuté sa carrière bien avant, mais pas en tant que musicien, mais plus comme DJ qui ont sévi sur de nombreux remixes pour plusieurs artistes comme We Have Band, Electric Youth ou encore Cœur de Pirate.

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.