Quand Panini reprend la licence Marvel France, il continue l’édition des titres kiosque tout en y insufflant sa vision des choses. Mais une nouvelle politique arrive et l’on voit apparaître de nouveaux titres en librairies et notamment le concept d’intégrales qui réunit les douze numéros d’un titre qui constituent une année de parution américaine. En plus de ces éditions, Panini Comics édite également divers albums regroupant quelques titres récents relativement marquants. On voit de temps en temps émerger quelques Omnibus regroupant l’intégralité d’une série ou d’un auteur, on voit également des rééditions de mini séries qui ont marqué le lectorat. Des dates anniversaires sont également prétextes à des sorties exceptionnelles.

Quand les éditions Dargaud se lancent en 2012 dans la VF de comics, le catalogue DC est libre. Avec l’acquisition de l’écurie Superman, Batman et compagnie, Dargaud crée une filiale, Urban Comics qui va permettre aux français de pouvoir continuer à suivre les aventures de leurs héros favoris. À l’instar de Panini, Urban reprend les séries phares en les publiant en kiosques, mais comprend également que le marché en librairie n’est pas à mettre de côté. Si l’on a pas droit à des intégrales comme le fait le concurrent marvélien, on trouve néanmoins de nombreux albums regroupant des histoires et autres sagas complètes. Pourtant il y a au milieu de tout ça des ouvrages qui ne sont pas sans rappeler le concept d’omnibus. Alors sortent de nombreux tomes compilant des épisodes de séries la plupart du temps emblématiques. Mais là, où Urban frappe fort c’est dans le choix de certains titres. Depuis quelque temps, l’éditeur nous gratifie de l’œuvre de « king » Jack Kirby quand celui-ci avait travaillé chez DC lors de son passage au début des 70’s. Après « O.M.A.C. », « Kamandi » et même « The Losers », Urban nous livre le chef d’œuvre « Le Quatrième Monde », série déclinée en trois titres parallèles, mais interconnectés.

Je ne vous parlerai pas de Jack Kirby lui-même et je vous invite pour cela de vous plonger dans l’article paru il yu a quelques mois où un survol de sa carrière a été évoqué. Rappelons toutefois que Jack Kirby est l’un des artistes de comics les plus connus au monde. Il a, avec Stan Lee, créé tout un univers peuplé de personnages hauts en couleur qui a depuis marqué nombre de lecteurs. Pour Marvel Comics, il crée « Fantastic Four », « Avengers », « X-Men », « Ant-Man », « Thor », « Black Panther », « Les Éternels », « Machine Man » et j’en passe. C’est dès les années quarante en fait qu’il sévit avec Joe Simon en créant de très nombreux personnages, dont le plus emblématique, « Captain America », avec une célèbre couverture pour le premier numéro où le héros étoilé assène un direct à Adolf Hitler. Quand il va chez DC Comics en 1970, il crée de nouveaux héros comme « Le Démon », « O.M.A.C. », « Kamandi », mais il signe un chef-d’œuvre avec la création d’un univers entier qu’il décline en trois séries, « Fourth Wolrd », (Le Quatrième Monde). Avec ce concept, Jack Kirby met en place deux peuples relativement immortels habitant la planète « New Genesis » pour les uns et « Apokolips » pour les autres. Avec cette série, Jack Kirby va créer le vilain ultime, Darkseid. Cette saga « Fourth World » va être rythmée par différents personnages qui vont vivre des aventures chacun de leur côté, mais ayant toutes un point commun, le conflit perpétuel entre « New Genesis » et « Apokolips ». On fait la connaissance d’Orion, fils de Darkseid que l’on retrouve dans la série « New Gods » (Les Nouveaux Dieux), mais également de Scott Free, « Mister Miracle », fils d’Izaia, le Haut Père, patriarche de « New Genesis ». Les deux héros avaient fait alors l’objet d’un échange entre les deux dirigeants afin de garantir la paix. Si Orion a été élevé par le Haut Père, Scott Free, lui se retrouve dans le sévère orphelinat de Granny, grandissant ainsi à la dure. C’est à partir de cette situation que l’épopée « Fourth World » débute dans les pages des titres DC Comics.

 

Avec « New Gods », on suit surtout les aventures d’Orion et de certains autres nouveaux dieux de « New Genesis » dans le combat incessant pour contrer les plans machiavéliques de Darkseid. Parallèlement, dans « Mister Miracle » on suit l’évasion de Scott Free en compagnie de la guerrière Big Barda. Tous deux fuyant Apokolips, ils se retrouvent sur Terre où ils mènent une vie de saltimbanques. Les dons très particuliers de Scott pour se sortir des situations les plus improbables l’amènent à créer un remarquable spectacle d’évasion sous le nom de « Mister Miracle ». Seulement Darkseid ne voit pas son évasion d’un bon œil et envoie régulièrement ses créatures sauvages aux trousses du couple. Dans le même temps, c’est avec « Forever People » (Les Immortels), que l’on suit un groupe de jeunes nouveaux dieux qui arrivent sur Terre et découvrent ainsi cette planète et ses merveilles. Ils sont régulièrement pourchassés par les sbires de Darkseid qui veut récupérer la Boite Mère, sorte d’intelligence artificielle aux pouvoirs fantastiques, dont celui de faire apparaître « Infinity Man » (l’homme de l’infini) qui prend la place du groupe d’immortels. Ces trois séries hors norme sont pourtant stoppées net. « Les Immortels » sont les premiers à disparaître suivis de près par « Les Nouveaux Dieux » après onze numéros haletants. Seul « Mister Miracle » continue sur sa lancée avant de disparaître à son tour au numéro 18.

C’est il y a quelques jours que le quatrième tome du « Quatrième Monde » sort chez Urban Comics, filiale de Dargaud. Ce volume exhaustif réunit les derniers épisodes des trois séries, dont le suspense demeure encore complet. Jack Kirby n’ayant jamais complété son œuvre, les intrigues demeurent inachevées et la reprise du concept par les autres auteurs de DC Comics n’a pas été au-delà. Dans ce volume, Immortels et l’Homme de l’Infini livrent un dernier combat avant de rejoindre une planète paradisiaque apparemment hors de portée de Darkseid. C’est une ultime rencontre entre Orion et Kalibak qui rythme le dernier numéro des « Nouveaux Dieux » laissant la place au périple de « Mister Miracle » qui finit un peu à la va-vite avec une conclusion plutôt bancale. La grande surprise est la présence de deux inédits en France signée Jack Kirby avec « Même les dieux doivent mourir », mais surtout le magnifique Graphic Novel « Underdogs » qui fait suite sortie en 1984 et 1985 lors d’un rapide deuxième passage de Kirby chez DC. Autrefois parus dans des pockets chez Artima comme « Aventures Fiction », « Démon », « Super Héros » ou encore « Manoir des Fantômes » les séries sont de retour dans un format comics respecté et en couleurs. La réédition amène son lot de nouveauté avec une nouvelle colorisation du graphic novel forçant sur les nuances, ce qui n’est pas très adapté au style de Kirby. Par contre, c’est une colorisation traditionnelle en aplats qui met en valeur le travail du King of Comics. Avec ce quatrième tome, on clôt le chapitre du « Quatrième Monde », œuvre majeure de Jack Kirby et éditée chez Urban Comics.

Jack Kirby a non seulement créé de nombreux personnages, il a mis en place des univers entiers et des peuples incroyables. Mais il a également œuvré sur des adaptations de cinéma. Chez Marvel, il signe l’adaptation de « 2001, l’odyssée de l’espace » dont il reprend le concept en lançant une série régulière ce qui amène à la création de « Machine Man » (je vous en est déjà parlé). Par la suite il est sollicité pour faire de même avec « Le trou Noir », film de science-fiction des productions Walt Disney avec Maximilian Schell et Anthony Hopkins, entre autres. Mais ce que l’on sait moins, c’est que pendant sa période marvélienne, il a commencé à travailler sur l’adaptation de la série TV « Le Prisonnier ». Mais Jack Kirby quitte une seconde fois Marvel suite à de nouveaux désaccords. Le projet est repris par Gil Kane qui s’y met ardemment. Mais le projet est annulé et les pages des deux artistes demeurent inédites … jusqu’à cette année où les travaux de Jack Kirby et Gil Kane vont voir le jour en juillet aux USA prochain en « Art Édition » chez Titan Comics.

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.