Quand Panini reprend la licence Marvel France, il continue l’édition des titres kiosque tout en y insufflant sa vision des choses. Ainsi, des titres disparaissent, d’autres voient le jour et les plus emblématiques s’en trouvent quelque peu remaniés. Mais une nouvelle politique arrive et l’on voit apparaître de nouveaux titres en librairies et notamment le concept d’intégrales qui réunit les douze numéros d’un titre qui constituent une année de parution américaine. Depuis maintenant presque 20 ans, ces recueils exhaustifs envahissent les rayons des libraires. Après les Intégrales « X-Men » et « Spider-Man » on voit fleurir au cours des ans d’autres titres de la maison des idées. C’est surtout en suivant l’actualité cinématographique ou télévisuelle que certains titres apparaissent.
Ainsi on voit alors « Iron-Man », « Captain America », « Thor », « Avengers », « Docteur Strange » et même « Fantastic Four ». Quand les « Gardiens de la Galaxie » arrivent sur les écrans, Panini en profite pour faire découvrir l’équipe originale que les plus anciens ont vue dans la revue Titans, l’une des publications du légendaire éditeur lyonnais … LUG. L’arrivée d’ « Iron Fist » et des « Defenders », sur Netflix permet à Panini de lancer aussi l’intégrale de ces titres. Quand l’éditeur italo-français s’intéresse à « Daredevil », c’est tout d’abord avec la période de Frank Miller. Mais très vite il va décider de rééditer les tout premiers épisodes que l’on a connus dans le mythique Strange. Ainsi on découvre les débuts de l’homme dans peur sous la plume de Bill Everett, Wally Wood, ou encore John Romita avant que Gene Colan ne se l’approprie.
C’est avec les derniers écrits de Stan Lee et les débuts de Roy Thomas que ce nouveau volume consacré à l’année 1969 se distingue. Quant aux dessins, on a le plaisir de retrouver Gene Colan sur la plupart des épisodes avec une incursion d’un certain Barry Smith qui vient faire ici un peu de Kirby-like.


Né en 1940 à Jackson dans le Missouri, Roy Thomas a marqué de sa plume scénaristique le comics de façon spectaculaire. Pour beaucoup, il est considéré comme une sorte de Stan Lee des 70’s en ayant créé de nombreux personnages et groupes de super héros où en ayant scénarisé longuement d’autres que ce soit chez Marvel Comics où il en fut le directeur de publication pendant plusieurs années, que chez DC Comics. Il débute chez Charlton Comics dans les 60’s en travaillant notamment sur « Blue Beetle ». Mais très vite il se retrouve chez Marvel Comics qui voit en lui, le renouveau du scénario. La maison des idées ne s’y est d’ailleurs pas trompée puisque Roy Thomas reprenant certaines séries les change radicalement en étoffant les histoires. Avec par exemple les premiers « X-Men », il fait tuer le professeur Xavier, laissant alors les jeunes mutants seuls face aux dangers multiples. Il crée d’ailleurs les personnages de Polaris ou de Havok, le frère de Cyclope, ou encore Mesmero. Avec les « Avengers », il introduit de nombreux nouveaux personnages. S’il a l’idée d’y intégrer la Panthère Noire (création du duo légendaire Stan Lee Jack Kirby), il y crée le personnage le plus surprenant avec la Vision. Il transforme Giant Man (ex Ant Man) en Goliath puis en Pourpoint Jaune non sans l’avoir rendu quelque peu psychopathe.
C’est lui qui est à l’origine de « Conan » dans les comics … il en signera de très nombreux scénarios pendant des années. Mais c’est dans les années 70, que Marvel lui confie la création de quelques personnages.
Et s’il a l’idée d’adapter en comics les romans de « Doc Savage » de la même manière qu’il fit pour « Conan », il se met à imaginer des personnages complètement nouveaux. On notera par exemple un certain « Ghost Rider » avec Mike Ploog aux dessins, mais également la création de groupes hors normes comme « Invaders » qui relatent les aventures des super héros de la Seconde Guerre mondiale, Captain America la première Torche Humaine et Submariner en tête, ou alors « Les Défenseurs » dont la création houleuse va amener des héros tels que le Docteur Strange, le Surfer d’Argent, Submariner, la Valkyrie et Hulk à unir leurs forces. Quand Marvel lui confie les rênes de « Captain Marvel », Roy Thomas a la bonne idée de revoir totalement le concept en lui donnant des bracelets de pouvoir et en l’exilant dans la zone négative (univers parallèle créé par Lee et Kirby dans Fantastic Four) et en lui affublant un sidekick Rick Jones que l’on a vu dans « Hulk » puis « Captain America ». C’est avec Gil Kane qu’il revoit ce personnage avant de le laisser à un certain Jim Starlin. Quand Marvel lui demande de reprendre un personnage secondaire, il jette son dévolu sur « Lui » créé par Stan Lee et Jack Kirby dans les pages de « Fantastic Four » et revoit encore une fois complètement le concept. Avec Gil Kane (encore lui) il crée alors « Warlock » en en faisant un messie martyr sur une copie de la Terre où il est le seul surhomme.
Roy Thomas est par la suite à la tête de magazines plus adultes en noir et blanc tels que « Marvel Previews », « Vampires Tales », « Dracula Lives » ou « Tales of the Zombies » (ces trois derniers ayant été publiés en France avant de très vite disparaître). Chez DC il est sur des titres comme « Infinity Inc », « All Star Squadron » (qui lorgne sérieusement sur « All Star Winners » de Timely Comics dans les 40’s), « Young All Star », « Secret Origins », il crée même « Arak le fils de la Foudre ». Et bien d’autres. Il scénarisera encore de nombreux titres notamment chez Marvel de nouveau avec plusieurs mini séries et autres graphic novels.
C’est vers la fin des années 60 qu’il scénarise « Daredevil » en y mettant sa patte incomparable avec des intrigues comme seul lui sait le faire.


Né dans le Bronx à New York en 1926, Gene Colan fait partie de ces artistes de comics qui ont marqué leur passage sur des titres variés aussi bien chez Marvel que chez DC. Il débute en 1944 dans « Wing Comics » chez Fiction House et montre ses travaux annexes aux éditeurs plus conséquents comme National Periodical Publications (maison mère de DC Comics) et Timely Comics (qui deviendra plus tard Marvel Comics). Stan Lee directeur de Timely est impressionné par les planches de Colan et l’embauche alors pour la somme de 60 dollars par semaine. En 1951, Timely Comics alors en difficulté financière est contraint de se séparer de Colan qui propose ses talents à diverses autres maisons. Pour EC comics il dessine « Wake » parue dans « Two-Fisted Tales » puis signe plusieurs histoires pour Warren Publishing dans les magazines « Eerie » et « Creepy ». Il se retrouve chez Marvel où l’on peut voir ses travaux dans « Menace », « Mystic », « Strange Tales », « Tales to Astonish » ou encore « Journey into Mystery ». Après un bref passage chez DC dans « Sea Devils » entre autres, il revient dans la maison des idées pour y travailler sur des titres plus importants comme « Silver Surfer », « Iron Man », « Submariner » et « Captain America ». C’est avec « Daredevil » que son style va être remarqué par tous les lecteurs qui voient en ce dessinateur l’un des artistes qui réussissent à sublimer les personnages en y apportant un côté réaliste avec un aspect très sombre dû à l’omniprésence de zones noires dans ses dessins. Quand on lui adjoint Tom Palmer comme encreur, son œuvre se retrouve encore plus impressionnante et l’apogée vient sur les titres sombres comme « Docteur Strange » et surtout « Tomb of Dracula » (il prend l’acteur Jack Palance comme modèle) où il crée Blade. Dans les années 80, c’est chez DC que Gene Colan officie avec des titres comme « Nightforce », « Jemm, Son of Saturn », « Spectre » ainsi que plusieurs titres sur « Batman ».
C’est dans les années 90, qu’il signe « Curse of Dracula » au milieu d’autres œuvres variées. Sa carrière incomparable a marqué le comics d’un style inimitable.


Barry Smith est quant à lui l’un des dessinateurs les plus prisés actuellement. Et pourtant sa carrière a mis du temps à s’installer et à faire de lui, l’artiste que l’on connaît.
Né en 1949 à Londres, Barry Windsor Smith débute en 1967 chez Odhams Comics, qui publie Marvel aux royaumes unis, sur de petits projets dont certains ne dépassent pas une page par exemple « Powerhouse Pinups » dans « Terrific » ou encore « Fantastic ». En 1968 il va aux USA et commence chez Marvel avec un style très Jack Kirby sur un épisode de « X-Men » ainsi que de « Nick Fury Agent of S.H.I.E.L.D. » ou encore « Fantastic Four » puis sur quelques épisodes de « Daredevil » et deux épisodes des « Avengers » qui introduit d’ailleurs le métal d’adamantium. Après s’être illustré dans des titres horrifiques tels que « Tower of Shadows » et « Chamber of Darkness », Barry Smith va enfin être reconnu avec le lancement du titre « Conan the Barbarian », adapté des romans grâce à Roy Thomas. Son style ayant évolué pour devenir plus personnel, ses dessins vont devenir une véritable référence pour le personnage de Conan notamment grâce aux épisodes des « faucons des mers » et surtout la minisérie « Les Clous rouges ». Son passage sur le titre aura permis de découvrir la diablesse à l’épée « Red Sonja ». Aujourd’hui, le travail de Barry Smith sur « Conan » est classé 7ème dans le top 10 des chefs d’œuvre du comics. Par la suite on le retrouve sur des titres comme « Docteur Strange » ou « Ka-Zar ». Il dessine des mini séries comme « The Thing » pour « Marvel Fanfare » et participe au bicentenaire des USA avec le one shot « Captain America Bicentennial » non sans avoir signé des petites histoires pour « Epic Illustrated ». Mais c’est après son remarquable (et remarqué) passage sur « Uncanny X-men » qu’il s’illustre surtout avec deux mini séries devenues légendaires, « Machine Man » et « Weapon X » qui narre l’origine du squelette d’adamantium de Wolverine.
Chez Valiant on trouve son nom sur les titres « X-O Manowar », « Archer & Armstrong », mais également « Solar, man of the Atom ». Chez Malibu il signe « Rune » ce qui lui permettra de dessiner le cross-over « Conan Vs Rune » par la suite chez Marvel.
Son remarquable travail est tel que Tomorrow Publishing lui consacre un artbook très complet.


Roy Thomas, Gene Colan et Barry Windsor Smith. Ces trois noms font de ce nouveau tome de l’intégrale « Daredevil 1969 » édité par Panini une pièce intéressante. Après avoir défait une fois de plus l’homme aux échasses, l’homme sans peur se voit confronté à un redoutable adversaire en la personne de Star Saxon qui lui envoie tout d’abord un robot à combattre. Mais tout au long de ces aventures, Daredevil réalise que ce nouvel ennemi connaît son identité secrète. Il trouve en la personne de la « Panthère Noire » un allié de choix. On notera alors que c’est lors de ce run que le roi du Wakanda découvre aussi que Daredevil n’être autre que Matt Murdock, ce qui sera très utile dans les épisodes qui succèderont dans les mois qui suivent. Ce sont par la suite des épisodes plus simples qui s’enchaînent avec Mister Fear, le Spectre, le Cascadeur ou encore la Torpille qui viennent mettre un peu d’action dans la vie de l’avocat aveugle. Ce volume se conclut alors sur un épisode caricatural paru en 1967 aux USA dans « Not Brand Echh » et dessiné par Colan.

L’apparition de Barry Smith au milieu de Gene Colan aurait pu créer une sorte de patchwork stylique assez dérangeante. Mais en fait, c’est plutôt uniforme et les mouvements propres aux acrobaties du héros sont relativement bien retranscrits. C’est l’arrivée de Syd Shores en tant qu’encreur sur les derniers épisodes qui vont donner aux dessins de Gene Colan le côté sombre propre aux aventures urbaines.
Comme pour toute autre intégrale de Panini, les couleurs sont surtout rehaussées par le papier glacé sur lequel sont imprimés les épisodes de « Daredevil ».
On aime ou on n’aime pas, mais ces couleurs ont un côté flashy qui parfois sert à l’action de certaines pages.
Alors les plus anciens d’entre nous se souviennent peut-être de la série, car elle fut tout d’abord publiée dans Strange.

Daredevil est un personnage qui est devenu au fil des ans l’un des piliers du Marvel Universe grâce notamment avec Frank Miller qui créera pour l’occasion le personnage d’Elektra. Et la plateforme Netflix connaît grâce à la série qu’elle nous offre un certain regain d’intérêt. Mais si cette adaptation fait l’unanimité chez les fans du héros, elle n’en est pas la première. En effet on se souvient tous du film de 2003 avec Ben Affleck et Jennifer Garner et produit par la 20th Century Fox qui a précipité la date de sortie en coupant de nombreux passages clés ce qui conduisit à un semi-échec. Mais cette version live de « Daredevil » n’est pas la première, car en 1989 New World International produit un deuxième téléfilm sur Hulk, reprenant les acteurs de la série TV, Bill Bixby et Lou Ferrigno. Après « Le retour de l’incroyable Hulk » qui voit l’arrivée de Thor, on a droit au « Procès de l’incroyable Hulk » qui met en scène un certain … Daredevil. Cette version TV a été conçue, avec l’autre téléfilm, comme un pilote au projet de série sur l’homme sans peur. Après sa diffusion sur les ondes et les réactions plutôt mitigées du public les projets des séries « Thor » et « Daredevil » ne verront pas le jour.

Mais il faut savoir que l’on a heureusement échappé à une série « Daredevil & Black Widow » qui aurait pu voir le jour dans les années 70. En effet, Angela Bowie, l’épouse de David avait proposé une série télé sur Daredevil et la Veuve noire et dans laquelle elle incarnerait l’héroïne et avec Benny Carruthers (Les 12 Salopards, le continent perdu, etc. …) qui jouerait Daredevil. Angela organise une séance de photo afin de montrer le visuel des personnages aux chaînes télé. La série ne verra heureusement pas le jour.

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.