Cette semaine je vais de nouveau vous parler de musique … car il parait que ça adoucit les mœurs.
Mais je ne vous parlerai pas de rock, d’électro et encore moins de chanson populaire ou commerciale. Non on revient aux bases en vous parlant de « Bande Originale », et plus précisément donc de celle de « Mr Robot ».

Alors dois-je revenir sur ce que c’est que la bande originale … LA VRAIE ?!
Si, pour le grand public, la B.O. est une compilation de chansons, elle est, en fait, une suite de morceaux instrumentaux spécialement composée pour coller à l’image soutenant ainsi l’émotion, l’action ou la contemplation.
De nombreux compositeurs se sont illustrés dans cette carrière de ce genre musical très particulier.
Je vous déjà avais cité Jerry Goldsmith, James Horner, Hans Zimmer, Michel Legrand, Vladimir Cosma, Alexandre Desplat ou encore Ennio Morricone, John Williams (et j’en passe …)
Toute production cinématographique et télévisuelle demande une ambiance sonore et la musique a une importance capitale.
Les séries télé ne doivent d’ailleurs pas être oubliées dans ce processus.
En effet, une série télé est, au même titre qu’un film, une réalisation à part entière qui demande là aussi une ambiance sonore et une musique originale spécialement composée.
Alors dans les années 70 et 80 certaines séries ont, en France, été affublées de Chansons originales françaises en lieu et place du générique instrumental original.
Ces chansons sont pour certaines restées dans la mémoire collective et pour beaucoup de gens le générique de « Starsky et Hutch » fait partie de ce qu’il entonne en premier.
S’il y a des éditions de bandes originales de films, il n’y a pas de raison de ne pas faire de même pour les séries.
En effet, si l’on cherche bien, on peut trouver de nombreuses éditions CD de séries télé et surtout des séries américaines.
Depuis quelques années, le label Intrada nous gratifie d’éditions impressionnantes de diverses séries anciennes, comme récentes, avec par exemple la musique de la nouvelle version de « Battlestar Galactica » par Bear Mccreary, mais aussi l’intégrale des musiques de la série d’origine de 1978 de Stu Philips en plusieurs volumes.
La La Land records fait de même avec notamment quatre coffrets luxueux de 4 CD chacun sur la B.O. de X-Files.
Et, il y a quelques mois, un autre coffret du même genre a été édité pour la musique des « Mystères de l’Ouest » et de « Star Trek » (les séries des 60’s)
Mais l’édition de B.O. de séries récentes est assujettie au succès de cette même série.
Quand « Mr Robot » arrive sur les écrans TV, le public plébiscite très vite cette production et la musique n’est pas étrangère à ce succès. Il n’en fallut pas moins alors pour décider de l’éditer dans la foulée tout d’abord sur les plateformes de téléchargement puis en CD, mais aussi (et surtout) en vinyle.

Je ne vais pas vous parler de la série, car ce n’est pas le sujet, mais on peut néanmoins révéler qu’il s’agit des aventures d’un jeune informaticien relativement paranoïaque qui se fait recruter par l’activiste Mr Robot dirigeant les hackers de F-Society afin de rétablir un certain équilibre entre certaines classes en hackant les grosses entreprises et autres banques.
L’action se situant dans le cyber-milieu, l’influence sonore se fait sentir et la musique est alors un aspect essentiel à l’ambiance globale de la série. Il faut pour ce genre de production une musique qui soit en phase avec les images et le milieu informatique. C’est pourquoi la B.O. électronique est très inspirée des productions comme celle de Tangerine Dream, Brad Fiedel, Sylvester Levay, Harold Faltermeyer ou de John Carpenter qui ont marqué de leur identité sonore l’univers du soundtrack avec de nombreux titres dont certains demeurent encore légendaires.

Quand la série « Mr Robot » a été produite, il parut évident que l’ambiance particulière qui s’en dégage devait être bien rendue jusqu’à la musique d’ambiance … la bande originale.
A une époque, beaucoup de films et de séries avaient comme musique des instrumentaux essentiellement issue de groupes ou de compositeurs qui travaillaient avec des synthétiseurs.
Souvenez-vous de « K2000 ». La plupart des musiques composées par Stu Philips sonnent électronique. Sylvester Levay a fait de la B.O. de « Supercopter » quelque chose d’emblématique. Et que dire du travail de Tangerine Dream sur « Tonnerre Mécanique » où les séquences hyper nerveuses et cycliques soutenaient l’action de manière effrénée.

Les films cinéma ont aussi connu cette période synthétique avec par exemple « Le convoi de la peur » de William Friedkin dont la musique et composée par Tangerine Dream qui signe ensuite les B.O. du « Le Soldat », de « Risky Business » (le premier film avec Tom Cruise), de « Firestarter » (d’après Stephen King et avec une très jeune Drew Barrymore) et bien d’autres dont l’incroyable « Forteresse Noire » de Michael Mann.

De son côté John Carpenter prend le pari de signer ses propres B.O. minimalistes comme « Fog », « Le Prince des ténèbres » ou encore de « New York 1997 » et de sa plus marquante de ses compositions « Halloween ».

Dans un registre plus classique, le grec Vangelis sera oscarisé pour la musique des « Chariots de feu » ce qui le conduira à créer de nombreuses compositions pour le cinéma comme « 1492 », « Lune de Fiel », « Missing », « Le Bounty », « Antarctica », mais surtout on retiendra « Blade Runner ».

D’autres emboitent le pas comme Harold Faltermeyer avec notamment « Le flic de Beverly Hills » (souvenez-vous, je vous en avais déjà parlé), ou encore Brad Fiedel qui se fait connaître avec « Terminator ».

Ce sont ses influences qui vont être les plus évidentes pour la composition de la musique de « Mr Robot ».
Mac Quayle va plonger en profondeur dans ce que la musique électronique des années 80 avait amené à la bande originale en s’imprégnant de cet aspect très spécifique de la musique électronique avec des sons pour la plupart analogiques.

Mac Quayle a la musique dans le sang depuis toujours. Lors de ses années lycées, il joue dans des groupes de rock comme batteur, mais aussi dans des fanfares sur un tambour, mais également dans des orchestres sur des instruments de percussion comme les xylophones, marimbas et autres vibraphones. Ces instruments, bien que classés dans les percussions, sont basés sur la même table que le clavier d’un piano ce qui conduit Mac Quayle à cet instrument en entrant dans le programme d’enseignement musical du lycée. Mais il le quitte après deux ans, insatisfait de ce qu’il y apprend musicalement, mais s’en trouve enrichi en ce qui concerne les techniques d’enregistrements. Dans les 80’s il travaille dans des studios et se passionne pour les synthétiseurs et maîtrise très vite le nouveau concept d’interface MIDI qui devient la norme de communication entre les instruments électroniques. Il développe son propre style, mais demeure inconnu jusqu’à ce que l’on fait appel à lui pour les musiques de documentaires et de séries TV. Son nom est alors associé à « American Horror Story », « Freak Show », « Feud », « American Crime Story » ou encore « Scream Queens ».

Mac Quayle a été contacté dès le début de la mise en route de la série pour composer la B.O. par les producteurs qui ont repéré son travail sur des épisodes de la série « Bad Samaritans » en 2013.
Le style de Quayle marie aussi bien les sons actuels que les ambiances d’antan. C’est donc ce son très personnel qui séduit les producteurs qui voient là l’occasion de créer quelque chose de styliquement très cyber avec une ambiance 80’s.
Car ce qui caractérise le son de Mac Quayle, c’est l’emploi de synthétiseurs analogiques dont le son très chaud et parfois granuleux est typique d’une époque que beaucoup ont cru révolue quand les synthés numériques ont fait leur apparition.
Depuis maintenant quelques années les musiciens reviennent à ces synthés d’autrefois non seulement parce que le son est particulier, mais également parce que l’on peut en modifier la nature même en direct en jouant sur un paramètre bien précis.

Mac Quayle va créer pour « Mr Robot » une B.O. typique aux sons analogiques reconnaissables grâce à une collection de synthétiseurs dont certains sont mythiques. La musique est une suite de petits morceaux électroniques relativement minimalistes, parfois ambiants, mais également séquencés, minutieusement composée pour coller aux scènes de la série.
Il y a un côté angoissant à la John Carpenter, un côté vif à la Tangerine Dream, mais aussi un côté brut avec des sons quelque peu industriels qui n’est pas sans rappeler Chris Carter de Throbbing Gristle et Chris & Cosey. Mais l’influence majeure est sans nul doute Brad Fiedel tant les morceaux de Mr Robot ressemblent parfois à certains passages du premier « Terminator ».
Les références ne manquent pas comme vous pouvez le constater depuis quelques minutes avec la musique qui passe en arrière-plan en ce moment puisqu’il s’agit de la B.O. de la série.
Le travail du son et de la composition de Mac Quayle est remarquablement fignolé avec l’expérience longuement acquise par le compositeur tout au long des années passées dans les studios.

Le succès de la série est tel que la production décide d’éditer la musique dans la foulée. En effet, les fans étant sous le charme de cette B.O. teintée de sons vintages, demandent alors de pouvoir l’écouter en boucle.
D’abord disponible sur les plateformes légales de téléchargement, le soundtrack sort en CD. Mais seulement, on n’en reste pas là, car ce sont deux volumes qui regroupent l’intégralité du score de Quayle.
Mais après que les deux premiers CDs aient été édités, ce sont deux doubles vinyles qui voient le jour pour les amoureux du bon vieux son analogique.
Alors vous me direz, mais pourquoi parler d’albums sortis il y a plusieurs mois de çà ?
Et bien tout simplement parce que le troisième volume vient tout juste de voir le jour en CD et bientôt en double vinyle. Mais l’annonce d’un quatrième volume CD allant être édité en décembre prochain (et peut-être en vinyle en janvier) vient d’être faite grâce au label Lakeshore Records.
C’est ce même label qui édite aussi l’incroyable B.O. de « Stranger Things » de Kyle Dixon et Michael Stein dont le style électronique est également très teinté 80’s.

Je vous avais dit tout à l’heure que Mac Quayle avait commencé dans les années 80. Mais seulement on ne le connait comme compositeur que depuis quelques années seulement. Et bien avant de se lancer dans cette carrière avec la B.O. de quelques épisodes de « Cold Case » ce qui le conduit à beaucoup d’autres travaux du même genre, on le retrouve aussi comme programmeur de synthétiseurs (çà veut dire créer des sons originaux et paramétrer les séquenceurs) sur les musiques d’autres compositeurs comme Cliff Martinez pour « Drive » et « Contagion » entre autres.
Mais avant cela, et donc pendant toutes ces années où il est dans l’ombre, il a officié en tant qu’ingénieur du son et programmeur des synthés en travaillant sur le mixage des albums Beyonce, Jennifer Lopez, Christina Aguilera, Britney Spears, et bien d’autres encore comme Madonna par exemple.

Comme quoi, le monde a beau être vaste, l’univers a beau être immense, tout se recoupe.