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Date de sortie : 22 janvier 2014
Réalisé par: Hayao Miyazaki
Avec: Hideaki Anno, Miori Takimoto, Hidetoshi Nishijima
Genre : Animation , Drame
Nationalité : Japonais

Miyazaki était inconnu en Occident jusqu’en 2000. Depuis, les films d’animation qu’il a réalisés, on pense à Princesse Mononoké, lui ont donné une renommée internationale. « Le vent se lève » est son film testament, car, dans sa sagesse, il a décidé d’arrêter de tourner à 73 ans.

Le titre du film est le début de la dernière strophe du poème de Paul Valéry, « Le cimetière marin »

Le vent se lève!…Il faut tenter de vivre!
L’air immense ouvre et referme mon livre…..

Tout est dit dans ces deux vers sublimes par lesquels débute ce film d’animation.

On va parler des désastres de la nature et de ceux causés par l ‘homme, de la montée irrésistible de la guerre, de l’industrialisation du Japon qui abîme les paysages ancestraux, d’un enfant qui devient homme et sera broyé par l’Histoire catastrophique de la première moitié du XXème siècle, d’un amour qui sera perdu, car l’homme sait détruire, mais est impuissant à guérir. On trouve les thèmes centraux de Miyazaki, le besoin d’humanité, d’harmonie entre l’homme et la nature, mais aussi sa passion pour la technologie qui est la manifestation de l’intelligence humaine et enfin l’impossible recherche du pacifisme en ces temps de dictatures bellicistes qu’a connu le monde des années 30-40.

Jiro Horikoshi est un enfant qui rêve de devenir pilote et qui, du fait de sa myopie, deviendra non pas pilote, mais créateur d’avions. Le film est à la fois onirique et cruel. Les nuages tiennent une grande importance, nuages blancs légers porteurs d’espoir, nuages noirs angoissants d’où surgissent des escadrilles de bombardiers géants, où on distingue les pilotes porteurs de morts, sanglés dans leurs uniformes sombres avec leurs visages cachés derrière des masques. C’est l’histoire du Japon, son pays, que nous raconte Mayazaki à travers celle de Jiro.

Après avoir survécu au tremblement de terre de 1923 ( 150 000 morts, 600 000 maisons détruites, 2000 000 de sans-abris, 100 incendies géants), Jiro se fait donc engager dans le département aéronautique d’une importante entreprise d’ingénierie en 1927. Il va vivre la grande Dépression de 1929, devenir amoureux d’une jeune fille, Nahoko, de santé chancelante et devenir rapidement l’un des plus grands designers d’avions du monde. Il voudrait que ses avions fassent se rencontrer les hommes de tous les pays, mais le japon impérial veut au contraire qu’ils servent à les détruire pour affirmer sa puissance. Doit-on renoncer à ses rêves ou tenter de les vivre, on pense au « Petit Prince ». Jiro décide de les vivre jusqu’au bout. Il épousera Nahoko, tout en sachant que sa tuberculose la condamne à court terme, il aidera grandement à la conception des « zéros » les célèbres chasseurs bombardiers légers embarqués sur les porte-avions japonais. Dotés d’une excellente manœuvrabilité et d’un très long rayon d’action, grâce à leur aérodynamisme et à leur conception sacrifiant toute forme de protection pour en diminuer le poids, ils surpasseront leurs premiers concurrents américains et seront à l’origine de la victoire de Pearl Harbor en 1941.

Miyazaki filme le temps qui passe, ce temps ce sont les nuages de plus en plus menaçants, les larmes de tristesse qui coulent sur les visages, les herbes qui plient sous le vent qui passe, le visage de Nahoko de plus en plus émacié par la maladie, il filme la violence nationaliste du Japon de cette époque en montrant les visages durs aux yeux sans pitié des ganaches de l’État-Major de la marine impériale, le désarroi du peuple après la défaite.

Au vent avait succédé la tempête, à l’enthousiasme devant les prouesses technologiques avait succédé le désarroi, alors Jiro redevient cet enfant qu’il gardait enfoui au plus profond de lui, l’enfant pur qui s’émerveillait devant un avion, le jeune homme qui aimait pour la première fois et cet enfant retrouvé sauve l’homme qui a participé à l’entreprise de destruction, il retrouve dans un dernier rêve Giovanni Caproni, le concepteur italien d’avions qui l’a inspiré, il retrouve Nahoko qui lui sourit. Mais seule sa frêle ombrelle va rester, tournoyant dans le vent une dernière fois et Caproni, tel Lucifer dans Faust, va engloutir Jiro dans les entrailles de la Terre et le vent, sans cesse présent, fera une dernière fois plier les herbes de la vallée d’où décollaient quelque temps auparavant les fameux zéros. L’air immense avait refermé le livre de Jiro.
Merveilleux d’humanisme, sombre et lumineux, noir et féérique, faisant tout à la fois penser au « Petit Prince » pour le Jiro enfant qu’au dernier mouvement de la « Pathétique » de Tchaïkovski dans son dénouement poignant, mêlant les aspirations les plus nobles à l’atroce barbarie, ce film est un conte réel. Il est en prise avec la face cachée de l’histoire du Japon, comme le cinéma américain sait parler de l’histoire de l’Amérique, en traitant par exemple de l’esclavagisme, et on pense alors à notre propre frilosité quant au regard à porter sur notre propre histoire contemporaine, qu’il s’agisse de la Collaboration ou de la guerre d’Algérie.

Miyazaki nous donne une leçon non seulement d’humanisme, mais aussi de grand courage en nous forçant à regarder la vie en face. Il faut sans cesse tenter de vivre, nous explique-t-il.

Ce film vient de sortir, allez donc le voir, il s’adresse à tous les publics, je dirais à tous les jeunes de 7 à 77 ans, chacun se sentira concerné et c’est cela un chef d’œuvre.
Super souris