Django-Unchained-affiche

Date de sortie 16 janvier 2013 (2h44min)
Réalisé par : Quentin Tarantino
Avec : Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio
Genre : Western
Nationalité : Américain

Django (Jamie Foxx) est un esclave, prêt à être revendu à un riche propriétaire. Il a été séparé de sa femme (Kerry Washington), qui travaille pour son ancien maître. Son chemin croise celui d’un chasseur de prime peu orthodoxe (Christoph Waltz) qui propose un marché à Django : en échange de sa liberté, il indique les visages des hommes recherchés. Django accepte le marché, mais il reste déterminé à rechercher sa femme.

Tarantino est comme un bon vin : plus il vieillit, meilleur il est. Dans la filmographie de ce réalisateur, les trois quart de ses films sont là pour qu’un adolescent cinéphile se fasse plaisir. C’est le cas avec « Reservoir dogs ». Son « Pulp fiction » sera le film du succès, lui assurant une Palme d’Or à Cannes, remise en personne par un Clint Eastwood conquis par son travail. Puis Tarantino fût boudé un temps, après le semi échec « Jackie Brown ». Ses fans lui tournèrent le dos, le public aussi, Hollywood de même. Quelques années après, « Kill Bill » le remet en selle. Il faut dire qu’il a mûrement pensé son film durant des années. Comme quoi, la réflexion paie ! Son rythme de sortie sera ralenti, de ce fait, à un film tous les trois ans. Son « Boulevard de la mort » est acclamé par ses fans, ce film de psychopathe à moteur diesel qui adore tuer de la belle dans une voiture gonflée à bloc. Puis Tarantino désire faire un autre style de film, se lancer dans le film de guerre. De là, né « Inglourious Basterds », remake d’un long métrage des années soixante. Il ne se contente pas de faire un film de guerre, mais son film de guerre. Ainsi, il mélange subtilement les codes du film de guerre à celui du western, car le rêve le plus cher du cinéaste est de réaliser un véritable western spaghetti, mais il n’a pas de scénario possible. Le résultat est stupéfiant, le succès est au rendez-vous. En regardant le long métrage, nous pouvons nous rendre compte que la réalisation de ce dernier est beaucoup plus affinée que dans les autres films de Tarantino : un rythme équilibré du début à la fin, des personnages travaillés, des situations délicieusement absurdes. Tarantino s’assagit derrière la caméra, maîtrise son art. C’est un homme nouveau.

Quelques années après le succès de « Inglourious basterds », le réalisateur revient avec un véritable western spaghetti, ayant récupéré un scénario valable. « Django unchained » de Tarantino est une reprise de « Django », réalisé par Sergio Corbucci en 1966. Reprise, mais pas remake. Le film ne s’appuie que vaguement sur l’oeuvre originale, dont il reprend seulement : le personnage de Django, le thème de la vengeance et la fragilité du personnage malgré son apparente force. Tout le reste est du pur produit de la création de Tarantino, dont nous allons aborder certains éléments.

La trame du long métrage est intéressante. Tarantino traite le thème de l’esclavage dans un western spaghetti. Il faut savoir que dans un western américain classique de la première moitié du siècle dernier, ce thème là n’est pas représenté, car d’autres sont prépondérants vis-à-vis des attentes du public. Le western spaghetti, né en Italie mais qui se déroule en Amérique, ne traite pas l’esclavage, ou au mieux l’effleure. Dans « Django unchained », le parti pris de Tarantino est clair : il veut parler de l’esclavage, un thème passé trop longtemps sous silence mais qui a existé, donc il faut l’aborder. L’intention du cinéaste devient claire quand il donne le nom éponyme du film à un esclave, faisant ainsi de ce terme le centre du film, sa « substantifique moelle » comme disait Rabelais. Dès lors, nous avons droit tout au long du film à un florilège de situations et de scènes absurdes liées à l’esclavage. Tarantino parle d’un sujet important, grave aux yeux de beaucoup de gens, mais au contraire des critiques que l’on peut lire sur le net, il ne disserte pas sur ce sujet avec sérieux. Il l’aborde plutôt d’une manière décontracté, avec beaucoup d’humour pour appuyer sur des situations qui nous apparaissent absurdes mais qui ne l’étaient pas à une certaine époque. De l’humour naît la réflexion. Tarantino va plus loin en faisant de Django un esclave peu banal, unique. En effet, Django se déplace à cheval, laissant les villageois dans une peur sans précédent : un Noir ne devait pas chevaucher, mais devait marcher aux yeux des blancs. Aucun autre que Django n’avait osé cela. Ce personnage devient dès lors un élément perturbateur dans la communauté raciste du Sud des Etats-Unis, un élément qui affronte les mentalités rétrogrades pour mieux les confondre dans la moquerie. Je vous laisse le soin de découvrir les autres éléments et situations similaires.

La mise en scène de Tarantino est un vibrant hommage au western spaghetti de Corbucci ou de Leone. Le réalisateur utilise des zooms avants rapides sur les personnages pour montrer leur réaction après un événement violent, les couleurs du film sont tantôt saturées, tantôt flétries selon les scènes. Il utilise des personnages typiques du western. Violents, manipulateurs et sans scrupules pour les hommes. Faibles, soumis et discrets pour les femmes. Le tout dans une société phallocrate de rigueur. Mais Tarantino leur apporte parfois un trait de caractère légèrement absurde pour les tourner en dérision. Les personnages principaux, quant à eux, peuvent se détacher par leur singularité dans ce monde de brutes. La force de l’univers construit par Tarantino est de faire vivre, de rendre crédible tout cet univers, et il y parvient en conservant les codes du western spaghetti tout s’en affranchissant. Par ailleurs, on ne peut éviter de parler de la musique, qui est un personnage à part entière, rendant un hommage au genre cinématographique abordé. La bande originale est composée de morceaux déjà existants, comme à l’accoutumé chez Tarantino. En effet, on retrouve le thème principal de Django, tiré du film de Corbucci, qui ouvre le film tout comme l’original. D’autres musiques sont empruntées de westerns, à l’image du thème principal de « On l’appelait Trinita », avec Terrence Hill dans le rôle-titre. On peut noter que, parmi les morceaux déjà existants, il existe quelques morceaux joués en « in » dans le film, comme « La lettre à Elise » à la harpe, petit clin d’oeil à peine masqué à « Inglourious basterds ». Tarantino ressort des titres de western qu’il a adoré et les compile dans son film pour réaliser l’ambiance du sien. Le tout s’avère de grande qualité, donnant un ton particulièrement nostalgique au film pour le genre dans lequel il s’inscrit. On peut noter que deux morceaux de Rap sont présents dans « Django unchained ». Ils sont utilisés à des moments particuliers afin de marquer un décalage entre le genre traité et une mise en scène très contemporaine de films d’action. Tarantino joue avec les spectateurs !

Enfin, les acteurs sont aussi savoureux que le reste du film. Jamie Foxx, interprétant Django, fait un travail remarquable. Il arrive à retranscrire un personnage fort extérieurement, mais terriblement humain à l’extérieur. Kerry Washington se débrouille assez bien, en interprétant le seul rôle féminin fort du film. Les deux acteurs les plus truculents du film sont bien les deux que je vais citer : Christoph Waltz et Leonardo DiCaprio. Christoph Waltz, la révélation de « Inglourious basterds », compose encore un personnage surprenant, excentrique et plein de ressources. Leonardo DiCaprio compose un riche propriétaire terrien, excentrique et psychopathe. Un rôle très différent de son habitude, qui apporte beaucoup à sa palette d’acteur et montre qu’il a acquis de l’expérience dans sa profession avec le temps. Le temps de « Titanic » et de son jeu fade est révolu ! Pour finir, nous aborderons les apparitions d’acteurs. Que serait Tarantino sans l’intervention d’acteurs fétiches ou d’acteurs oubliés ? Citons Samuel L. Jackson, grimé en vieil esclave noir qui apporte beaucoup au film. Don Johnson fait également une apparition très remarquée, à l’instar de Jonah Hill. Les fans de la série « The Shield » apprécieront de revoir Walton Goggins. Le maquilleur Tom Savini, connu pour son travail dans « La nuit des mort-vivants » de Roméro entre autre, fait une très brève apparition. Pour finir, citons l’apparition de Franco Nero, l’acteur jouant « Django » dans le film de Corbucci, dans une scène qui marque une passation d’identité.

« Django unchained » est un excellent film, très maîtrisé de bout en bout, que ce soit au niveau de la mise en scène ou de l’interprétation. Ce long métrage marque le second projet du nouveau Tarantino, qui s’est assagi et commence à mûrir cinématographiquement parlant dans son propre style. Nous attendons le prochain avec grande impatience !